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forum abclf » Pratiques linguistiques » vraies ou fausses antonomases ?

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Messages [ 1 à 50 sur 126 ]

1 Dernière modification par yd (06-10-2015 18:12:54)

Sujet : vraies ou fausses antonomases ?

Premier cas : mobylette.

Étymologie et Histoire 1949 (Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle, numéro 3420, 17 novembre 1949, page 2976: Mobylette. 456. 934. M. p.  désignation des cycles à moteurs, motocycles, pièces détachées et accessoires dépuis le 27 août 1949, [...] par les Ateliers de la Motobécane). Nom de marque déposé, formé sur un radical mobil tiré de mobile* (utilisé dans des mots comme automobile*) avec substitution de y à i (Documentation Ateliers de la Motobécane); suffixe -ette (-et*).

La formation du mot revient aux ateliers Motobécane, avec cette astuce de remplacer le i par le y, mais sur le fond, sans réduire le mérite de Motobécane ni sous-estimer ce que nous devons au succès de sa mobylette, le mot est bel est bien une formation de la langue française.

Deuxième cas : frigidaire, tiré de frigidarium.

1920 (28 décembre dans le Bulletin officiel de la propriété industrielle et commerciale, page 90, numéro 3709). Emprunté au latin frigidarium « glacière, chambre froide », une 1re fois en 1636, voir frigidarium, puis repris comme nom déposé d'une marque de réfrigérateurs de la firme General Motors (21 septembre 1918 dans U.S. Patent Office du 23 novembre 1920, page 803).

ANTIQUITÉ ROMAINE. Partie des thermes où l'on prenait les bains froids (voir caldarium, tepidarium). Une autre ruine cyclopéenne, les thermes de Caracalla (...) un frigidarium où la piscine pouvait contenir à la fois cinq cents baigneurs (Zola, Rome, 1896, page 118).
[...] Étymologie et Histoire 1636 Frigidaire (Monet); 1838 frigidarium (Ac. Compl. 1842). Mot latin classique frigidarium « partie des thermes où l'on prenait des bains froids ».

Sur la forme, on n'enlèvera rien aux mérites de la marque Frigidaire d'avoir su reprendre le mot et lui assurer son succès, mais sur le fond il s'agit bel et bien d'un mot de la langue française forgé à partir du latin puis reconnu en 1636 par le lexicographe Philibert Monet.

Troisième cas : klaxon.

Étymologie et Histoire 1911 (La Vie automobile, 400 d'aprés R. V. Ball dans Fr. mod. tome 42, page 356 : Le Klaxon (Breveté S.G.D.G.) − The klaxon Co Ltd., Paris). Emprunté au terme anglo-américain (formé sur le grec κλα ́ζειν « crier, retentir ») qui est à l'origine le nom commercial sous lequel un fabricant distribua cet instrument.

Sur la forme la marque intervient donc dans le seul suffixe -on, dans le succès du mot et l'usage qu'on en connaît, mais sur le fond il s'agit bien d'un mot repris du grec.

Conclusion : nulle trace d'antonomase dans ces trois mots de mobylette, de frigidaire et de klaxon, on est loin de l'antonomase entre tartuffe et hypocrite, à mon avis. Et il y aurait à dire ici aussi :

[...] Au vu de l'attestation en 1609 supra, Molière n'a pas inventé le nom de Tartuffe, mais c'est sa comédie (représentée pour la 1re fois en 1664) qui est à l'origine de la diffusion du mot dans la langue courante.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Il me semble pourtant que chacun des fabricants a mis son grain de sel dans la construction du mot, et que c'est par la notoriété de l'objet ainsi nommé que le mot est entré dans notre vocabulaire. Il y a donc bien eu passage d'un nom propre (façonné pour un objet spécifique) à un nom commun. Il y a donc bien antonomase, et pourquoi fausse?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

3 Dernière modification par yd (06-10-2015 20:59:09)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Oui, les marques ont ajouté leur grain de sel, point.

Changer un i en y, suffixer un mot en -on, ce n'est pas forger un mot, et quant au troisième c'est du français de 1636*. Ce qu'on peut dire, c'est que les marques ont pesé dans l'histoire du mot, ce qui n'est pas l'acception commune de l'antonomase. Quand vous dites frigidaire, on veut reprend en vous disant que frigidaire est une marque et qu'il faut dire réfrigérateur. Cette reprise est en réalité sans objet. Quand vous dites klaxonner, personne ne vous reprend.

Pour le tartuffe, le mot serait serait resté inconnu en français sans la pièce de Molière : ici on peut commencer à parler d'antonomase, tout au moins en ce qui concerne la langue française. En italien, je ne sais pas. Même remarque en sens inverse pour le frigidaire en anglais. Il y aurait sans doute antonomase en anglais si frigidaire était utilisé en anglais. Mais en anglais, dit-on frigidaire ?

Historiquement, combien de foyers français avaient-ils un frigidaire de chez Frigidaire quand le mot à commencé de circuler comme nom commun ? J'ai de gros doutes, car encore dans les années 50 peu de foyers étaient équipés de ces appareils, et il ne s'agissait déjà plus de la marque Frigidaire dans la plupart des cas. En 1960 le « frigidaire » était dans presque tous les foyers, mais en 1950 je n'y crois pas. Or le nom commun était déjà celui-là. Normal, c'est un mot parfaitement français, plus facile à dire que réfrigérateur, et très souvent abrégé en frigo. Le réfrigérateur, vous l'abrégez comment ?

* et même de bien avant 1636, date d'enregistrement dans un lexique ; voir mon message 14 infra.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Il semble qu'aient sévi la censure de mauvais aloi des puristes et le langage technique souvent officiellement prôné.

http://img11.hostingpics.net/pics/664893Frigo.jpg

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Frigo semble se substituer à frigidaire chez ceux à qui on a enjoint de ne pas utiliser ce dernier. Il me paraît, à moi, en être un diminutif.
Quant à réfrigérateur, il est moins « coulant » d'un point de vue phonétique : répétition de la consonne R, de la voyelle É, et longueur de cinq syllabes.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Alco a écrit:

Quant à réfrigérateur, il est moins « coulant » d'un point de vue phonétique : répétition de la consonne R, de la voyelle É, et longueur de cinq syllabes.

S'il prime dans les écrits récents, il est probablement moins employé à l'oral que frigo.

7 Dernière modification par yd (06-10-2015 09:28:31)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Si l'on en croit cette intéressante courbe Ngram, avec son pic très pointu en 1955, la condamnation du nom commun frigidaire serait intervenue, avec une efficacité spoutniquienne, on peut dire ça malgré un très léger anachronisme, en 1954-55. Je n'en veux absolument pas à la marque américaine d'avoir adopté un mot français, je ne peux que m'en réjouir, mais encore une fois c'est bien depuis la France qu'on a voulu ruiner un mot français, créant un énième faux problème de plus aux locuteurs. Ce n'est pas ainsi que la langue progresse, mais c'est certainement ainsi qu'elle régresse.

