un dernier post... et je ne polluerai plus de ma présence intempestive ce forum de gens de Lettres. Je vous souhaite un peu plus de chaleur qu'aujourd'hui ce qui n'est pas très difficile !
Avant de vous quitter, je vous présente l'introduction du mon prochain livre qui paraîtra cet été.
INTRODUCTION
Une longue Quête
«Les poètes sont les chercheurs et les techniciens du langage. Et moi, c'est en travaillant sur le langage que je puis le mieux changer le monde ». Michel Butor
Dix huit années après la préface de Jacques Salomé le temps est venu pour ce dévoilement approfondi d'un langage archaïque, devenu secret, que la poursuite de mes recherches conduit désormais à nommer avec certitude ''la langue de l'inconscient''. Ce dernier livre est le septième d'une série sur le même sujet de recherche, une série initiée en 1995 avec quatre premiers ouvrages évolutifs parus sous le même titre Maux à mots, un langage dans le langage élucidé, puis prolongée en 2000 puis 2006 sous le titre Entendre les mots qui disent les maux aux Éditions du Dauphin. C'est l'aboutissement d'une longue investigation, d'une exploration méticuleuse des profondeurs du langage humain en y entrant non par la porte officielle de la Linguistique à la Faculté des Lettres, mais en y pénétrant par effraction d'une porte dérobée, celle de la Médecine générale. En effet c'est grâce à la clef façonnée avec les mots de la souffrance qu'entend le médecin de terrain que je m'y suis introduit. En fouillant tel un archéologue dans le champ lexical des plaintes des malades, j'ai eu la surprise de mettre à jour les premiers fossiles, des traces de nos cris primitifs toujours amalgamés et répétés dans nos mots. Aïe ! Ouille ! La persistance de ces stigmates douloureux sonores, des marques au fer rouge gravées dans notre vocabulaire actuel sans que nous en ayons conscience, a autorisé l'extension de la recherche à d'autres sons de nos mots, des petites séquences de phonèmes. Il a fallu avancer maux à mots, cris à phonèmes, pour réussir à achever le puzzle d'une langue totalement inconnue, jusqu'alors inconcevable et appréhender cette langue de 'inconscient.
Bien que le psychanalyste français Jacques Lacan se soit évertué à répéter que l’inconscient a la structure d'un langage, personne jusqu’à présent n’avait soupçonné l'existence d'une langue spécifique. Pourtant, depuis que l'homme parle et écrit, certaines unités archaïques de cette langue nous crèvent les tympans et les yeux ! Puisqu'ils infiltrent en permanence nos mots conscients nous aurions dû les détecter depuis des lustres. Mais nous avons perdu la relation entre les sons de nos mots et les échos du monde. Nous sommes devenus sourds et aveugles à leur écoute et à leur lecture, conditionnés par l'apprentissage syllabique particulier de notre langue maternelle et surtout par notre certitude que le mot (et plus précisément le morphème des linguistes tel ''march'' de ''marcheurs'') est la plus unité de sens de nos phrases. Ce n'est pourtant qu'une proposition théorique mais elle a été établie comme une vérité indiscutable par les autorités chargées de leur transmission. Les dictionnaires, même étymologiques, véritables musées lexicaux collectent les mots en accumulant les évolutions de leurs sens qui renvoient à d'autres mots dans une suite sans fin. Contre ce dogme du mot (morphème) comme unité de sens, seuls les poètes se sont rebellés en jouant avec leurs sons par leurs rimes, assonances et allitérations. Leur analyse intuitive nous a laissé, sous forme de vers ou de maximes, des fragments de vérité sur la langue qui survivent à l’épreuve du temps, mieux que nombre de vérités scientifiques. « Le poète se consacre et se consume à définir et à construire un langage dans le langage » affirme Paul Valéry. Un langage dans le langage était le sous-titre de Maux à mots de mes quatre premiers livres. L'intuition de René Char lui permet de deviner le savoir énigmatique de cet autre langage encore inconnu car, clame-t-il, « les mots, qui surgissent, savent de nous des choses que nous ignorons d’eux ». Mais ceux qui blessent, déchirent, torturent, angoissent, frappent, glacent d’effroi, consument, n’est-ce pas le médecin de famille qui les recueille lors de l'écoute de ses patients qui lui délivrent leur souffrance intérieure secrète ?
