Tirer le diable par le queue : quelques remarques
En bon disciple de Pierre Guiraud, je ne crois pas aux explications par une anecdote. Plus l'anecdote est détaillée, plus elle a de chances d'être fausse.
Pour l'expression en cause, je pense que les légendes sont de fausses légendes étiologiques, destinées à justifier une expression déjà perçue comme cocasse et incompréhensible.
Je pose des questions ingénues : s'agit-il de tirer ? s'agit-il du diable ? s'agit-il de la queue ?
Tout le monde connait les déformations paronymiques, parfois volontaires, comme les pieds de la dame au clebs, ou fier comme un petit banc, fier comme bar tabac, qui devient fier comme Bartabas. J'imagine les érudits du futur expliquant que mais si, mais si, il existait une troupe de spectacle équestre dont le directeur se nommait Bartabas, etc. etc...
Je pense qu'il s'agit bien d'une queue, et je le justifie.
Il existe une expression parallèle : tenir la queue de la poêle.
Robert dit que cela signifie avoir la direction d'une affaire, mais j'ai trouvé cette expression dans Vallès (je n'arrive pas à la retrouver), dans un contexte où elle signifie plutôt : tenir les comptes du ménage.
Revenons à la poêle.
Autrefois, on cuisinait dans les cheminées, à feu ouvert. La poêle était tenue dans la flamme, à force de bras, avant du moins l'invention d'un trépied métallique qui a permis de la poser. Les queues des poêles étaient donc très longues, pour éloigner du feu celui qui les tenait.
Bref, tenir la queue de la poêle, cela ne signifie pas diriger une affaire, mais se livrer à une besogne pénible.
De tenir à tirer, il n'y a pas loin, et il suffirait d'établir que diable est la déformation du nom d'un ustensile de cuisine, sinon cet ustensile lui-même, pour démontrer que tirer le diable par la queue est une variante de tenir la queue de la poêle, travailler dur.
Délivré pour servir et valoir ce que de droit :-)
... ne supra crepidam sutor iudicaret. Pline l'Ancien