Cela me rappelle les incessantes attaques contre le Franc lors de toutes les crises monétaires internationales, toujours attribuées aux spéculateurs étrangers, qui en réalité étaient toutes initiées depuis les seules salles de marché on ne peut plus françaises.

Boris Vian ne s'est pas gêné en 1956 pour utiliser le nom commun frigidaire dans sa Complainte du progrès, ceci dans un usage on ne peut plus quotidien. Bravo.

Je ne me gênerais plus moi non plus pour utiliser frigidaire à l'écrit en nom commun, tant pis pour les fausses remontrances, mais jusqu'à présent, mal informé, je respectais comme beaucoup de monde l'interdit, tout au moins à l'écrit. Un interdit à l'écrit, c'est redoutable, c'est souvent très suivi.

Je suis d'accord : réfrigérateur me semble assez peu employé à l'oral, et pour avoir la paix on dit frigo.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Je ferai comme vous YD. Je me suis contrainte des années durant à ne pas dire frigidaire, qui est un mot beaucoup plus agréable à prononcer que réfrigérateur ! et plus élégant que frigo.
Ah! mais.... c'est vrai à la fin!

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

9 Dernière modification par glop (06-10-2015 10:21:12)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:

[... Je n'en veux absolument pas à la marque américaine d'avoir adopté un mot français ...]

Je vois bien que l'orthographe du mot est "ben d'chez nous" mais d'où tenez vous que le mot soit français?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

10 Dernière modification par éponymie (06-10-2015 11:05:51)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

glop a écrit:
yd a écrit:

[... Je n'en veux absolument pas à la marque américaine d'avoir adopté un mot français ...]

Je vois bien que l'orthographe du mot est "ben d'chez nous" mais d'où tenez vous que le mot soit français?

Il s'agit d'un emprunt avec francisation en -aire, voyez un peu, ça date de 1731 mais il y a une édition précédente de 1672 :

http://img11.hostingpics.net/pics/721098frigidaire.png

La -arium latin est francisé en -aire, et voilà le mot français. Il suffit que les américains aient empruntés cet emprunt et nous arrivons à notre marque.

Et je coiffe vh sur le poteau pour les doublets frigidarium/frigidaire.

En fait, cette antonomase n'en est effectivement pas vraiment une. Rigolo.

11 Dernière modification par trevor† (06-10-2015 11:17:59)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Accessoirement, je signale qu'on ne dit presque plus « vacuum cleaner » (aspirateur) en anglais, mais « hoover » (d'après la marque bien connue mais avec « h » minuscule).
J'ajoute que « hoover » est autant verbe (transitif ou utilisé absolument) que substantif.

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

12 Dernière modification par Piotr (06-10-2015 12:02:22)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Bonjour à tous,

      certes, les mots frigidaire, klaxon et mobylette sont des termes commerciaux (marques déposées par leurs inventeurs) et donc des noms propres.  Comme le dit Ylou, n'est-ce pas le propre d'une antonomase que ce passage du statut de nom propre à nom commun.

    D'autre sexemples : la Bouteille Thermos, qui me semble légèrement devoir aux Grecs son appellation.
     Mais quid de la fermeture Éclair *, nom de marque déposée tiré d'un nom commun ? N'est-ce pas encore une antonomase ?

* et de son homologue, la fermeture Prestil, au nom lui aussi tiré du latin par suffixation.

elle est pas belle, la vie ?

13 Dernière modification par éponymie (06-10-2015 12:16:54)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

C'est comme pour les doublets, tout dépend finalement de la définition que l'on donne de l'antonomase.

Il se trouve que frigidaire a été largement employé pendant tous les XVIIIe et XIXe ainsi qu'au début du XXe pour parler du frigidarium. Probablement repris - c'est à documenter - par une firme américaine à la fin du XIXe puis par Général Motors vers 1911 (et non 1916 ou 1918 comme on le lit un peu partout), c'est cette transformation en nom de marque, rapidement devenue antonomase qui semble eclipser le frigidaire thermal et ressusciter ou raviver le frigidarium.

Selon moi, ça reste un cas limite, le nom commun existait avant de devenir marque. Et qui plus est sémantiquement il n'y a pas eu une grand évolution, il s'agit bien toujours de produire du froid. Fermeture éclair, dans cette logique, entre également dans les cas limites.

Thermos, c'est différent, c'est bien un terme emprunté au grec pour créer le nom de marque. Mobylette aussi, nom fabriqué selon un procédé certes classique (passons sur la fantaisie orthographique) mais toujours pour créer un nom de marque. Prestil, itou.

14 Dernière modification par yd (07-10-2015 01:40:10)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

(Je n'avais pas eu les deux messages précédents, de Piotr et d'Éponymie.)

En fait le TLFi à frigidarium, cité dans mon message 1, attribue bien frigidaire à Philibert Monet en 1636, alors que Gallica trouve deux fois frigidaire chez Guillaume du Choul, dans le Discours sur la castrametation et discipline militaire des Romains, en 1556, et trois fois chez le médecin Jean Aubery, dans Les bains de Bourbon Lancy et Larchanbaut, en 1604.

C'est fou, mais je crois comprendre de la page Bourbon-l'Archambault de Wikipédia que les thermes romains étaient toujours fréquentés du temps de Jean Aubery.

Le résultat suivant sur la même page de Gallica est celui de Philibert Monet.

Je trouve qu'il n'y a aucun problème à reconnaître l'apport des marques concernées dans la création ou dans l'histoire de noms français d'usage courant. Mais disons que ce concept d'antonomase est beaucoup moins précis qu'on aurait pu le croire. Quand on utilise par écrit ou par oral fermeture éclair, personne ne vous enguirlande ; alors pourquoi se fait-on enguirlander pour frigidaire ? D'une manière, nous laisser utiliser ces noms communs ou devenus communs, c'est rendre le meilleur hommage à l'apport des marques concernées. Sur mobylette, j'ai appris une chose grâce au TLFi. Je croyais qu'ils avaient sorti le mot de rien, or sa construction s'explique très bien dans le cadre de la langue française, avec cette fantaisie du y, qui est permise.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Attention, le TLF n'attibue pas frigidaire à Philibert Monet, il documente le mot. Certes les rédacteurs de l'article n'avaient pas Google livres ou Gallica mais ils n'avaient certainement pas non plus la prétention d'avoir trouvé la première occurrence du terme. Ce genre de chose arrive très souvent.

La nouvelle présentation du moteur de recherche de Gallica est bien plus agréable, dommage que le moteur lui n'ait pas été revu.