L'écoute, ce chemin du Sens
« L'écoute de l'autre donne son sens et son importance au dire » Jacques Salomé, Les mémoires de l'oubli
Qu’entend donc le médecin de si singulier ? Tout au long de sa carrière, au contact des malades, le praticien en effet est à l’écoute de discours intimes qui forment une sorte de catalogue oral, un corpus qu’il m’a paru intéressant de soumettre à l’analyse. Cris, chuchotements, formules toute personnelle ou familière, sont l’expression d’une langue non écrite mais symboliquement et émotionnellement éloquente, presque palpable. Dites 33!
Avec l’expérience on constate comme le Dr M. Bensasson dans son livre De la bouche du malade à l’oreille du médecin, que le langage des patients prend sa source dans des savoirs multiples, souvent anciens et obsolètes ou simplement du bon sens ancestral, qui transmet oralement des bribes d'une Tradition perdue. Après des années d’écoute, de tête-à-tête intimes, d’attention portée aux mots des maux des personnes en détresse, on parvient à entendre ces mots autrement, et la nécessité apparaît de les réinterpréter pour élucider le fin mot de l’histoire. Auscultare, en latin, signifie écouter, prêter l’oreille. Il s’agit certes de saisir par l’ouïe, mais aussi par l’intelligence, de comprendre la souffrance par la raison mais aussi par le cœur. Il existe donc plusieurs niveaux d’écoute. À la Faculté de Médecine, on apprend à reconnaître, par l’interrogatoire et l'examen clinique, puis par les investigations techniques complémentaires, les signes médicaux qui permettront de poser un diagnostic afin de prescrire le traitement approprié. Mais peut-on dans la pratique obtenir systématiquement l’état de guérison définitive des maladies chroniques par ce traitement purement médical ? En fait, rarement.
Technicien qui soigne, le médecin a aussi le pouvoir de réconfort grâce à la qualité de son écoute. Les maux dont souffrent de nos jours les gens stressés, anxieux voire exclus, réclament des égards, un certain regard, une empathie, plus que de la chimie en pilules ou en piqûres! Faute de liens sociaux solides ou de communication véritable, la souffrance psychique, engendrée par les aléas de la vie moderne, s’est engouffrée en effet dans les cabinets des généralistes, devenus des sortes de confessionnaux, où se déverse ce trop-plein de douleur plus morale que physique, un mal-être omniprésent, paramètres hors programme des études de médecine, mais que le praticien a bel et bien à entendre. Vague à l'âme, blues, spleen, cafard, bourdon, soupirs, boules qui serrent la gorge, souffles coupés, ventres noués ou ballonnés, qui se vident ou se retiennent, cœurs qui s’emballent ou battent la breloque, occupent une part croissante du temps de la consultation, confortant l’intuition du médecin sur l’origine réelle de ces maux fonctionnels et sur d’autres plus profonds.
Faut-il rester sourd à ces mots qui crient la douleur d'être ? La maladie serait-elle un autre langage ? Peut-on imaginer que la souffrance exprimée par les malades soit absurde ? Non, l’exercice quotidien de la médecine générale permet d'appréhender la maladie comme un autre langage par lequel le malade exhibe sur ou par son corps un message inhibé dans son cerveau. Les hommes se donnent ou se passent leurs mots comme leurs maux. La maladie qui se déclare, se communique et se transmet comme un message ressemble fort à une autre forme de langage que l'on peut résumer en un jeu phonétique:
Dans la maladie, le malade dit et les maux dits traduisent de maudits mots.
L’homophonie française mots/maux apparaît comme une coïncidence phonétique extrêmement troublante, voire éclairante. Ex isterait-il un code de lecture des messages de ces maux ? Dans l’un de ses ouvrages très connu, Si je m’écoutais vraiment je m’entendrais, Jacques Salomé explique que « les maladies sont des langages symboliques avec lesquels nous tentons de dire à un entourage significatif nos sentiments réels, quand ils sont censurés ou interdits par des peurs, qui ne nous permettent pas de le dire avec des mots... Et quand on ne peut le dire avec des mots, on le crie avec des maux ».
