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Le forum d'ABC de la langue française

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forum abclf » Histoire de la langue française » les tribulations des mots

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Messages [ 23 ]

1 Dernière modification par éponymie (11-08-2015 12:56:09)

Sujet : les tribulations des mots

On commence. La langue de l'étymon est indiquée dans la première partie et pour chaque terme constituant la série, j'essaye de signaler les langues de transit, avec les dates quand c'est possible, en particulier la date d'arrivée en français.

alcazar (arabe al qaṣr issu du latin castrum) / castrum / ksar (arabe qaṣr issu du latin castrum)

  • 1 – arabe al qasr – espagnol alcazar (1064) – français moderne (1866)

  • 2 – emprunt au latin – français moderne (une des premières mentions, hors toponymie latine, en 1841)

  • 3 – arabe qasr – français moderne (1849)

Je vais traiter ainsi toute la lettre A. Je ne vais bien entendu pas alimenter ce fil au fur et à mesure (on ne va pas repartir pour 45 pages), je ne le ferai que quand apparaitra la nécessité d'ajouter quelque chose à la mise en forme.

J'ai déjà prêts les tableaux excel qui vont bien pour les stats sur les langues et les combinaisons de langues. Ici nous avons :

  1. latin - français moderne

  2. latin - arabe - français moderne

  3. latin - arabe - espagnol - français moderne

Re : les tribulations des mots

Une langue dont j'ignorais l'existence - son statut de langue est cependant contesté - le judéo-français ou sarphatique. Documenté du XIe à la fin du XIVe siècle.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarphatique

Re : les tribulations des mots

Ce n'est pas celle qui est parlée ici :
https://www.youtube.com/watch?v=LCMcYfLYZs4

4 Dernière modification par éponymie (13-08-2015 18:19:09)

Re : les tribulations des mots

Ha, ha, ha.

Pour les mots passés par la moulinette du judéo-français, voir ici (recherche "judéo-fr" site:cnrtl.fr).

Je vois châtaigner qui, tout comme apie, ne semble rien avoir de spécifique d'une langue pratiquée par les Juifs, il se trouve seulement qu'une des mentions plus anciennes du terme se trouve dans un document en sarphatique. Châtaigne nous vient du grec en passant par le latin.

Je retrouve également coucou et chat-huant qui font partie des doublets recensés.

L'intéressant julep vient de l'arabe, les banals caillou et bordel de supposés gaulois et ancien bas francique. Tout comme corysa et puy récemment passés sur le forum viennent du bas latin.

Bref, je me demande quel est l'apport du judéo-français au français, il aura des difficultés à fournir un étymon et même à accéder au statut de langue d'emprunt ou d'accueil d'un mot.

Et, tout compte fait, madame Sarfati avec ses histoires de madame-tout-le-monde pourrait parler le sarphatique sans que l'on s'en rende compte.

Re : les tribulations des mots

Un autre langue qui nécessite une sérieuse mise au point, le latin. Au fil des notices étymologiques exhumées par  les uns et les autres, nous en avons trouvé une tripotée :

  1. latin

  2. latin classique

  3. latin impérial

  4. bas latin

  5. latin tardif

  6. latin vulgaire

  7. latin populaire

  8. latin chrétien

  9. latin médiéval

  10. latin renaissance

  11. latin scientifique

Tous nous ont fourni des étymons, ne manquent à la collection que le latin archaïque et les latins postérieurs à celui des humanistes (à part le scientifique). Nous pouvons d'ores et déjà opérer une simplification en donnant au moins un cadre chronologique :

  1. latin (langue écrite)
    C'est le latin transversal, celui que l'on retrouve dans tous les latins. Du moins je l'espère... hmm

  2. latin archaïque (langue parlée et écrite, des origines à 75 avant notre ère)
    les plus anciens documents écrits datent du VIIe avant notre ère. C'est la langue de Plaute et de Caton.