16 Dernière modification par yd (06-10-2015 14:13:33)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Oui, merci de la rectification. Le TLFi a peut-être voulu s'appuyer sur un vrai lexicographe, ce qu'était Philibert Monet. Un lexicographe ne fait d'ailleurs que reconnaître un mot, il ne le forge pas. Ici les dates concordent assez bien. Premier essai connu par écrit en 1556, confirmation en 1604 de la part d'un médecin qui recommande les thermes de Bourbon l'Archambault, enregistrement dans un lexique en 1636, cela colle bien.

Ce qui est encore intéressant, c'est que selon sa page dans Wikipédia Philibert Bonet était un grand partisan d'écrire les mots comme on les prononçait. De là, on peut se demander si le mot francisé frigidaire n'avait pas été déjà assez largement adopté à l'oral.

Fille légère ne peut bêcher.

17 Dernière modification par Abel Boyer (06-10-2015 15:14:41)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Ylou a écrit:

Il me semble pourtant que chacun des fabricants a mis son grain de sel dans la construction du mot, et que c'est par la notoriété de l'objet ainsi nommé que le mot est entré dans notre vocabulaire. Il y a donc bien eu passage d'un nom propre (façonné pour un objet spécifique) à un nom commun. Il y a donc bien antonomase, et pourquoi fausse?

éponymie a écrit:

En fait, cette antonomase n'en est effectivement pas vraiment une. Rigolo.

Je suis de l'avis d''Ylou', c'est bien une antonomase. Très peu de gens connaissent le mot "frigidaire" dans son sens français ancien, mais tout le monde a employé la marque "Frigidaire" (peu importe qu'elle reprenne un nom existant appliqué à un autre objet) pour désigner un réfrigérateur. Cette marque, qui appartient aujourd'hui à la société Electrolux Home Products, Inc., ne doit pas être employée pour désigner un réfrigérateur qui n'est pas de cette marque. Naturellement, chacun est libre d'employer "frigidaire" pour désigner ce qu'on appelle aujourd'hui plus volontiers le "frigidarium".

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Piotr a écrit:

     Mais quid de la fermeture Éclair *, nom de marque déposée tiré d'un nom commun ? N'est-ce pas encore une antonomase ?

Absolument, il s'agit d'une antonomase, puisque on utilise en tant que nom commun pour désigner n'importe quelle fermeture à glissière le nom déposé "fermeture Eclair". La marque est très ancienne et est aujourd'hui tombée dans le giron de la société ECLAIR PRYM FRANCE.
http://www.eclair-prym.eu/ep-histoire/

yd a écrit:

Quand on utilise par écrit ou par oral fermeture éclair, personne ne vous enguirlande.

Détrompez-vous. Dans les écrits techniques soignés, on évite consciencieusement "fermeture éclair" et on utilise "fermeture à glissière". Sinon, on peut se faire enguirlander par Eclair Prym France.

19 Dernière modification par éponymie (06-10-2015 14:58:03)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Abel Boyer a écrit:
Ylou a écrit:

Il me semble pourtant que chacun des fabricants a mis son grain de sel dans la construction du mot, et que c'est par la notoriété de l'objet ainsi nommé que le mot est entré dans notre vocabulaire. Il y a donc bien eu passage d'un nom propre (façonné pour un objet spécifique) à un nom commun. Il y a donc bien antonomase, et pourquoi fausse?

éponymie a écrit:

En fait, cette antonomase n'en est effectivement pas vraiment une. Rigolo.

Je suis de l'avis d''Ylou', c'est bien une antonomase.

En l'occurrence, il n'y aurait pas eu de grain de sel du constructeur. Sauf s'il devait s'agir d'un plus anglophone frigid + air à l'origine du nom de marque (on peut tout imaginer et donc on doit vérifier : je ne l'imagine d'ailleurs pas, General Motors à eu maille à partir avec une autre société à ce propos en 1911, elle utilisait pour un produit différent un frigid air trop semblable à frigidaire), si ce n'est pas le cas, on ne peut pas dire que le nom ait été façonné pour cet objet spécifique.

Le mot était déjà dans notre vocabulaire. Au moins dans un domaine précis.

Abel Boyer a écrit:

Très peu de gens connaissent le mot "frigidaire" dans son sens français ancien, mais tout le monde a employé la marque "Frigidaire" (peut importe qu'elle reprenne un nom existant appliqué à un autre objet) pour désigner un réfrigérateur.

Argument un peu faible, parce que l'on peut dire ça de beaucoup de mots, antonomase ou pas. Et les acceptions des mots ont toujours connu des tribulations, des mots, des renaissances. Voir les jeunes qui détournent des mots désuets en leur donnant un tout autre sens.

Abel Boyer a écrit:

Cette marque, qui appartient aujourd'hui à la société Electrolux Home Products, Inc., ne doit pas être employée pour désigner un réfrigérateur qui n'est pas de cette marque. Naturellement, chacun est libre d'employer "frigidaire" pour désigner ce qu'on appelle aujourd'hui plus volontiers le "frigidarium".

C'est bien parce qu'on ne s'est pas privé d'utiliser frigidaire pour tous les frigos - vous seriez contre ? - qu'on éprouvera quelque difficulté à nommer de nouveau frigidaire le frigidarium. Merci cependant de l'autorisation concédée.

Merci beaucoup pour l'histoire de la fermeture éclair. Soit dit en passant en italien c'est "chiusura lampo" (traduction mot à mot), là aussi, il s'agit d'une société qui  se nomme d'après la caractéristique d'un de ses produits - et le sens du mot éclair est encore très clair dans la langue moderne. Que le nom "fermeture éclair" ait été déposé, fort bien, qu'on le considère comme une antonomase, c'est discutable, tout comme pour frigidaire. Et c'est discutable selon les critères énoncés par Ylou qui  sont de bon sens, la question initiale d'yd est donc fondée concernant ces deux mots.

Mais klaxon et mobylette sont bien des antonomases selon la définition ylouenne.

20 Dernière modification par éponymie (06-10-2015 14:57:24)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Ylou a écrit:

Il me semble pourtant que chacun des fabricants a mis son grain de sel dans la construction du mot, et que c'est par la notoriété de l'objet ainsi nommé que le mot est entré dans notre vocabulaire. Il y a donc bien eu passage d'un nom propre (façonné pour un objet spécifique) à un nom commun. Il y a donc bien antonomase, et pourquoi fausse?

Tout compte fait, c'est moi qui suis d'accord avec l'énoncé de Ylou. Pas avec sa conclusion.

