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forum abclf » Histoire de la langue française » (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

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Messages [ 7 ]

1 Dernière modification par yd (17-09-2014 17:33:53)

Sujet : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Bonjour.

Me demandant si l'expression peine de mort était appropriée en Droit, j'en suis venu à me demander si la notion de peine n'impliquait pas un terme, et par extension, qu'une fois accomplie on estimait la faute réparée.

Le TLFi me donne tort tout du long. Toutefois, en le consultant, j'ai appris cet usage vieilli de sous peine de vie. Une petite porte m'a donc semblé entrouverte pour contester cette notion de peine de mort.

Ngram, sur la base de Google Livres, en partant de 1500, ne donne rien pour peine de vie, et n'amorce peine de mort qu'un peu après 1600. Je crois que le corpus de Google Livres est peu adapté avant le XVIIe : nous n'en sommes qu'à mi-chemin, je pense, de la numérisation, et Google Livres n'a sans doute pas vocation de remonter aussi haut. Problèmes de reconnaissance de caractères, mais aussi de formes des mots, trop différentes de la langue d'aujourd'hui.

En revanche, une chose très intéressante, en marge de ce sujet, est le pic impressionnant de la courbe peine de mort aux époques troublées de notre histoire, sous réserve du pic vers 1700 : je connais mal cette période.

Étymologiquement, je suis allé directement à mon Magnien Lacroix, qui à ποινή donne :
1) prix d'un meurtre, prix à payer pour un meurtre, prix payé pour un meurtre.
2) prix d'une faute.
3) plus rarement prix d'une bonne action, récompense.
4) rarement (Pindare) délivrance.
5) l'Expiation, la Vengeance personnifiée.

Pour notre Antiquité, nous avons une source un peu tardive, la compilation juridique d'Eauze, dite Code d'Alaric, qui sera reprise en plusieurs fois jusqu'au Code Théodosien, qui a resservi lui-même pour le Code Napoléon, Code d'Alaric qui juxtapose la justice traditionnelle, entre familles ou entre clans, et la justice administrée. On connaît assez bien un exemple de justice traditionnelle chez les Hurons-Wendats, où en effet on réparait entre familles ou clans des morts pas strictement criminelles à la guerre ou des morts accidentelles par plus de soixante réparations, la plupart extrêmement lourdes. Je crois que le système de vengeance, avec les fameux vengeurs, est intermédiaire entre cette justice traditionnelle et les lois mafieuses, ces suites de vengeances qui ne s'arrêtent que de guerre lasse, et qu'on a mises en avant pour imposer la justice administrée.

L'important pour nous, c'est de ne pas perdre de vue que dans la justice ancestrale ou traditionnelle une mort non crapuleuse se réparait. Il me semble que ποινή pourrait rentrer dans ce cadre, ce qui apporterait de l'eau à mon moulin.

Dans le TLFi (à la fin du I), l'exemple donné pour sous peine de vie est lié à la personne du roi. ce qui pourrait être très particulier :

♦ Sous peine de vie (vx). Sous peine de mort. [Ils] écartent les soldats, leur défendent sous peine de vie d'approcher du roi (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.157).

Fille légère ne peut bêcher.

Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

J'ai lu votre intervention avec un grand intérêt. Merci bien.

Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Pour apporter de l'eau à votre moulin, j'ai trouvé ceci (que vous avez sans aucun doute également lu). Il s'agit d'un extrait du Journal de la langue française rédigé par des grammairiens entre autres sous la direction de G.-N. Redler entre 1837 et 38 (et qu'on trouve sur Google Books).

Voici l'aperçu à l'article "peine de vie":

http://img4.hostingpics.net/pics/784678Capture.png

4 Dernière modification par glop (19-11-2014 23:31:41)

Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Ce que je découvre, c’est le caractère quelque peu énantiosémique du mot peine.
En effet, priver quelqu'un de quelque chose, c’est  infliger une peine alors que, donner quelque chose, c’est attribuer une récompense.
"Donner" et "attribuer" sont presque des synonymes contrairement à  "infliger" et "priver".
C'est probablement à l'époque où la peine de mort consistait à priver le condamné de sa mort que sont apparus les vampires. À la même époque, la peine de tête consistait à infliger une tête supplémentaire au condamné. Il semble que cette peine capitale  ait été remplacée par la décapitation par pur soucis d'économie.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Robert le Grand (peine : I Punition, 3 : Loc. sous peine de...) écrit :

en faisant encourir telle ou telle peine. / Sous peine de punition, de la contrainte par corps. Sous peine d'être pendu. — Sous peine de la vie  : sous peine de mort.

    Et il cite Voltaire :
« on ordonnait, sous peine de la vie, à tous les citoyens de sortir en armes hors de leurs maisons » (Siècle de Louis XIV, 1751)

elle est pas belle, la vie ?

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Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Toujours dans Michel Figeac, Les affrontements religieux en Europe : Du début du XVIe siècle au milieu du XVIIe siècle, Coédition CNED/SEDES, 2008 :

À la mi-septembre [1562, à Paris] encore, on crie publiquement que tout huguenot suspect doit s'en aller de la ville « à peyne de la vie ».

Fille légère ne peut bêcher.

7 Dernière modification par yd (15-05-2015 14:29:26)

Re : (sous) peine de vie, (sous) peine de mort

Dans mon premier message je me suis trompé dans l'ordre historique des codes juridiques : le code dit d'Alaric ne peut-être qu'ultérieur au code théodosien. Mais j'ai bel et bien lu à plusieurs reprises que la compilation juridique d'Eauze ou Elysa avait été la plus ancienne, reprise graduellement par toutes les autres.

Ce qui peut être trompeur est qu'en effet le code dit d'Alaric juxtapose le droit administré, ou droit romain, au droit ancestral entre familles ou clans, évidemment plus ancien. Selon Renée Goulard, il semble qu'Alaric aurait voulu coucher par écrit les coutumes juridiques « gothiques » au milieu ou à côté du droit romain, ce qui renverse la perspective historique que j'avais retenue. Personnellement je n'avais pas vu ces coutumes spécialement « gothiques » mais simplement ancestrales ou traditionnelles, et c'est même par un livre étudiant ce code d'Alaric que j'avais découvert cette justice et ces sociétés ancestrales.

Ce qui peut encore fausser la perspective historique, c'est que souvent, dans les provinces, le droit romain lui-même n'était pas imposé, ne revendiquant « l'exclusivité » que pour les condamnations à mort. Il cohabitait donc avec les diverses justices locales.

Je sors un peu du sujet : selon la page de Wikipédia dédiée à Aoric, thiudans aurait signifié « roi » en langue gothique. On trouvait déjà beaucoup de noms grecs préfixés en théo-, mais il en apparaît une flopée dans tout l'Empire romain comme par hasard à partir de la bataille d'Andrinople (378), victoire des Goths réputés ariens, à commencer par le très nicéen Théodose qui succède au très arien Valens, tué à Andrinople. Tout est bizarre en histoire.

En note 20 le document de Renée Goulard cite une inscription de Mérida où il est fait mention de Getarum Eruigi regis : des Gètes plutôt que des Goths et Erwig plutôt qu'Euric : il y a une interversion de consonnes pour scandinaver ou balticiser le nom (vieux norrois Eiríkr).

Fille légère ne peut bêcher.

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