  3. latin classique (langue écrite,75 avant notre ère, Ier siècle de notre ère)
    Langue littéraire issue du latin archaïque (Lucrèce, Cicéron, Horace, Ovide, Sénèque, Lucain, etc.)

  4. latin impérial (langue écrite et parlée, Ier et IIe siècle de notre ère)
    Langue de l'empire, lingua franca du droit, de l'administration et de l'armée qui finit par dissoudre les dialectes locaux

  5. latin tardif ou bas latin (langue écrite, du IIIe au VIIe siècle)
    Prolongement du latin impérial, c'est la koiné de la partie de l'empire qui n'est pas de langue grecque. Les langues romanes viendront y chercher des termes.

  6. latin populaire ou latin vulgaire (langue parlée, du IIe au IXe siècle)
    Connue de manière indirecte, gloses, comparaison entre langues romanes,  etc. C'est cette langue qui va se différencier localement, donner naissance aux langues romanes, bouleverser la syntaxe du latin (disparition des déclinaisons, du neutre, apparition des articles, etc.) et renouveler le lexique.
    C'est bien entendu celui qui est la plupart du temps non attesté dans nos notices étymologiques.

  7. latin chrétien (langue parlée et écrite, du Ier siècle au VIIe siècle de notre ère principalement)
    Influencé par la langue populaire à ses débuts, ce sont les auteurs chrétiens à partir du IIe siècle qui alimentent son lexique de mots grecs et hébreu. C'est la langue des pères de l'Église occidentale, de la liturgie

  8. latin médiéval (langue écrite, du VIIIe au XIIIe siècle)
    Alimenté à ses débuts par le latin chrétien, c'est la langue des clercs et des érudits, influencé tant par le latin tardif  que par le latin classique (par exemple lors de la renaissance carolingienne)

  9. latin renaissance ou humaniste (du XIVe au XVe siècle)
    Marqué par le retour au classique, c'est le latin de Pétrarque, Boccace et Érasme

  10. latin scientifique (écrit, du XVIIe à nos jours)
    Utilisé avec le grec pour forger des noms qui sont souvent entrés dans le langage courant

Voilà. C'est très simplifié, j'ai un peu -pas trop j'espère - forcé le cadre chronologique (vous aurez remarqué qu'on se retrouve avec trois quarts de siècle sans langue latine parlée), mais en gros c'est ça.

Pour les latins écrits, un panorama de l'encyclopédie Larousse : http://www.larousse.fr/encyclopedie/div … tine/65204.

Bien entendu notre ancien français nait dans cette période sombre comprise entre le VIIe et le IXe siècle, alimenté par un latin populaire souvent supputé. Et quand il ne suffit pas, on y ajoute du gaulois, du gothique, du bas francique ancien, tout aussi peu documentés. Et c'est là que commencent les discussions sur le français qui ne vient pas du latin (duquel ?).

À part ça je trouve que tout est devenu bien plus clair smile

6 Dernière modification par éponymie (18-08-2015 08:32:15)

Re : les tribulations des mots

Les langues encore.

Hispano-arabe : se rapporte à la littérature espagnole de langue arabe, du VIIIe au XIe siècle.

Hispano-mauresque : se rapporte à la langue arabe à l'époque aux les composantes africaines (Maures et Berbères) jouent le rôle principal dans la population musulmane de la péninsule hispanique, du XIIe au XVIe siècle (conquête almoravide puis almohade). Ces populations sont expulsées au tout début du XVIIe.

Ces termes ne sont pas cantonnés à la langue mais sont associés à tout ce qui touche la civilisation concernée.

Source : Définitions des termes concernant la culture islamique en Espagne (Élie Lambert, Bulletin Hispanique, 1948, volume 50, numéro 50-3-4, pp. 345-352)

Clarifions également un autre point le grec médiéval et le grec byzantin, c'est la même chose (330-1453). J'utiliserai grec byzantin (c'est plus joli smile ).