Et puis n'exagérons pas, je suis aussi magnanime que vous Abel Boyer, chacun est libre de dire que frigidaire est une antonomase. Mais c'est comme bien des choses, si on commence à se poser la question de savoir ce qu'est une antonomase, on se rend compte qu'il y a antonomase et antonomase. Alors, soit on fait un peu le tri - pour comprendre comment ça marche - soit on continue à mélanger chèvres et choux, tout dépend de ce que l'on veut.

21 Dernière modification par yd (06-10-2015 21:12:49)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

(Je faisais suite aux messages d'Abel Boyer.)

Je vous renvoie sur les courbes Ngram qui ne me surprennent pas : la fermeture à glissière semble pour le moins coincée et la fermeture éclair, en nom commun, sans majuscule, ne s'être jamais aussi bien portée. Quant à la fermeture Éclair... elle démarre en 1945, vingt ans après la fermeture éclair, et doit même redémarrer à partir de zéro en 1959. Mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ? 

Très peu de gens connaissent le mot « frigidaire » dans son sens français ancien, oui, moi le premier jusqu'à aujourd'hui. Et même frigidarium, d'ailleurs, en ce qui me concerne. Clairement c'est une information qui ne circule pas suite à l'interdit. Je ne sais même pas s'il faut différencier au Moyen-âge les thermes du sauna ;  tout le monde croit que les thermes n'existent plus depuis la fin de l'Antiquité, et pour ma part je n'ai lu qu'une seule fois, dans le Jeanne d'Arc de Régine Pernoud je crois, que notre Jeanne aimait beaucoup le sauna. C'est ainsi que j'ai pu deviner que les saunas - et peut-être les thermes, allez savoir - étaient apparemment communs au Moyen-âge.

À plus forte raison, comment les multitudes connaîtraient-elles le frigidaire ancien, « glacière, chambre froide » ou « partie des thermes où l'on prenait des bains froids » (le TLFi cité dans mon message 1) ? Le sens a également changé, mais comment en serait-il autrement, avec ou sans la marque Frigidaire, quand les thermes n'existent plus depuis longtemps et quand l'appareil électrique à compresseur n'existe pas depuis si longtemps ?

Fille légère ne peut bêcher.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Je prends la définition de dictionnaire de l'Académie :
« Figure qui consiste à mettre un nom commun ou une périphrase à la place d'un nom propre ou un nom propre à la place d'un nom commun. »
"Frigidaire", appliqué à un réfrigérateur, est une marque déposée, assimilable à un nom propre. Comme pour les noms propres, il importe peu que le mot puisse aussi être un nom existant dans notre vocabulaire. Un boulanger est l'artisan bien connu, mais Monsieur Boulanger est bien un nom propre (et la marque Boulanger existe aussi !). "Frigidaire" aussi, quand il s'applique au réfrigérateur. C'est donc bien une antonomase.
Il ne me semble pas que je mélange les chèvres et les choux, encore qu'une potée de chèvre aux choux ne me fasse pas peur.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

éponymie a écrit:

Le mot était déjà dans notre vocabulaire. Au moins dans un domaine précis.

Pas "au moins". Juste dans ce domaine précis, et c'est pourquoi chacun était et est libre de s'approprier ce même mot pour des services ou des produits différents dudit domaine précis. Si vous souhaitez déposer la marque Frigidaire pour un parfum ou une ligne de vêtements, libre à vous (à condition quand même de vérifier que personne d'autre ne l'a fait avant vous !).

éponymie a écrit:
Abel Boyer a écrit:

Très peu de gens connaissent le mot "frigidaire" dans son sens français ancien, mais tout le monde a employé la marque "Frigidaire" (peu importe qu'elle reprenne un nom existant appliqué à un autre objet) pour désigner un réfrigérateur.

Argument un peu faible, parce que l'on peut dire ça de beaucoup de mots, antonomase ou pas. Et les acceptions des mots ont toujours connu des tribulations, des mots, des renaissances. Voir les jeunes qui détournent des mots désuets en leur donnant un tout autre sens.

L'argument n'est pas faible parce qu'il n'y a pas là d'argument. Peu importe que le mot existant soit connu ou ignoré. On a le droit de prendre à titre de marque un mot connu du vocabulaire à condition de l'appliquer, bien sûr, à un service ou à un objet différent de celui pour lequel le mot commun est connu.
Le mot "caddie" était et est encore un mot français connu pour désigner un "garçon affecté au service d'un joueur de golf et qui est chargé de transporter son étui à clubs." Quand la société Les Ateliers Réunis a déposé sa marque Caddie pour des chariots métalliques, elle a en quelque sorte privatisé ce couple mot-objet. Quand on utilise l'expression "un caddie" pour n'importe quel chariot, c'est une antonomase (selon ma définition). La société Les Ateliers Réunis avait engagé plusieurs actions juridiques pour faire respecter son droit ; elle y était d'ailleurs fortement incitée par la loi qui prévoit que la marque peut devenir nulle par dégénérescence si son titulaire ne fait rien pour éviter que la marque ne devienne générique.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Abel a écrit:

Quand on utilise l'expression "un caddie" pour n'importe quel chariot, c'est une antonomase (selon ma définition).

     J'acquiesce et je plussoie mais, ce faisant, je constate aussi que cette utilisation en nom commun est un peu la rançon de la gloire : le succès de la marque Kleenex n'est certainement pas pour rien dans son utilisation antonomastique.
     Mais constatons que les usages varient d'un lieu à un autre au gré des pratiques commerciales : ce qui, chez nous, est un Tricostéril s'appelle dans d'autres pays un Urgo...

     Je remarque que l'industrie a facilement recours au procédé, et klaxon, delco ou bendix sont devenus des noms communs désignant un système spécialisé. On peut penser que, pour une partie d'entre eux, c'est la nouveauté de l'objet - ou sa performance par rapport à la concurrence - qui a fait le succès du terme.

     Dernier détail, à l'intention de YD : il convient de rajouter à ses courbes la recherche sur fermeture à curseur.

elle est pas belle, la vie ?

25 Dernière modification par yd (07-10-2015 01:19:37)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

(Je faisais suite au message 23 d'Abel Boyer.)

Une vraie antonomase, c'est la micheline : sans la firme Michelin et son autorail sur pneus, jamais ces autorails n'auraient été appelés du nom devenu commun de micheline, quoique le prénom Micheline, dans un tout autre usage, donc, ait certainement précédé les michelines sur rail.

Dans le cas de frigidaire, contrairement à cette contre-vérité encore répétée ici, nous ne sommes pas devant un nom propre devenu nom commun, mais devant un nom commun, apparemment connu jusqu'au XIXe siècle et le début de XXe (message 13 d'Éponymie) dans sa première acception francisant le latin frigidarium, devenu une marque américaine entre 1911 et 1920 selon les sources, pour commercialiser des appareils d'un nouveau genre mais non sans rapport avec les anciennes glaciaires ou chambres froides déjà nommées frigidaires, et non plus seulement frigidarium, depuis au moins 1556.

Regardez bien les courbes Ngram, qui sont très nettes, où vous pouvez lire les dates en passant le curseur dessus. Le nom propre et le nom commun démarrent en même temps en 1924-25, dans l'acception moderne, donc. Quand l'appareil moderne apparaît, les Français reconnaissent le nom commun français et l'adoptent tout de suite, alors que peu de foyers s'équiperont tout de suite de l'appareil. L'adoption de l'appareil dans les foyers semble à peu près linéaire entre 1925 et 1965, si l'on interprète les courbes.

La courbe Frigidaire, démarrant en même temps que la courbe frigidaire, se stabilise très vite, alors que la courbe frigidaire, relayée entre 1955 et 1957 par la courbe réfrigérateur, s'envole. Le nom de la marque Frigidaire amorce le nom commun frigidaire dans son usage moderne, mais ça s'arrête là.

Il resterait à analyser finement la courbe réfrigérateur avant 1920. Je suppose qu'il ne s'agissait pas encore d'un appareil domestique et grand public, mais d'un équipement professionnel ou fort onéreux, mais le TLFi n'en dit rien. Il faut sortir les résultats sur Google Livres et les analyser un par un : bonjour bonsoir.

Quoi qu'il en soit, le fait est que réfrigérateur précède frigidaire, ceci vraisemblablement dans une acception moderne. On peut remarquer que, si le réfrigérateur était bien essentiellement à usage professionnel, la relative complexité du mot était beaucoup moins gênante que pour un usage grand public au quotidien. C'est le genre de chose qui a pu peser lourd.

Qu'a-t-il pu se passer ? Soit frigidaire comme frigidarium avaient été complètement oubliés - mais je n'y crois pas une seconde, suivant Éponymie et constatant qu'aux États-Unis au début du XXe siècle on connaissait le mot français - soit tout au contraire on aura voulu en France un mot distinct de frigidaire parce que justement il était encore connu dans son ancienne acception. Cela tient jusqu'en 1924-25, quand la marque US Frigidaire apparaît - comme il semble - sur le marché français avec des appareils grand public destinés aux foyers. Du coup, tout le monde en France reprend le nom commun de frigidaire dans l'acception moderne, parfaitement connu, parfaitement français et plus facile à dire : non mais sans blague. Et tout va bien jusqu'au revirement brutal, qu'il reste à expliquer, en 1955. Une décision de l'Académie, je n'y crois pas : elle n'aurait pas eu un tel impact. Mais c'est bien entre 1950 et 1960-65 que tous les foyers s'équipent de l'engin. Ce doit être pareil pour les machines à laver. En dix ou quinze ans il y eut un bouleversement radical, touchant tous les foyers. La télévision aurait bien pu jouer.

Je viens de rajouter fermeture à curseur, comme demandé par Piotr, mais Ngram ne trouve pas assez de résultats. Il faut cliquer sur « rechercher » pour avoir le message de Ngram.

La préférence pour frigidaire se retrouve dans frigorifique, où la marque Frigidaire n'intervient plus : réfrigérant n'avait aucune chance.

Fille légère ne peut bêcher.

26 Dernière modification par yd (07-10-2015 01:19:03)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Thermos, c'était très bien trouvé de la part de la marque, et puis zut, hommage au grec, quoi : on l'aime, le grec, et l'on s'amuse, même sans rien en connaître, avec ses terminaisons en os. Les entreprises recourent beaucoup au grec, pas seulement la médecine, j'ai découvert ça après l'avoir un peu appris. Et le grec ancien est international.

Antonomase pour le thermos, je pense que oui, un peu comme pour la micheline.

Beaucoup de marques rêvent de générer un nom commun ou d'y contribuer. C'est une consécration. Elles veillent commercialement à ne pas se faire faucher le mérite du mot, mais je pense que ça va rarement plus loin. La sympathie pour le nom joue beaucoup, ce serait très maladroit de paraître ensuite mauvais joueur auprès du public.

Le spoutnik est une antonomase : telle voiture de sport est un vrai spoutnik, cela me fera toujours sourire. Et que d'évocations.

Fille légère ne peut bêcher.

27 Dernière modification par yd (07-10-2015 05:02:35)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Je viens de parcourir à partir de Ngram les résultats sur Google Livres pour réfrigérateur entre 1800 et 1964, en enlevant tous les résultats sans aperçu, dont j'ai appris à me méfier. Comme le laissait supposer le passage du relai au milieu des années 50 entre frigidaire et réfrigérateur, c'est bien seulement à cette époque que l'appareil ménager que nous connaissons sous le nom de réfrigérateur reçoit ce nom, du moins avec ampleur. Sur décision de qui ou de quoi, le mystère demeure. Jusqu'alors, l'adjectif et le substantif réfrigérateur se rapportent à la production de froid sous des formes diverses et variées, voire à des serpentins dédiés au refroidissement. Un résultat en 1934 parle bien des réfrigérateurs Frigidaire - eh oui : comment les appeler autrement ? -, mais nous n'avons pas l'aperçu ; je suis juste tombé dessus.

J'ai ensuite parcouru les résultats, mélangés, pour frigidaire et Frigidaire, toujours avec aperçu, entre 1800 et 1955, en ignorant l'usage architectural. Rien avant 1944, un résultat pour un frigidaire ménager à pétrole (quésaco ?), quelques résultats qui nous intéressent ensuite, mais très peu, et il n'y a de toute façon, jusqu'alors, pas d'autre mot que frigidaire.

Ce qu'il nous manque de savoir, c'est à partir de quand la marque Frigidaire fut concurrencée par d'autres marques dans la commercialisation de ce qui s'appellera par la suite des réfrigérateurs ménagers. Probablement ne les auront-elles pas appelés des frigidaires. On peut comprendre, mais cela regarde-t-il les dictionnaires ? Aux yeux de la population, visiblement non. Quant à la marque Frigidaire, quelle était sa position, ce n'est pas dit dans la chanson. Si les choses se sont bien passées ainsi, suite à une réticence des concurrents pour reprendre le nom commun de frigidaire, c'est eux qui auront transformé - stupidement ? fatalement ? - le nom commun en nom propre, alors que la marque, si elle a choisi de porter ce nom, n'aurait pas contesté pour autant qu'il continue d'être un nom commun. En voyant les choses ainsi, le nom propre est privé, point. Et je n'y vois rien à redire.

J'ai l'impression qu'on pourrait plus apprendre de Gallica, mais comment travailler dans leur machin ?

Question à 1 000 € : que se passe-t-il maintenant si je dépose la marque Réfrigérateur ?

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

éponymie a écrit:
Ylou a écrit:

Il me semble pourtant que chacun des fabricants a mis son grain de sel dans la construction du mot, et que c'est par la notoriété de l'objet ainsi nommé que le mot est entré dans notre vocabulaire. Il y a donc bien eu passage d'un nom propre (façonné pour un objet spécifique) à un nom commun. Il y a donc bien antonomase, et pourquoi fausse?

Tout compte fait, c'est moi qui suis d'accord avec l'énoncé de Ylou. Pas avec sa conclusion.

Et puis n'exagérons pas, je suis aussi magnanime que vous Abel Boyer, chacun est libre de dire que frigidaire est une antonomase. Mais c'est comme bien des choses, si on commence à se poser la question de savoir ce qu'est une antonomase, on se rend compte qu'il y a antonomase et antonomase. Alors, soit on fait un peu le tri - pour comprendre comment ça marche - soit on continue à mélanger chèvres et choux, tout dépend de ce que l'on veut.

Oh non, je ne désire point mélanger chèvres et choux! Je vous jure que j'essaie de comprendre. La preuve, cette petite question que je me pose :
Pourquoi n'y aurait-il pas des nuances parmi les antonomases?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Ylou a écrit:

Pourquoi n'y aurait-il pas des nuances parmi les antonomases?

Bé, il y en a, on le voit bien. Il y en a aussi parmi les définitions ("officielles" et non), celle de l'Académie est plus large que celle que vous avez donnée.

Pourquoi chercher les nuances ? Je l'ai déjà écrit, pour comprendre comment vont le monde, la langue et les mots, c'est bien ce qui intéresse tout le monde ici.

Une antonomase qui a pour origine un nom commun, c'est une histoire plus riche qu'une antonomase issue d'un mot extrait d'une langue ancienne ou tout simplement fabriqué. Nous voici avec 3 nuances.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:

Question à 1 000 € : que se passe-t-il maintenant si je dépose la marque Réfrigérateur ?

On ne dépose pas une marque pour un nom seulement, mais toujours pour un couple nom/produit (ou service) désigné.
Si vous déposez la marque Réfrigérateur pour des machines de production du froid, elle sera immédiatement refusée par l'INPI comme étant générique et nécessaire.
Si vous déposez la marque Réfrigérateur pour du shampooing ou un poste de télévision, elle sera acceptée par l'INPI.
Vous me devez 1000 €.

31 Dernière modification par yd (07-10-2015 09:49:45)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Si je viens avec le dictionnaire de l'Académie, mis à jour pour frigidaire mais pas pour réfrigérateur, l'INPI ne pourra pas invoquer ce que vous dites. Jusqu'à la 8e édition incluse, l'Académie avait boudé aussi bien frigidaire que réfrigérateur que frigidarium.

Plus surprenant encore, le Larousse pour tous (1905 ? 1906 ?) connaît frigidarium et frigorifique, mais ni frigidaire, ni réfrigérateur. Il explique parfaitement la réfrigération par l'appareil de Carré et la machine de Linde. Il connaît réfrigératif « qui a la propriété de rafraîchir » et réfrigérant aussi bien en adjectif qu'en substantif, le substantif désignant entre autres un « appareil servant à abaisser la température d'un produit quelconque ».

Il donne encore frigorifère « chambre de froid, dans les appareils frigorifiques » et explique même la technique de congélation des sols aquifères afin de pouvoir y travailler comme dans du solide, technique que je croyais apparue vers 1970.

Avant le frigidaire, le mot le plus rare de toute la série était bien réfrigérateur. L'INPI de l'époque m'aurait surtout pris pour un plouc de vouloir nommer ma marque d'un tel nom.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Vous rêvez un peu, yd, tandis que je vous parle de choses que je connais particulièrement bien. Les examinateurs de l'INPI n'utilisent pas spécialement le dictionnaire de l'Académie mais généralement le PLI et le PR, ainsi que les dictionnaires plus complets ! Ils connaissent comme vous et moi le sens usuel de "réfrigérateur".

Il est normal que "réfrigérateur" n'ait pas été intégré de bonne heure dans le Larousse. Dans ma famille, il n'y en avait pas avant guerre, et le mot a effectivement été introduit dans le Petit Larousse seulement après la dernière guerre. Naturellement, il était déjà auparavant dans des dictionnaires plus volumineux comme le Larousse du XXe siècle, qui connaît "réfrigérateur" et "Frigidaire" (« nom d'une marque déposée d'armoire frigorifique »). Cette définition nous rappelle qu'il y a eu beaucoup d'autres mots pour désigner la chose, comme armoire frigorifique, armoire froide, armoire à froid, armoire glacière, etc.

yd a écrit:

Rien avant 1944, un résultat pour un frigidaire ménager à pétrole (quésaco ?)

Ben oui, dans les pays chauds où il n'y a pas d'électricité, on utilise souvent le réfrigérateur à pétrole. Très commun en Afrique et en Inde, ou parfois sur les bateaux.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Une petite lecture intéressante, tirée de "C'était les années 50" de Jean-Louis Marzorati :
http://img11.hostingpics.net/pics/905322Capture.png

34 Dernière modification par glop (07-10-2015 10:28:35)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Il faut reconnaître que le mot réfrigérateur est assez mal choisi puisque le refroidissement est un abaissement de la température qui s’effectue sous l’effet de l’air ambiant.
Il n’est pas étonnant qu’un mot aussi rébarbatif que réfrigérateur (tueur en série?) ait eu du mal à s’imposer puisque que, naguère, l’usage de la glacière et de la chambre froide était très courant et que le terme glacière électrique à tenu bon jusqu'à l’avènement du mot frigo qui est probablement le seul à s’être imposé.

Lorsque j’avais une vingtaine d’années, j’ai habité non pas rue de la glacière mais rue de la rosière ; un briseur de glace avait son atelier au rez-de-chaussée de mon immeuble ; les poissonniers constituaient sa clientèle.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : vraies ou fausses antonomases ?

glop a écrit:

j’ai habité non pas rue de la glacière mais rue de la rosière

Confidence pour confidence, j'habitais aussi rue de la Rosière (n°11, je crois) dans les années 50 !

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Apparition du frigidaire moderne en français :

Recherches et inventions, juillet 1926 :

http://img11.hostingpics.net/pics/872552frigidaire192607.jpg

Vogue, novembre 1926 :

http://img11.hostingpics.net/pics/555237frigidaire1926.jpg

37

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Abel Boyer a écrit:
glop a écrit:

j’ai habité non pas rue de la glacière mais rue de la rosière

Confidence pour confidence, j'habitais aussi rue de la Rosière (n°11, je crois) dans les années 50 !

Voilà qui rafraîchit la mémoire!

http://www.glaciere.net/images/meuble.jpg

[Au XVIIIème siècle, à l'apogée des arts de la table apparaît le meuble rafraîchissoir ayant pour fonction de conserver les boissons au frais. C'est une petite table avec des seaux remplis de glace, que l'on place dans la salle à manger.]

http://www.glaciere.net/

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Une surprise (pour moi), il y a eu un frigo avant le frigo :

La ville de Paris et le département de la Seine viennent précisément de confier aux sociétés de consommation de la Seine le soin d'organiser la vente de la viande frigorifiée, du « frigo », comme dit déjà le peuple de Paris, et cette abréviation familière est signe d'un bon accueil — frigo, métro, etc.

(Revue d'économie politique, la guerre et l'organisation nationale de l'alimentation, 1916)

Apocope donc de frigorifié.

Et un autre plus ancien (et qui nous intéresse probablement plus) :

L'emmagasinage en frigo permet de mettre les fromages à mûrir plus à l'aise dans les caves, et de leur assurer ainsi de meilleures conditions sanitaires en laissant à chacun une plus grande quantité d'air; c'est la un avantage considérable pour la régularité des fermentations, que d'éviter l'encombrement à l'affinage.

Cette réserve, à l'abri des fluctuations hygiéniques, permet encore, et ce n'est pas là le moindre bienfait du froid, de régler l'écoulement de la marchandise sur la demande, tandis que, sans frigo, c'est la production qui règle la vente... et le plus souvent les bénéfices !

Monographie sur l'état actuel de l'industrie du froid, Jean Loverdo,1910

On voit en farfouillant un peu que frigo est ici l'apocope du frigorifère - plus que de frigorifique - signalé par yd au message 31 et qu'il a donc été en usage avant le frigidaire lui-même. Il l'a remplacé mais n'en est probablement pas l'apocope (à moins d'un autre cas de renaissance de mot).

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Passionnante enquête, en tout cas, et qui ne laissera personne de glace...

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:

on est loin de l'antonomase entre tartuffe et hypocrite, à mon avis. Et il y aurait à dire ici aussi :

[...] Au vu de l'attestation en 1609 supra, Molière n'a pas inventé le nom de Tartuffe, mais c'est sa comédie (représentée pour la 1re fois en 1664) qui est à l'origine de la diffusion du mot dans la langue courante.

Je viens de voir cet ajout, ce tartuffe a effectivement des airs de frigidaire mais

Persona falsa, ipocrita, bigotta, che nasconde, sotto un’apparenza di moralità e falsa devozione, sentimenti vili e intenzioni disoneste; l’uso del termine si riconnette principalmente al nome, Tartuffe (ital. Tartufo), del protagonista della commedia di Molière L’imposteur ou le Tartuffe (1664), che impersona l’ipocrisia e il bigottismo, sebbene un personaggio di nome Tartufo s’incontri già, col carattere di ipocrita, nella commedia italiana, al principio del sec. 17°

L'italien - vocabolario Treccani en ligne et mon Zingarelli confirme - fait remonter l'acception tartuffienne de tartuffo justement à Molière, au maximum à un personnage de même nom de la comédie italienne présentant une similitude de caractère.

Je réalise seulement maintenant - et je n'ai pas d'excuses - que le tartuffe et la truffe sont apparentés et que le tartuffe est un truffeur.

Une nuance de plus dans la palette des antonomases...

Je reprends le frigidaire, histoire de congeler définitivement ceux qui sont déjà de glace ?

41 Dernière modification par yd (08-10-2015 04:16:31)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Georges Simenon, Mémoires intimes suivis du Livre de Marie-Jo (œuvre autobiographique), 1981, page ?

Les machines à laver n'existaient pas et l'idée de confier notre linge, ton linge, à un moteur électrique nous aurait hérissé le poil. Nous avions pourtant un Frigidaire que nous avions été les premiers à acheter boulevard Richard-Wallace. Je dis Frigidaire et non réfrigérateur parce que ce mot n'existait pas, Frigidaire étant alors, à ma connaissance, la seule marque à en fabriquer et à en exporter en Europe.

En 1934 Frigidaire était concurrencé au moins par Frigélux et Frigéco. Je pense que c'est seulement à ce moment-là que le mot de réfrigérateur prend l'acception que nous lui connaissons. Resterait à savoir avec quelle diffusion.

Le Larousse pour tous 1905-1906 n'est quand même pas un dictionnaire de poche : près de 2000 pages grand format (21 x 29,7 ou très proche) écrites sur trois colonnes en tout petits caractères, desquelles il faut déduire la place des illustrations. Simenon, donc, ne connaissait toujours pas le mot apparemment pendant la deuxième GM (indication plus loin au début du chapitre 11).

Abel Boyer a écrit:

Il est normal que "réfrigérateur" n'ait pas été intégré de bonne heure dans le Larousse. Dans ma famille, il n'y en avait pas avant guerre, et le mot a effectivement été introduit dans le Petit Larousse seulement après la dernière guerre. Naturellement, il était déjà auparavant dans des dictionnaires plus volumineux comme le Larousse du XXe siècle, qui connaît "réfrigérateur" et "Frigidaire" (« nom d'une marque déposée d'armoire frigorifique »). [...]

Ce qu'il faudrait découvrir, c'est la première fois qu'un dictionnaire donne à réfrigérateur le sens usuel actuel. C'est un point crucial. La reconnaissance du mot dans le PLI seulement après la 2e GM concorde très bien avec ce que nous dit Simenon.

Et il y a ce problème avec Ngram - Google Livres : les courbes frigidaire - Frigidaire démarrent ensemble en 1924-25, pour monter rapidement, mais les premiers résultats avec aperçu commencent eux aussi après la 2e GM (en laissant de côté le frigidarium francisé). On est pendant à peu près 20 ans dans le brouillard sur ces usages de frigidaire et Frigidaire, à moins que sur Gallica la documentation soit plus loquace.

Fille légère ne peut bêcher.

42 Dernière modification par éponymie (08-10-2015 10:18:03)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:

Et il y a ce problème avec Ngram - Google Livres : les courbes frigidaire - Frigidaire démarrent ensemble en 1924-25, pour monter rapidement,

Tant sur GL que sur Gallica, c'est 1926, la toute première pub dont on garde trace est celle du Gaulois le 26 juillet 1926, reprise ensuite dans de nombreux numéros.

http://img11.hostingpics.net/pics/869082frigidaire192607leGaulois.jpg

Le Temps la publie lui aussi deux jours plus tard et Vogue la publie pour la première fois - avec un format différent - dans son numéro d'octobre (un mois avant celle du message précédent),

http://img11.hostingpics.net/pics/711504frigidaire192610.jpg

La seule trace précédente est une offre d'emploi dans le Figaro en octobre 1925 pour des dames de bonne présentation pour la vente d'appareils à usage domestique. Mais il existait à Paris une autre société Frigidaire qui a dû changer de nom en 1927 (j'ai lu tout ça en passant).