L'inconscient collectif langagier déclare:“j'ai attrapé la grippe, j'ai pris froid, je couve une maladie ou je goume quelque chose'' en franc-comtois. Ces formes verbales actives traduisent bien que l'homme est l'acteur de sa maladie, même si c'est totalement à son insu sous l'emprise de craintes qui se sont emparées de lui. Le langage scientifique lui-même parle de récepteurs, de cellules hôtes dans l’invasion d’un virus tel celui de la grippe, comme si l’organisme accueillait l’agent pathogène dans ses cellules ! Cette capacité à attraper, à choper, à ramasser les maux, selon les mots quotidiens des patients dans nos cabinets médicaux, ne témoigne-t-elle pas de l’immense puissance de notre cerveau inconscient ? L'homme attraperait le mal pour exhiber sur l'écran de son corps celui qui l'habite. Même pour le plus banal des rhumes, le langage populaire annonce à qui veut le subodorer qu'il s'agit d'un rhume... de cerveau à lui donner ''des mots de tête''.
Quand on est contrarié, ne peut-on pas en faire toute une maladie ? Devant quelque impossibilité d'agir, ne déclare-t-on pas: « je ne peux rien faire, j'en suis malade »! Ainsi l'étiologie des maladies, leur sens profond est bien inscrit dans le langage populaire pétri par l'inconscient collectif. Le chercheur biologiste, Henri Laborit affirme que toutes nos maladies sont liées à l’inhibition de l’action: ainsi la maladie de l'homme pourrait correspondre à une perte de mission par démission, parfois par compromission et surtout par soumission, autant de situations d’inhibition de l’action. Le médecin, au contact des microbes des malades, curieusement les attrape peu, puisqu'il réalise une ''immuno-stimulante'' mission humanitaire !
Pour guérir l'homme, faut-il continuer à s’acharner à creuser sa chair jusqu'au tréfonds de ses molécules et oublier de creuser l'humus des maudits mots qui germent et se développent dans son esprit selon la programmation, parfois malsaine de son entourage ? Mais chut, il faut taire que l'homme s'enterre pour que l'homme soit nié et ainsi soit tu ! La science médicale moderne ne se permet-elle pas de le traiter comme un objet en bâillonnant sa personne ? Il faut se demander si le bon fonctionnement ou le dérèglement d'un organisme ne dépend pas de la manière dont l'individu se comporte face à la vie, selon qu'il la mène ou la subit. Le manque d'autonomie face à l'environnement socio- familial ne joue-t-il pas un rôle essentiel dans la genèse des pathologies ? À l’évidence, les malades pressentent ce rôle déterminant : «je suis tombé malade quand j'ai perdu mon emploi», «au moment de mon divorce», «juste après mon déménagement», «à la mort de mon père», «après le départ de mon fils» etc. Ces événements bouleversants de la vie ont étés évalués par les américains selon une échelle de stress chiffrée (cf. appendice page...).
Mais cette hypothèse explicative des maladies se heurte à la logique matérialiste de la science médicale actuelle qui, certes soigne de mieux en mieux le corps, la cause externe, exogène, des maladies (agents infectieux, chimiques, physiques) ou le dysfonctionnement interne organique, mais qui n'en recherche pas la cause intime occultée. Ainsi l'hypertension artérielle par exemple pour laquelle on ne découvre que 5% de causes organiques vérifiables est qualifiée d'essentielle dans 95 % des cas, c'est-à-dire sans cause connue alors qu'elle concerne des millions de personnes ! À leur insu, les scientifiques médicaux ne témoignent-ils pas que l'étiologie de cette pathologie est liée à une peur qui croît avec l'âge du sujet occidental, une angoisse qui touche à l'essence de la condition humaine, celle d'être mortel ? Les allergies auraient pour cause des allergènes, auxquels le sujet, exposé régulièrement avant, était insensible. Ces allergènes ne sont-ils pas plutôt des boucs émissaires, témoins d’un événement bouleversant, dont ils ont fait simplement partie du contexte de survenue, ce qui les a fait ''classer S'', sensibles, par le système immun ? Les maladies auto-immunes s’expliqueraient par l’apparition subite d’auto- anticorps, alors que les lymphocytes n’en fabriquaient pas auparavant ! Pourquoi ne sommes-nous plus ''immer'' Un'? Pourquoi le médecin moderne se contente du comment sans rechercher le pourquoi ?