7 Dernière modification par éponymie (18-08-2015 09:00:20)

Re : les tribulations des mots

Un exemple exemplaire de doublets qui nous arrivent par quatre chemins diffèrents :

ancône / icône (grec classique ει ̓κω ́ν)

  • 1a – grec classique – grec byzantin ει ̓κονα – ancien français (ancone XIIIe)

  • 1b – grec classique – grec byzantin ει ̓κονα – italien (ancona XIIIe) – français moderne (1817)

  • 2a – grec classique – grec byzantin ει ̓κονα – russe (ikona) – français moderne (1859)

  • 2b – grec classique – latin tardif iconia – anglais (icon, ikon 1570) – français moderne (1971)

Pour dire que rien n'est simple...

Re : les tribulations des mots

Encore des langues (ou une langue) que l'on rencontre dans le TLFi, et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas clair (et je soupçonne que les rédacteurs des notices étymologiques du TLFi aient fontionné sur de vieilles lunes en la matière).

Les langues d'oc (ou la langue d'oc). Un premier point, le nom, nous devons celui-ci à Dante, il a souvent été attribué de l'extérieur, et provençal comme limousin ont été des dénominations équivalentes à langue d'oc sans aucune considération de géographie ou de dialectes.

Ces langues d'oc font partie – selon les classifications les plus récentes - des langues occitano-romanes (le français et les langues d'oïl ainsi que le franco-provençal, c'est du gallo-roman).

Les premières traces de cette langue, c'est au VIe siècle avec ce que certains ont appelé un proto-gascon et ça dure encore, sous diverses formes, au XXIe siècle.

Une petite vidéo et un excellent site pour creuser.

Deux périodes de pouvoir politique local fort, VIIe-VIIIe siècle avec le duché de Vasconie (les Basques) issu de la Novempopulanie, et Xe-XIIe avec de puissants souverains locaux (ducs d'Aquitaine, comtes de Toulouse) quasi indépendants du lointain royaume de France. Toutes ces élites locales descendent des élites gallo-romaines et restent très conscientes de leur “romanité” et le latin populaire disparaitra entre un demi-siècle et un siècle plus tard que dans le nord de la France (entre la moitié du IXe et le début du Xe siècle).

Et tous ces gens parlent la même langue, aux variantes locales près, au point que l'on peut dire qu'il n'y aura qu'une langue occitane écrite (à partir du Xe siècle) qui unifiera et codifiera la langue (tout en respectant les variantes locales). Cette langue prendra  même un caractère international à partir du XIIe siècle (Aliénor, les troubadours, etc.) avec tout le prestige qui en découle.

Élan brisé au XIIIe avec la croisade des Albigeois, un lent déclin commence avec des langues parlées abandonnées à elles-mêmes et une dialectisation croissante (bien plus marquée qu'au XIIe siècle). Comme les pays d'Occitanie étaient de droit écrit, elles arriveront aussi de ce fait à faire de la résistance.

Ces langues garderont donc un certain prestige jusqu'au XVIIe siècle, quand elles commenceront à  être perçues de manière négative (des patois quoi).

On tente à notre époque de recodifier par écrit l'occitan , dans l'esprit de la norme écrite du XIIe (le provençal, fier de sa tradition mistralienne, faisant bande à part avec une norme différente), et au niveau de la langue parlée, on distingue 3 groupes :

  • Le gascon : la variante la plus anciennement documentée avec une branche espagnole, l'aranais

  • L'occitan méridional : c'était la langue de toute la facade méditerranéenne de l'Occitanie du comté de Nice à la Catalogne espagnole. Au XIIIe, pour des raisons plus politiques que linguistiques (un peu comme le serbe et le croate), le catalan s'en détache, le provençal et le languedocien ne se distingueront l'un de l'autre qu'à partir des XVIe et XVIIe siècles, époque où le provençal commence à innover et à se détacher du languedocien.

  • L'occitan septentrional : il regroupe limousin, auvergnat et vivaro-alpin (appelé localement dauphinois). Difficile d'en faire l'histoire, fût-ce à grands traits, le fait que ces regroupements de dialectes ne soient pas tout à fait pertinents pourrait aussi y être pour quelque chose. Certains remettent en cause cette subdivision.

C'est taillé à la hache plus encore que ça l'a été pour les latins mais au moins le cadre géographique et historique est un peu dégrossi.

Quand dans le TLFi, on lit ancien provençal, il devrait s'agir de cette koiné du pourtour méditerranéen, l'ancien catalan ne devrait, au maximum, pouvoir remonter qu'à la fin du XIIe. Le languedocien devrait être encore plus tardif, contemporain du provençal.

Malheureusement les langues indiquées dans les notices étymologiques semblent plus indiquer un souci de provenance géographique des documents ou des termes documentés que des langues elles-mêmes. C'est du moins l'impression que j'ai eue, je changerai peut-être d'avis. Heureusement  je ne me rappelle pas avoir croisé souvent le limousin ou l'auvergnat.

C'est ce que j'ai glané de ci de là, le site de l'université de Montpellier m'ayant bien aidé à mettre tout ça en ordre.

9 Dernière modification par éponymie (19-08-2015 22:36:52)

Re : les tribulations des mots

Complément d'enquête :

L'ancien occitan est la langue occitane du Moyen Âge telle qu'elle nous a été transmise par des écrits à partir du xie siècle jusqu'aux environs de l'année 15001. Suite à ce que Pierre Bec appelle « la décadence de la langue », vers le XVe siècle, l'ancien occitan a évolué en moyen occitan ou occitan de transition (XVe, XVIe siècles) puis en occitan moderne (du XVIe au XIXe siècle). Les textes sont de plusieurs formes et destinations: religieux, administratifs et littéraires et sont souvent appelés scripta. L'ancien occitan est aussi connu sous le nom d’ancien provençal

La langue est d'abord appelée lingua romana - mais ce terme désigne en fait l'ensemble des langues vulgaires d'Europe méridionale, en opposition au latin qui est la langue des lettrés. Au XIIIe siècle elle reçoit de catalans le nom de lemosi (limousin) ; à la même époque des écrivains italiens la dénomment proensal, ce qui fait référence à la provincia romana (Gaule méridionale sous l'Empire romain). Ce dernier terme connaitra une postérité au XIXe siècle quand les romanistes et philologues le reprendront pour désigner la langue des troubadours sous le terme d'«ancien provençal» non sans introduire une ambiguïté avec le dialecte provençal. Dante lui donne le nom de lingua d'oco qui devient en français langue d'oc, en opposition à la langue du si pour l'italien, et à la langue d'oil pour le français du Nord.

(Wikipédia)

Primo, je vais remplacer partout ancien provençal par ancien occitan, secondo, il s'agit de l'occitan écrit. Je comprends mieux mais tout le monde gagnerait à ce que la terminologie soit plus précise.

Re : les tribulations des mots

Des tribulations des langues, l'hindi et l'ourdou sont deux langues identiques à l'oral mais différentes à l'écrit.

L'ourdou est simplement une variante arabo-persane de l'hindi (lexique et phonèmes supplémentaires) mais il y a totale intercompréhension.

Pour la période antérieure à 1947 (partition de l'Inde), on la (les) nomme hindoustani.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindoustani
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ourdou

Nous avons une tripotée de mots qui en sont issus dont bungalow (plus que probable doublet de Bengale), jungle, nabab, roupie, yoga, lascar, chauderie (l'auriez-vous cru ?), laque, etc.

11 Dernière modification par éponymie (26-08-2015 23:46:24)

Re : les tribulations des mots

Une langue qui nous manquait et qui est stratégique pour nos doublets, le proto-gallo-roman.

Posons et imposons nos langues, on expliquera après.

Il s'agit d'un latin populaire parlé en Gaule jusqu'aux IIe et IIIe siècles de notre ère, il a généré entre le Ier siècle avant notre ère et le IVe siècle 4 langues qui cohabiteront entre les IVe et VIe siècles sur notre territoire, par ordre d'ancienneté de romanisation du territoire :

  • occitano-roman ou proto-occitan : ancienne province romaine de la Narbonnaise

  • franco-provenço-roman ou proto-franco-provençal : actuel domaine linguistique du franco-provençal

  • roman nord-occidental : zone frontalière (rives du Rhin et côtes de la Manche)

  • gallo-roman ou proto-français : reste du territoire, centre et ouest

Ces 4 langues sont bien entendu des latins populaires, ce n'est qu'à partir du VIIe siècle que l'on commence à discerner dans les textes une langue qui s'éloigne du latin, ce dont le concile de Tours prend acte en 813 en imposant la langue romane (rusticam romanam linguam) dans les sermons. La langue que nous lirons dans les serments de Strasbourg (842) en est une des variantes.

Tout ceci est important pour nos doublets parce que se précise enfin la filière la plus productive :

  1. proto-gallo-roman (IIe-IVe) -----> gallo-roman ou proto-français (Ve-VIIIe) -----> ancien français (à partir du IXe)

  2. proto-gallo-roman (IIe-IVe) -----> roman nord-occidental ou proto-normand, proto-picard (Ve-VIIIe) -----> ancien normand, ancien picard (à partir du IXe)

Pour les doublets issus de ces deux filières, il faut remonter au proto-gallo-roman pour trouver l'étymon commun, à un latin populaire assez ancien donc. C'est pourquoi lire dans une notice étymologique qu'un mot est une forme normanno-picarde d'un mot ancien français gêne quelque peu aux entournures surtout quand on sait le gallo-roman est le dernier des rejetons de ce fameux proto-gallo-roman, au point que c'est lui qui sera le plus chamboulé par l'influence germanique des Ve et VIe siècles n'ayant pas la capacité de résistance de ses ainés qui sont restés à des degrés divers plus proches du latin.

Voici les explications, ce n'est que la substantifique moelle, celle qui nous intéresse pour les doublets, pour le reste, il faut lire les articles de René Lepelley.

Les caractéristiques territoriales et linguistiques des trois premiers latins issus de notre proto-gallo-roman sont mise en évidence par le lexique (ancienneté des termes latins) et la toponymie (recul du gaulois, prépondérance du latin). La colonisation au sud et la constitution de marches militaires au nord explique le tout.

Ils ont également des caractéristiques phonétiques qui les distinguent du gallo-roman et c'est la proximité géographique des territoires gallo-roman et roman-nord-occidental qui va générer des échanges entre langues et nous alimenter – ô combien ! – en doublets.

Les caractères distinctifs entre l'ancien français et les anciens normand et picard, fruits de 4 siècles de changements phonétiques (on ne parle pas de la disparition dans toutes les langues d'oïl de l'affrication au XIIe, je mets donc pour plus de simplicité [ʃ] au lieu d'un [tʃ]) sont principalement 5 et sont déjà présentes dans les langues latines dont ils sont issus :

  1. gallo-roman [se], [si] // roman nord-occidental [ʃe], [ʃi]

  2. gallo-roman [ʒa] // roman nord-occidental [ga]

  3. gallo-roman [ʃa], [ʃe] // roman nord-occidental [ka]

  4. gallo-roman [g] initial // roman nord-occidental [v] initial

  5. gallo-roman [e] libre // roman nord-occidental [a] libre

Reprenons-les l'une après l'autre :

  1. le passage de [ʃe], [ʃi] à [se], [si] date du début du IIIe – le passage de [ke], [ki] ou [te], [ti] à [ʃe], [ʃi] a eu lieu un siècle plus tôt : les territoires du roman nord-occidental latinisés depuis déjà un siècle et demi ont fait de la résistance et n'ont pas accepté cette ultérieure évolution phonétique.

  2. le processus de palatalisation de [g] devant [a] date de la fin du IVe siècle ou du tout début du Ve : le roman nord-occidental ne l'appliquera pas ou l'ébauchera seulement.

  3. le processus de palatalisation de [k] devant [a] date de la fin du IVe siècle ou du tout début du Ve : le roman nord-occidental ne l'appliquera pas ou l'ébauchera seulement.

  4. le gallo-roman fera du [w] initial des envahisseurs germanique du Ve siècle un [gw] qui deviendra [g] au siècle suivant. Le roman nord-occidental n'y a pas touché parce qu'il connaissait depuis belle-lurette le [w] initial latin que le gallo-roman avait transformé en [v] dès le IIIe siècle.
    Notre conservateur de roman nord-occidental – plutôt ses descendants - attendra le XIIe siècle pour accepter de transformer tant le [w] initial latin que le germanique en [v]. Mais le [g] ne passera pas, ce qui génèrera donc des doublets pour les mots d'origine germanique.

  5. en gallo-roman [a] accentué libre s'est diphtongué au Ve siècle et monophtongué en [e] au VIe. C'est ce qui fait que nous sommes passés de parlata à parlée. Le roman nord-occidental a résisté mais il faut aller dans les recoins de son domaine (Cotentin) pour trouver les traces de cette résistance. Je ne sais pas si nous en tirerons des doublets.

La domination politique franque initiera une certaine uniformisation linguistique et ce qui deviendra le français s'imposera petit à petit sauf pour les caractéristiques phonétiques les plus saillantes.

Conclusion : pour tous ces cas de figures de doublets, la langue de l'étymon est le proto-gallo-roman. Reste seulement le problème de la forme de l'étymon, les dicos ne donne souvent que du latin, il faudra donc connaitre et appliquer les règles de phonétique historique pour trouver la forme proto-gallo-romane. Mais ça ne devrait pas être trop difficile.

Je pense que j'ouvrirai un fil “du latin au proto-gallo-roman” pour comprendre le passage de pertĭca à perca, étymon des doublets perche et perque. Et tous les autres. Il s'épuisera quand j'aurai épuisé les cas d'évolutions phonétiques qui ne doivent pas être si nombreux (une partie à déjà été décrite dans “phonétique historique du français”).

Par contre le Gaffiot avec ses diacritiques sera absolument nécessaire.

Voilà, c'est simplifié et les dates sont assez approximatives (il y a des incohérences dans mon exposé mais l'essentiel est de comprendre la genése des langues qui nous intéressent) et la terminologie fluctuante (les spécialistes ne sont pas d'accord et la thèse de monsieur Lepelley récente). Mais en gros, nous y sommes. Et j'y vois plus clair pour foncer bille en tête.

Re : les tribulations des mots

Je suis tombé plusieurs fois sur le franco-provençal, et à la dernière interrogation (et la recherche qui s'en est suivie) :

Le traitement étymologique des « francoprovençalismes » dans le Trésor de la langue française. Problèmes méthodologiques et étude de cas, Xavier Gouvert, université de Zurich, 2007 : http://www.cairn.info/richesses-du-fran … ge-361.htm

Je pense que je le commanderai mais le sommaire est déjà éloquent :

  • 1 Les « francoprovençalismes » dans le TLF : problématiques générales

    1. Contexte de cette étude : le projet TLF-Étym

    2. Le francoprovençal : un objet linguistique non identifié

    3. Une doctrine incertaine

    4. Un traitement étymologique discutable

    5. Du diachronique au synchronique

  • 2 Les « francoprovençalismes » du français : étude de cas

    1. Mots attribués indûment au francoprovençal ou à l’un de ses dialectes

    2. Mots remontant à un étymon francoprovençal, mais formés dans une variété régionale du français

    3. Mots empruntés au francoprovençal, par l’intermédiaire d’une variété régionale du français

    4. Quelques lemmes « dissociables »

  • 3 Bilan et perspectives

    1. Pour en finir avec les « francoprovençalismes » du français

    2. Baldinger, Gebhardt et la question des « francoprovençalismes »

    3. Perspectives de travail

Approcher donc le franco-provençal avec des pincettes. Mais jusqu'à plus ample informé, continuons à dire ce que dit le TLF. J'ai désormais le feuillet  excel qui va bien pour retrouver n'importe quelle langue dans la masse des doublets.

13 Dernière modification par éponymie (20-09-2017 09:20:00)

Re : les tribulations des mots

Un document à lire :

Jacques Ch. Lemaire, L’analepse ou mécanisme de l’emprunt lexical réciproque, Bruxelles, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2016. Disponible sur : www.arllfb.be

Exemple d'analepse : bougette en ancien français est emprunté par l'anglais et nous revient sous forme de budget.

Le site sur les doublets est plein d'analepse - wyandotte  (doublet de wendat), shimmy (doublet de chemise), etc. - mais bien entendu tout ce qui est défini dans ce document comme analepse n'a pas forcément un doublet en français moderne.

14 Dernière modification par Abel Boyer (20-09-2017 12:43:13)

Re : les tribulations des mots

Ah mon Dieu, ça fait tout drôle de lire un article sérieux sur ce forum essentiellement ludique. Très intéressant au demeurant. Merci de l'avoir signalé.

Re : les tribulations des mots

Abel Boyer a écrit:

Ah mon Dieu, ça fait tout drôle de lire un article sérieux sur ce forum essentiellement ludique.

ABC est devenu un forum essentiellement ludique ? Il fut un temps où c'était un forum plein de sujets sérieux abordés sans se prendre au sérieux.

Mais apparemment, vous voilà converti. En ce qui me concerne,  ABC est toujours ma bibliothèque.

16 Dernière modification par pfinn60 (21-09-2017 16:59:50)

Re : les tribulations des mots

J'ai enlevé ce post.

Re : les tribulations des mots

Il faut se méfier de ces listes présentées sans aucune garantie et sans logique.
Par exemple, la source hébraïque de "mystère" est très discutable.

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Re : les tribulations des mots

Abel merci.  Est-ce que je devrais l'enlever?  Je l'ai posté pour Rosh Hashana.

Re : les tribulations des mots

Chana tova, comme dit le calicot du fleuriste en bas de chez moi !
Non, vous pouvez la laisser, il suffit d'être circonspect !

20 Dernière modification par pfinn60 (21-09-2017 17:00:21)

Re : les tribulations des mots

J'ai enlevé ce post.

21

Re : les tribulations des mots

pfinn60 a écrit:

Abel merci.  Est-ce que je devrais l'enlever?  Je l'ai posté pour Rosh Hashana.

??? Je découvre ce terme hébreu et je suis surpris de la raison présentée par pfinn60 pour donner ce lien.
J'ai moi-même épluché cette liste dès sa publication sur le forum et j'y ai débusqué quelques étymologies très discutables.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

22

Re : les tribulations des mots

éponymie a écrit:

Un document à lire :

Jacques Ch. Lemaire, L’analepse ou mécanisme de l’emprunt lexical réciproque, Bruxelles, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2016. Disponible sur : www.arllfb.be

Exemple d'analepse : bougette en ancien français est emprunté par l'anglais et nous revient sous forme de budget.

Le site sur les doublets est plein d'analepse - wyandotte  (doublet de wendat), shimmy (doublet de chemise), etc. - mais bien entendu tout ce qui est défini dans ce document comme analepse n'a pas forcément un doublet en français moderne.

J'imagine que l'on y retrouve fleureter qui nous est revenu après un séjour en Angleterre

Re : les tribulations des mots

cépamoi a écrit:

J'imagine que l'on y retrouve fleureter qui nous est revenu après un séjour en Angleterre

Pas forcément, car tout le monde n'est pas d'accord sur l'origine de l'anglais "to flirt" qui pourrait bien ne pas venir de "fleureter".
https://www.etymonline.com/word/flirt

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