Ayant déjà exprimé plusieurs fois ce que je pense sur l'enseignement des "langues" au CP et l'anglais imposé à tous, je me permets juste de recopier ici un message d'un francophone (québecois), diffusé sur une liste. C'est un peu long mais AMHA intéressant.
Je suis né en Ontario (Canada) et j'y ai habité pendant quelque vingt ans avant de m'installer au Québec.
La langue de ma mère et de mon père était le français.
La ville où nous habitions était une ville minière peuplée à 30% d'anglophones, à 40% de francophones et à 30% de gens venant d'Italie et d'Europe centrale (polonais, allemands, hongrois, etc.). Toute l'activité commerciale se faisait en anglais. L'unique quotidien était de langue anglaise.
À la maison nous ne parlions que français, mais au fur et à mesure que les années passaient les interférences linguistiques s'accumulaient. Ma mère qui avait une formation en piano donnait des cours de musique. Durant ma tendre enfance une aide domestique me parlait uniquement en français.
Ma première rencontre avec la langue anglaise a eu lieu à deux ans lorsque j'ai essayé de parler en français avec la petite voisine de mon âge qui ne parlait que l'anglais. À partir de trois ans, vu que mes soeurs plus âgées m'avaient aidé un peu, j'ai pu progressivement apprendre les rudiments d'anglais typique des enfants de mon âge dans le contexte des jeux d'enfants.
À six ans j'entrais à l'école française où j'ai appris le code de la langue française.
Comme tous les enfants de mon âge dans le quartier étaient anglophones ou allophones inscrits à l'école anglaise j'ai pu apprendre la langue anglaise parlée rapidement sans savoir l'écrire. (Il s'agissait du niveau de langue enfantin.)
J'ai eu mon premier cours d'anglais à neuf ans, alors que je parlais déjà la langue (de mon âge). Rapidement j'ai pu lire sans difficulté. Comme les enfants du quartier s'échangeaient des livres de bandes dessinées en anglais, ces livres devinrent ma principale lecture jusqu'à l'âge de 13 ans.
En Ontario, l'école primaire durait 8 ans, suivi de quatre ans d'études secondaires, suivi de un an d'étude pré-universitaire en région éloignée.
Le gouvernement de l'Ontario ne subventionnait les études en français que pendant les 10 premières années, de sorte qu'à la fin de ces dix ans, il fallait être suffisamment compétent en anglais pour continuer en anglais.
Alors que j'étais adolescent, nous étions abonnés au quotidien anglophone de la ville où nous habitions et mes parents se sont aussi abonnés à deux quotidiens de langue française.(Le Droit publié par la minorité française de l'Ontario, et Le Devoir, principal quotidien d'idées du Québec.)
LE RÉSULTAT ou LES CONSÉQUENCES
Tout au long du primaire et du secondaire, j'avais l'impression que ma compétence en français était comparable à celle des autres enfants de l'école, alors que ma compétence en anglais était supérieure. Cela parce que j'avais vécu dans un quartier où la majorité des enfants de mon âge allaient à l'école anglaise.
Je n'ai donc pas perçu d'anomalie, d'autant plus que les enseignants consacraient beaucoup de temps à nous apprendre à ne pas confondre les deux langues.
À l'âge de 22 ans je me suis établi à Montréal pour vivre en français.
Rapidement, je me suis rendu compte qu'il n'y avait presque pas d'emplois intéressants en français. Et j'ai dû travailler en anglais. Pour vivre en français, j'ai dû fréquenter des groupes contestataires qui parlaient principalement le français. Je m'y suis fait de nouveaux amis.
Rapidement, je me suis rendu compte que ma connaissance de la langue française était déficiente, contrairement à ce que j'avais toujours pensé. Mes nouveaux amis venaient des milieux favorisés de Montréal. La structure de mes phrases était anglaise et dans la nécessité d'une production orale de niveau comparable à mes amis, les mots ne venaient pas.
Comme le disait Pierre Bourgault au sujet de la majorité des Québécois des années soixante, j'étais un cul-de-jatte linguistique, incapable d'avancer des propos articulés en français, encore moins de courir, c'est à dire de faire en français des échanges rapides du tac-au-tac qui soient articulés.
Le bilinguisme généralisé, c'est cela pour la majorité des gens. Cela crée une population de culs-de-jatte linguistiques.
Alors, à ceux qui prétendent que l'apprentissage de deux langues en bas âge fait que presque tous les enfants deviennent également compétents dans les deux langues, et que tous peuvent atteindre cette utopie qu'on appelle parfait bilingue, j'affirme avec force et vigueur que les enfants soumis à pareil régime deviennent plutôt également incompétents dans les deux langues.
Le mythe du parfait bilingue vient du fait que l'observateur non qualifié mystifie la compétence des gens qui parlent une langue que l'observateur ne connaît pas suffisamment pour exercer un esprit critique.
Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)