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forum abclf » Promotion linguistique » Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

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Messages [ 17 ]

Sujet : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Après avoir évoqué tout récemment l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le président de la République et Stéphane Bern uniront-ils leurs efforts pour réanimer l'idée de faire du château en déshérence un haut lieu de la langue française ?

diconoma est typographe, relecteur-correcteur, dictionnairiste

2 Dernière modification par glop (24-09-2017 22:30:56)

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

J’ai le souvenir d’une interview au cours de laquelle Sarah Bernhardt déclarait avoir parlé exclusivement le breton jusque l’âge de six ans. Je ne pense pas que cela ait causé pour elle un handicap à l’apprentissage du français.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

glop a écrit:

J’ai le souvenir d’une interview au cours de laquelle Sarah Bernhardt déclarait avoir parlé exclusivement le breton jusque l’âge de six ans. Je ne pense pas que cela ait causé pour elle un handicap à l’apprentissage du français.

Elle aurait, en effet, vécu quelque temps chez une nourrice à Quimperlé où, au milieu du dix-neuvième siècle, on parlait quotidiennement le breton. Mais n'oublions pas que l'édit de Villers-Cotterêts ne visait pas les langues régionales, mais le latin.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Le latin dans les actes officiels : certificats de baptêmes, de mariage, actes de vente, procès, etc.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Et il n'y a pas de rapport direct justement avec les langues régionales.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Et surtout... aucun rapport avec la langue du quotidien. La Révolution a beaucoup plus contribué malheureusement à la "discrimination" des langues régionales et par conséquent aux développement du français comme langue véhiculaire dans tout le territoire que l'édit de Villers-Cotterêts pour le coup.

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Ylou a écrit:

Et il n'y a pas de rapport direct justement avec les langues régionales.

Mais on a longtemps cru que l'Édit, qui stipulait l'emploi du « bon langaige françoys » dans les actes officiels, visait autant les langues régionales que le latin. Ce n'est que récemment que les historiens de la langue en limitent la portée à l'emploi du latin dans les cours de justice et les publications officielles. Il est pourtant de fait que l'Édit de Villers-Cotterêts amorça une lente évolution vers l'usage du français « de la cour » dans les procès, etc. L'abbé Grégoire se situe dans un sillage déjà bien tracé.

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Et tout cela pour une sombre histoire de bottes. lol

Au-delà de l'anecdote, la note de bas de page 816 est assez édifiante quant à la non-originalité du projet.

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

trevor a écrit:

Il est pourtant de fait que l'Édit de Villers-Cotterêts amorça une lente évolution vers l'usage du français « de la cour » dans les procès, etc. L'abbé Grégoire se situe dans un sillage déjà bien tracé.

Bon, ben du coup, non... avec le document d'aCOSwt on voit bien que l'Edit de Villers-Cotterêts n'a rien amorcé... il a plutôt voulu entériner quelque chose de déjà bien ancien à l'époque.
Et je ne suis pas trop d'accord avec vous quand au fait que l'abbé Grégoire se situerait dans un sillage déjà bien tracé. D'après moi, Grégoire (et au-delà, la Révolution) et Villers-Cotterêts n'ont pas du tout les mêmes objectifs. Enfin, je dis ça, je ne connais pas assez bien l'édit. Mais d'après ce que j'en sais, il a été fait pour éviter les incompréhensions à l'intérieur du Royaume, mais idéologiquement il n'y a aucune volonté de "détruire" toutes les autres manières de parler. Ok, la but ultime est de faciliter la compréhension de tous les habitants du pays, de faire du français la langue véhiculaire, mais le premier s'inscrit dans un cadre officiel, public, "national" alors que le deuxième s'inscrit dans un cadre privé. Il est plus logique de prétendre (même si c'est discutable) que toutes les lois, tous les procès, etc. d'un territoire soient rédigés dans une seule et même langue que de vouloir imposer une langue à TOUS les habitants et surtout vouloir que ceux-ci arrêtent de parler leur langue.

Et quand j'entends aujourd'hui ceux qui défendent cette idéologie véhiculée par l'abbé Grégoire et la Révolution (en gros, le monolinguisme imposé par la force car évidemment, vous comprenez bien, le plurilinguisme serait un danger pour l'unité d'un état!!!), je m'interroge sur leur propre réaction si demain l'UE voulait imposer à tous ses états membres l'usage exclusif de l'anglais dans la sphère privée... Je pense qu'il y aurait matière à se marrer...

