éponymie a écrit:Ylou a écrit:Contrairement à l’utilisation du « masculin générique » pour parler d’êtres humains, cet usage n’est guère thématisé, voire remis en question par la critique féministe du langage.
Il ne faudrait surtout pas qu'on leur mette la puce à l'oreille
Votre source : http://www.implications-philosophiques. … le-neutre/
Merci à tous les deux pour l'article de Daniel Elmiger. Il est bien rédigé, très clair, et en plus il fourmille de propositions de « neutralisation formelle de la variation morphologique homophone » assez exotiques...
Daniel Elmiger a écrit:Dans son ouvrage Pour une grammaire non sexiste, Céline Labrosse (1996 : 95ss.) préconise non seulement le choix préférentiel de formes épicènes traditionnelles, mais elle suggère aussi l’adoption de nouvelles formes épicènes pour les noms et adjectifs homophones à l’oral, mais différenciés à l’écrit :
36) professionèles (au lieu de professionnels/professionnelles)[13]
[13] Cette forme a été adoptée au Québec par la Fédération des professionnèles (à la fin des années 1990) (http://www.fpcsn.qc.ca/Portals/0/La%20m … brosse.pdf)
Le choix de Céline Labrosse est peut-être pertinent pour la phonologie québécoise ainsi que les parlures hexagonales type Nord. Mais le français n'est pas parlé seulement au Québec et au Nord de la Loire. On le parle aussi à Nîmes et à Toulouse, où cette langue est même l'idiome maternel de l'écrasante majorité des populations locales. Dans les parlures de type méridional, les vocables professionnel et professionnelle ne sont pas homophones : ils ne comportent pas le même nombre de syllabes. La graphie proposée par Labrosse n'a aucune chance de passer dans les contrées du Midi : sa trouvaille est basé sur l'hypothèse farfelue que les Nîmois parleraient comme les Montréalais.
Daniel Elmiger a écrit:Héritier du latin (où le neutre existe au même titre que le féminin et le masculin), le français (qui ne connait plus que le masculin et le féminin) a un système de genres qui s’est simplifié, de sorte qu’aujourd’hui, le français contemporain ne présente plus que quelques menues traces de l’ancien genre neutre.
Les « menues traces » sont néanmoins d'un usage assez fréquent. Les articles des et l' sont tout de même des neutres grammaticaux très répandus et connus de tous. Tout comme plusieurs par exemple. Mais Daniel Elmiger objectera sans doute que plusieurs est un adjectif épicène — épicène en genre mais pas en nombre... Le propre d'un substantif ou adjectif épicène en genre n'est-il pas d'être justement indifférent non seulement à la morphologie des genres adversatifs mais aussi à la catégorie des genres adversatifs ?
Le pronom il de la phrase il faut que tu viennes ne peut commuter avec un elle qui donnerait : elle faut que tu viennes. Par contre, le pronom il de la phrase il veut que tu viennes alterne sans problème avec elle veut que tu viennes.
Ce qui est valable pour le genre grammatical l'est aussi pour le nombre grammatical. La phrase il faut que tu viennes ne commute pas avec ils fallent que tu viennes. La commutation fonctionne quand il s'applique à un animé : on peut transposer il veut que tu viennes en ils veulent que tu viennes.
Le neutre ou la neutralisation sont souvent évoqués quand on parle du genre — genre grammatical et genre sémantique. En réalité, il s'agit d'un concept qui s'applique de la même façon au nombre — nombre grammatical et nombre sémantique. Dans la phrase il faut que tu viennes, le pronom il est doté du nombre grammatical singulier, mais son nombre sémantique est neutre, au sens le plus fort de ce terme : le nombre signifié par il faut n'est de l'ordre ni du singulier ni du pluriel.
Laissons de côté les affirmations sur l'héritage du latin avec déperdition des genres. C'est de la téléologie.
Daniel Elmiger a écrit:5) La neutralisation
Si le genre neutre n’existe plus en français moderne, nombreuses sont cependant les neutralisations que l’on décrit dans la littérature linguistique et grammaticale. Ce terme se rapporte à des phénomènes divers, qui seront résumés en deux cas de figure : d’une part la neutralisation sémantique et d’autre part la neutralisation formelle.
5.1 La neutralisation sémantique
En sémantique, la notion de neutralisation fait référence aux travaux de Trubetzkoy et Jakobson (cf. Elmiger 2008 : 105ss.) ; elle peut s’appliquer à différents cas d’opposition où au moins l’un des éléments peut s’utiliser avec ou sans un trait différentiel, pertinent au niveau du cas particulier, mais non opératoire à celui de la catégorie plus générale. Ainsi, dans des relations de type hyperonyme/hyponyme (où l’un des termes peut s’utiliser comme autohyperonyme), un trait pertinent pour la définition de l’hyponyme est dit « neutralisé » quand il se réfère à l’hyperonyme ; ainsi les hyponymes chat et chatte (dans 25) s’opposent à chat (dans 26), où l’on parle d’un chat indéterminé.
25) Ce n’est pas un chat (♂), c’est une chatte (♀).
26) J’aimerais un chat (⚥), mais j’hésite entre un mâle ou une femelle.
Je me range à l'analyse d'Elmiger illustrée par les exemples 25 et 26.
On a bien, au niveau sémantique {chat ⚥} = chat, {chat ♀} = chatte et {chat ♂} = chat.
On a donc une bipartition lexicale :
[ chat ] / [ chatte ]
pour rendre une tripartition sémantique :
[ ⚥ ] / [ ♀/♂ ].
L'analyse du genre sémantique des animés peut s'étendre à d'autres espèces :
On peut en déduire que le français ne dispose pas de nom spécifique pour désigner le mâle de l'espèce Panthera leo. Le terme lion désigne à la fois un membre quelconque de l'espèce et tous les membres de l'espèce, n'importe quel mâle de l'espèce et tous les mâles de l'espèce. On pourra écrire le lion connaît une période de gestation de quatre mois sans méconnaître le fait que ce sont les femelles qui portent les petits, pas les mâles. Ce qui est valable pour Panthera leo vaut aussi pour Homo sapiens. Ce qui rend d'autant plus ridicule le délire de la prétendue écriture prétendûment inclusive.
Pour en revenir à ce que disait Elmiger, à savoir distinction entre neutre et neutralisation, je pense que c'est une approche pusillanime dictée par les fariboles de la transsubstantiation du latin en français avec perte du neutre par l'opération du Saint-Esprit. Comme disait l'autre, on n'est pas un peu enceinte : soit on est enceinte, soit on ne l'est pas. C'est pareil avec le neutre sémantique de type ⚥ : soit il existe, soit il n'existe pas. Je pense qu'il existe dans une langue comme le français. Il y a même des mots qui affichent ⚥ sans possibilité lexicale d'avoir ♀ ou ♂ (le recours au syntagme est obligatoire pour préciser le sexe) :