L'inflation des connaissances et la tendance accrue à la spécialisation ne risquent- elles pas de concourir, paradoxalement, à diminuer la qualité de la médecine plutôt qu'à l'augmenter? Malgré ses performances techniques, la médecine officielle subit toujours la concurrence de médecines dites douces ou alternatives. En 2000, 35% des Français, 33% des Américains et 60% des Japonais ont recours à des médecines parallèles! Pourquoi? L'introduction diagnostique de techniques de plus en plus sophistiquées se réalise au détriment de l'écoute du sujet humain, déshumanisé puisque transformé en objet scientifique ! Les incontestables résultats de la médecine moderne sont un progrès immense, mais peuvent être une régression si la démarche qui vise à guérir l’homme n’est pas inspirée par un réel humanisme.
À cette myopie médicale s'ajoute la réticence du malade, une résistance à la mise en mots de sa souffrance profonde, une dissimulation derrière l'écran d’un corps qu’il a pris l’habitude d’exhiber au médecin pour qu’il le répare sans rechercher dans son vécu les causes possibles de sa pathologie et les changements à y apporter. Derrière les maux dits se cachent les mots tus... et bouche cousue ! On bâillonne l'homme. Silence ! Hôpital ! Est-il aberrant de décrypter ces mots inhibés qu'il s'agit de déceler ? Est-il impossible de faire entendre à l'humanité souffrante que toute maladie organique n'est qu'un langage encore inconnu dont la mise en mots pourrait être avoir des vertus curatives ?
Si l'importance du langage est perçue comme le propre de l'homme, est admise par tous, pourquoi sous-estime-t-on ses capacités de conditionnement de la physiologie de notre corps ? Né du cri primitif engendré par l'émotion, le mot, fruit de la parole et de la connaissance, s'est dédoublé séparant la vibration sonore signifiante émotive du concept sensé signifié. L'humus sonore des cris fut fertile pour le développement sémantique. Cet essor aboutit à l'édification du gratte-ciel lexical actuel porteur d'une richesse informative exponentielle grâce à la diversification des mots et à leurs jeux sémantiques. Mais l'homme qui a construit cette tour de Babel informative et désormais informatique n'a-t-il pas désincarné son verbe ?
À l'opposé de la médecine organique, la psychiatrie considère l'homme comme un être psychique, écartant son corps biologique dont elle le sépare. Des tentatives de lien “psyché-soma” à partir de la psychanalyse freudienne ont permis des embryons de médecine psycho-somatique de type empirique et littéraire: Alexander aux USA et Marty en France. Le concept de stress permet de concevoir des liens biologiques entre des dysfonctionnements cérébraux comme la dépression et des déficits immunitaires réalisant une immunodépression. La liaison commence à s'établir entre l'hypersensibilité émotive et l'hypersensibilité immédiate de l'allergie, corrélation que le langage scientifique avait déjà présumée dans sa terminologie des conflits allergiques. Mais il manque bien des chaînons pour relier le langage de l'esprit au langage du corps, pour comprendre les liens entres les mots et maux.
L'ambition de ce livre est de saisir jusqu'où la biologie pénètre le langage humain en tentant de le ''biologiser'' et de saisir jusqu'où le langage pénètre la biologie humaine, jusqu'où il ''verbifie'' la chair afin de réaliser ce pont reliant les maux aux mots. Cette nouvelle approche de la maladie mariant le langage au corps, le logos au soma via la biologie pourra donc être qualifiée de ''biologosomatique''. Fiat lux, il fallait que la lumière l'emporte car selon l'évangile « il n'y a rien de caché qui ne doit être révélé, ni rien de secret qui ne doive être connu ». Ce dévoilement nécessite-t-il une initiation, un enseignement. « Quand on sait où l'on va, on ne jamais très loin » l'énonçait l'épistémologue René Thom, fondateur de la théorie mathématiques des catastrophes. Cette aventure dans l'inconscient, si fécond, va nous emporter bien delà de ses frontières, jusqu'à atteindre La Langue Sacrée, le Verbe !
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !