Il faut vous dire que Brun avait une fille
Dont les fiançailles étaient faites.
Pour la noce ils avaient saigné leurs deux cochons,
Des cochons de la bonne race !
Un oncle qui n'était pas la moitié d'un gourmand,
Dit, dit-il qu'il dit : « Les enfants,» (p.147)
Venon d'aparde, bounegen! » In amit qu'a jamais pourté neûze à persoune : » A n'in petit d'in jor » Arait s'man pas fait tor. » Que le bon Guieu li doune » In' piace en paradis : zou za bein marité. » Sus tieû mot i virit la teite peur coûté, I poussit in hélâ, ma fi, qu'était pa moinoe, Et s'essugit lés euil dessus lés quate-z-oince. Lés méchante langue disan Qu'a fuyan pas mouyé' grandman. Teurjau, ma fine, é-t-ou qu'il ajotit encoère...« Miséricorde!... avon peurdut » Le pu bon ménagé qu'o se sège pas vut! » Cré qu'i se s'rait garé de mangé peur pas boére. » Si peur in eil de beu dau ciel, més bon-s-amit, » I voyait qu' sés goret venissian choumenit, » Conte tretous nous aute i s'rait bein en coulère. » Contrarion pas, boun'gen, mon paure défin frère, » Fason lés noce tout comptan, »O! é li qu'en sera conten ! » Crérî que la petite en manquait poin d'envie; Le jénhoume litout y preitit beu la main. Diâbe m'essarte et m'escofie, Fuyan marié le lendemain. Le vitieire arrivit, i leû dissit la messe Et leû fazit in biâ sarmon, Qu'était, fouquette poin, piqué dés z' haneton. De més jôr, zou confesse, En avî poin, agare, entendut in pu bon. Houme et fumelle, o brâyait farme : A piéne palle arian, j'cré, ramassé lés larme. (p. 148 en saintongeais)
« Nous venons de perdre, hélas!,
un ami qui n'a pourtant jamais nui à personne :
Au nouveau-né d'un jour
Il n'aurait pas fait de mal.
Que Dieu lui donne
Une place au Paradis : il l'a bien méritée. »
Sur ce mot, il tourna la tête de côté,
Poussa un hélas! qui, ma foi, n'était pas mince,
Et s'essuya les yeux avec sa main.
Les méchantes langues disent
Qu'elle ne fut guère mouillée.
Toujours est-ce, ma foi, qu'il ajouta encore...
« Miséricorde!!... nous avons perdu
Le plus économe qu'on n'ait jamais vu !
Je crois qu'il se serait privé de manger pour ne pas boire.
Si, par une lucarne du ciel, mes bons amis,
Il voyait que ses cochons devinssent moisis,
'Contre nous autres tous, il serait fort en colère.
Ne contrarions pas, bonnes gens! mon pauvre défunt frère.
Faisons la noce à l' instant,
C'est lui qui en sera content ! »
Je croirais que la petite en mourait d'envie;
Le fiancé aussi y prêta bien la main.
Le diable me déchire et me fusille, Ils furent mariés le lendemain.
Le vicaire arriva, il leur dit la messe,
Et leur fit un beau sermon
Qui n'était pas, sapristi, piqué des hannetons.
Jamais, je le confesse,
Je n'en avais entendu un meilleur.
Hommes et femmes, tous pleuraient:
A pleine pelle on aurait pu, je crois,
ramasser les larmes.
Recueil de contes et fables en patois saintongeais, Jean-Henri Burgaud des Marets (1806-1873), 1859