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Frigélux, c'est 1928. Première pub le 28 novembre dans le Journal, le matin suit quelques jours plus tard

http://img11.hostingpics.net/pics/405274friglux19281202LeGaulois.jpg

J'aime bien l'expression "home moderne", comme quoi les anglicismes passent.

Et en voici une autre, parue dans Comoedia le 26 décembre

http://img11.hostingpics.net/pics/728353friglux19281226Comoedia.jpg

Le cadre chronologique initial commence à se préciser. Pour Frigéco, je n'ai vraiment plus le temps ce matin (mais j'adore ce genre de recherches smile )

44 Dernière modification par yd (08-10-2015 12:04:11)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Soit dit en passant, de nos jours on n’appellerait l'appareil sur l'illustration de Frigidaire ni un réfrigérateur ni un frigidaire, fût-il de la marque Frigidaire. Il poussent un peu dans la pub, oubliant de dire que placé dans une chambre froide, alors appelée une glacière, l'appareil chaufferait cette pièce : ce serait un non sens. Ailleurs, on explique en revanche l’intérêt d'éviter de placer l'appareil dans la cuisine-même, pièce trop chauffée, et de lui préférer l'office, quand on en a un, car cela évite de l'ouvrir trop souvent.

Un détail, sauf si je ne suis pas le seul : je n'ai aucun souvenir d'avoir vu chez quelqu'un un frigidaire de chez Frigidaire, et même pas dans une location estivale. Or j'ai vécu une bonne partie de la période pendant laquelle tous les foyers se sont équipés d'un tel appareil. Tout ce qui nous intéressait chez nous, c'était les glaçons, les boissons fraîches et les desserts glacés : pour le reste aucun intérêt, on savait gérer le frais. Chez les grands-parents on préférait la cave creusée dans le tuffeau - un cidre du verger sorti de là, c'était à se mettre à genoux, je n'ai jamais retrouvé ça -, dans le frigo il n'y avait guère que le beurre. On n'y mettait même pas l'eau, toujours fraîche au robinet, pompée du puits, et pas davantage le lait du temps du pot-au-lait et du laitier : il restait dans la casserole dédiée où on l'avait fait bouillir ; c'est seulement la peau, qu'on ramassait régulièrement dans un bol, qu'on mettait au frigo, pour faire des sablés ou autres gâteaux.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

éponymie a écrit:

http://img11.hostingpics.net/pics/728353friglux19281226Comoedia.jpg

Un autre intérêt de cette "réclame" est la formule electrolux..ez vous.! [sic], qui montre que la typographie fantaisiste n'est pas née d'hier et que la fabrication d'un verbe sur un nom de marque, procédé cher aux pubeux, est également bien ancienne.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:

Soit dit en passant, de nos jours on n’appellerait l'appareil sur l'illustration de Frigidaire ni un réfrigérateur ni un frigidaire, fût-il de la marque Frigidaire. Il poussent un peu dans la pub, oubliant de dire que placé dans une chambre froide, alors appelée une glacière, l'appareil chaufferait cette pièce : ce serait un non sens. Ailleurs, on explique en revanche l’intérêt d'éviter de placer l'appareil dans la cuisine-même, pièce trop chauffée, et de lui préférer l'office, quand on en a un, car cela évite de l'ouvrir trop souvent.

Je ne comprends pas votre remarque. C'est tout l'ensemble du meuble (sur roulettes) qui constitue le Frigidaire. On ne le place évidemment pas dans une glacière existante !

yd a écrit:

Un détail, sauf si je ne suis pas le seul : je n'ai aucun souvenir d'avoir vu chez quelqu'un un frigidaire de chez Frigidaire

Vous n'avez donc pas été invité par mes parents dans les années 50 ! Nous avions un Frigidaire, un vrai, tout petit mais costaud. Plus tard, nous avons eu un Frigéavia !

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Re : vraies ou fausses antonomases ?

Oh YD... merci pour nous avoir fait partager ces petits instants souvenirs. Il y a beaucoup de charme à ces évocations.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

48 Dernière modification par yd (08-10-2015 13:16:41)

Re : vraies ou fausses antonomases ?

Abel Boyer a écrit:

Je ne comprends pas votre remarque. C'est tout l'ensemble du meuble (sur roulettes) qui constitue le Frigidaire. On ne le place évidemment pas dans une glacière existante !

Il vous faudrait tout de même un jour finir par apprendre qu'on peut s'appeler Abel Boyer, tout connaître mieux que tout le monde et néanmoins comme tout le monde parfois se tromper, commencez vous-même par cesser de rêver.

Il est bien écrit dans la pub de Frigidaire :

Le Frigidaire peut être installé dans votre propre glacière si vous en avez une.

Je suis un peu las, de plus en plus froid à l'intérieur et de plus en plus chaud à l'extérieur si ce n'est l'inverse, ceci depuis un nombre certain d'années.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : vraies ou fausses antonomases ?

En tous cas, il était possible d'électrifier des glacières pour les transformer en réfrigérateur.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : vraies ou fausses antonomases ?

yd a écrit:
Abel Boyer a écrit:

Je ne comprends pas votre remarque. C'est tout l'ensemble du meuble (sur roulettes) qui constitue le Frigidaire. On ne le place évidemment pas dans une glacière existante !

Il vous faudrait tout de même un jour finir par apprendre qu'on peut s'appeler Abel Boyer, tout connaître mieux que tout le monde et néanmoins comme tout le monde parfois se tromper, commencez vous-même par cesser de rêver.

Il est bien écrit dans la pub de Frigidaire :

Le Frigidaire peut être installé dans votre propre glacière si vous en avez une.

Mais 'yd', vous aviez noté vous-même que ça n'avait pas de sens. De fait, si vous regardez la deuxième réclame citée par "éponymie", cette phrase idiote est remplacée par :

L'élément réfrigérant peut être installé dans votre propre glacière si vous en avez une.

L'élément réfrigérant, mais pas toute la machine, pas tout le "Frigidaire", et, bien évidemment, pas le compresseur, seule partie chauffante de la machine.
C'est d'ailleurs ce qu'explique correctement un article de 1926 (déjà cité partiellement plus haut) :
http://img15.hostingpics.net/pics/609861Capture.png
http://img15.hostingpics.net/pics/936369Capture1.png
http://img15.hostingpics.net/pics/632339Capture2.png
Il est bien précisé que le compresseur peut être installé dans un sous-sol ou à côté de la glacière, ou encore dans tout autre local approprié dont l'éloignement ne dépasse pas 15 mètres.

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