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

C'est un peu caricaturer d'écrire que la révolution a voulu imposer le français dans la sphère privée, puisqu'elle n'en avait évidement pas les moyens, et même si c'est un état de fait deux siècles plus tard. En réalité, la volonté d'éradication s'est manifestée au sein de l'école. Pour la sphère privée, le sentiment d'infériorité, la rareté des supports écrits, la nécessité de connaître le français pour trouver du travail à l’extérieur, le brassage par la conscription ont fait le reste, et le coup de grâce a été donné par l'installation de la télévision dans tous les foyers.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une caricature. C'était la volonté clairement affichée dans le rapport de l'abbé Grégoire. Effectivement, très difficile d'éradiquer une langue dans la sphère privée (d'ailleurs, aujourd'hui, ces langues régionales ne sont toujours pas mortes) mais l'école en a été un très bon moyen. D'où croyez-vous que vienne ce sentiment d'infériorité si ce n'est de l'école?
Je me rappelle encore quand j'étais en primaire dans l'Ain et que mes institutrices (que j'adorais) me disaient que "j'y fais" ce n'est pas français, on dit "je le fais". A l'époque, petit, je l'ai cru (même si j'ai continué pendant très longtemps à le dire) et me disais "merde, je parle mal, je parle pas français..." et j'ai pris conscience que cette manière de parler était "moins bonne" et j'ai pu en avoir honte. Aujourd'hui, je n'ai plus honte de ce parler que j'avais quand j'étais petit et j'aime bien retourner dans cette région pour entendre mes amis continuer à parler comme cela. Je ne dis plus "j'y fais" aujourd'hui... mais simplement par "adaptation" à mon milieu (j'entends par là la région où je vis), mais si je retourne un jour dans cette région, je pense que ça reviendrait et que je ne ferais rien pour l'éviter, au contraire. Et on ne parle que de certaines particularités ici. Mais ces affirmations des enseignantes provoquent une insécurité linguistique forte qui fait qu'on peut avoir honte de la langue qu'on a apprise de nos parents ou de notre entourage... L'école est un formidable outil de propagande pour tenter d'éradiquer les langues régionales et autres dialectes du français. Et je trouve ça bien dommage.

Quant à la dernière affirmation concernant la télévision... là encore, si les programmes en langue régionale ont mis si longtemps à arriver dans nos télés, à qui la faute ? A ce nationalisme linguistique hérité de la Révolution. Idem pour la nécessité de parler français pour trouver du travail. Cette nécessité n'existe que parce que le français est l'unique langue reconnue en France... encore une fois, d'où ça vient?

En même temps, je dis tout ça mais je peux arriver à comprendre l'objectif de Grégoire à cette époque-là... mais je trouve dommage qu'aujourd'hui la France soit encore un parfait modèle de monolinguisme imposé et revendiqué par l'Etat français qui malgré la promesse de Hollande n'a toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales et minoritaires (merci aux sénateurs conservateurs).

Bon, j'arrête là avec mes opinions. Désolé si je parais un peu virulent sur le sujet !

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

L'exemple de l'Allemagne, du point de vue linguistique, montre qu'on peut vivre dans un pays unifié qui parle plusieurs dialectes. Mais la situation varie selon les régions. J'ai connu deux familles cultivées (études supérieures), l'une dans le Palatinat, l'autre en Hesse, pour lesquelles le rapport au dialecte était diamétralement opposé : la première trouvait saugrenu de parler le Hochdeutsch (allemand de l'enseignement et de la vie publique) en famille, et la seconde trouvait que le dialecte dénotait un manque de culture.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Sans vouloir contredire personne, j’ai envie de dire que l’union des régions d’Allemagne n’est pas comparable à l’union de l’état Breton à la France avant laquelle la Bretagne était commercialement l’un des plus importants états d’Europe et, par ailleurs, la langue Bretonne n’a rien d’un dialecte.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

C'est vrai, et l'unification de l'Allemagne a aussi été bien plus tardive, du moins politiquement.
Il est vrai que la Bretagne commerçait abondamment avec les pays du nord avant son rattachement à la France.
Enfin la langue bretonne n'est pas plus un dialecte que le français, mais elle est elle-même divisée en quatre dialectes.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Oliglesias : c'est super intéressant ce que vous dites. En même temps ça remet en perspective beaucoup de règles de français que l'on croit essentialistes alors qu'elles ont été choisies arbitrairement et imposées par l'Île-de-France aux autres régions pour créer un sentiment nationaliste.

On a clairement dit à mon père, quand il a passé la première fois le Capes en mathématiques (donc, pas une matière littéraire, on pourrait se dire que son parler et ses expressions ne devraient pas être un critère sur sa manière d'enseigner les maths) que son accent aveyronnais va lui porter préjudice et qu'il devrait "l'effacer"...à savoir, qu'il devrait prendre l'accent parisien. Et c'était dans les années 70, aujourd'hui, j'attends toujours de voir sur TF1 un journaliste à l'accent corse, un énarque à l'accent aveyronnais, un membre de l'Académie française à l'accent lorrain...

La Monarchie de l'Ancien Régime ne voulait surtout pas enseigner le français au bas-peuple. C'était une langue d'ascension sociale. Une pluralité de dialectes, une analphabétisme majoritaire = des peuples soumis pour le Roi.
C'est donner à la Monarchie une action faite par les Jacobins à la Révolution française.

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Eliane023 a écrit:

son accent aveyronnais va lui porter préjudice et qu'il devrait "l'effacer"

En même temps... s'il avait été amené à exercer dans le Tarn... wink

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

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Re : Villers-Cotterêts, haut lieu de la langue française ?

Il est quand même curieux que le roi François Ier n'ait pas inclus, parmi ses sujets confrontés à l'administration, ceux dont la langue maternelle n'était pas le français. D'ailleurs, quelle proportion de la population, même de langue d'oïl, comprenait le langage de la cour à cette époque ?

Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous, arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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