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forum abclf » Réflexions linguistiques » "Tout ce qui est rare est cher"

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Messages [ 20 ]

1 Dernière modification par Naïf (03-04-2010 16:35:32)

Sujet : "Tout ce qui est rare est cher"

Bonjour,

Ma question porte sur l'origine d'une maxime française, et ce qui pourrait la relier à une maxime latine. Qu'on ne s'y trompe pas: sous son apparence pseudo-érudite, elle est très simple.  Pour une lecture très rapide, se reporter directement aux questions finales en gras:

La maxime latine, célèbre et éreintée par les grammairiens, est attribuée à Cicéron:

Omnia praeclara rara
Mot à mot:
Toutes  [choses]-excellentes(adjectif neutre pluriel en fonction substantive) -rares
soit:
"Toutes les choses excellentes [sont] rares"

J'ai tendance à rapprocher cela du français:

Ce qui est rare est cher

La version française est souvent utilisée pour illustrer les effets vicieux de la syllogistique:

Tout ce qui est rare est cher
Or un cheval bon marché est rare
Donc un cheval bon marché est cher

(syllogisme de bon aloi - mode darii, dit de "figure 1" - exploitant l'ambiguïté de cher: "chéri" ou "coûteux")

Voici donc le noeud de l'affaire, ramassé ci-après en traduisant praeclarus ("excellent" ci-dessus) par "cher":
- la maxime latine dit grosso modo "Tout ce qui est cher est rare"
- la maxime française dit: "Tout ce qui est rare est cher"

Ça swingue!

Il serait aisé d'expliquer l'inversion, une fois considéré que l'ordre des mots, syntaxiquement libre en latin, ne l'est plus en terrain français: le terme gauche doit être sujet.
Mais cela m'oblige à supposer l'existence d'une variante latine que je ne trouve nulle part:
*RaraATTRIBUT omnia praeclaraSUJET
qui aurait été réinterprétée en terrain français:
Tout ce qui est rareSUJET (à gauche) est cher (ATTRIBUT)?

Pour éclaircir cette énigme, il me faut savoir:


1. La filiation entre ces deux maximes est-elle assurée?
2. Existe-t-il une version grecque de cette maxime?
3. Quelles furent les variantes de cette maxime en terrain français (vieux et moyen français etc.)? En sachant que la version "Tout ce qui est cher est rare" est beaucoup moins fréquente en français contemporain, parfois suggéré comme prémisse mineure d'un sophisme.
4. et légèrement hors sujet de ce forum, mais en rapport avec mon problème:  la structure de l'hypothétique *Rara omnia praeclara, à savoir "attribut + sujet", est-elle attestée en latin (sinon l'expression elle-même)?

Des lumières?

2 Dernière modification par Naïf (03-04-2010 16:50:21)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

PS. En plus, à la réflexion, l'ordre ATTRIBUT + sujet n'est pas exclu en français:
"Rares sont les bonnes choses"

Mais plus difficilement:
??"Chères sont les choses rares"

Voyons, quelque chose m'échappe... et cela me paraît enfantin. Quoi? Il faut avoir à gauche un adjectif existentiel?

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Il y a une forme médiévale : Omnia rara cara (p.ex. Bebel, Proverbia germanica, Leiden, Brill, 1879, p.127, et ailleurs) qui répond peut-être à votre interrogation. De plus, cara n'implique pas de jeu de mots sur "cher".

4 Dernière modification par Naïf (03-04-2010 17:31:49)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Vous avez trouvé le chaînon manquant! [ Prae]clara => cara: génial.  C'était cette petite manipulation qu'il fallait faire et à laquelle je ne pensais pas!

"Omnia praeclara rara», Cicero, De amicitia 21,79. De là on est arrivé à dire: Ce qui est rare est précieux: «Omnia rara cara», /suite censurée par Google books/
Studia romanica holmiensia, Volume 3 Par Gaces de la Bugne

"La Chose est tant plus presiouse Come a trouver est plus penouse" (Isopet de Lyon, 50, 17) «E ogni cosa rara, Dicie un dicreto, ch'è tenuto rara" (Barberino)
Sprichwörter des Mittelalters: Das 13. und 14. Jahrhundert

Merci infiniment.

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Lisons le chapitre 21 du De amicitia :

Digni autem sunt amicitia quibus in ipsis inest causa cur diligantur. Rarum genus. Et quidem omnia praeclara rara, nec quicquam difficilius quam reperire quod sit omni ex parte in suo genere perfectum.

Digni autem sunt amicitia : Or, sont dignes d'amitié <ceux>
quibus in ipsis inest causa cur diligantur : en qui se trouve un motif pour qu'ils soient aimés.
Rarum genus. Espèce rare.
Et quidem omnia praeclara rara : Et certes, toutes choses excellentes sont rares
nec quicquam difficilius : et rien n'est plus difficile
quam reperire quod sit omni ex parte in suo genere perfectum. que de découvrir quelque chose qui soit parfait en tous points dans son genre.

La notion que la rareté doive se payer est totalement absente ici : Cicéron souligne seulement que c'est extrêmement difficile à trouver (reperire).

Cela dit, de toute latinité carus est polysémique, sens financier = onéreux, sens moral= précieux   :

1 - carus, a, um : - a - qui coûte cher, cher, coûteux, précieux. - b - cher, aimé, chéri. - c - charitable.

ou encore :

I. dear, precious, valued, esteemed (pass., freq. and class. in prose and poetry; syn.: dilectus, amatus, acceptus, gratus; opp. vilis, neglectus, contemptus; carum esse; syn. diligi); act., loving, affectionate, Verg. A. 1, 646: “carum ipsum verbum est amoris, ex quo amicitiae nomen est ductum,” Cic. N. D. 1, 44, 122;
II. Prop. (opp. vilis), dear, costly, of a high price: “venio ad macellum, rogito pisces: indicant Caros, agninam caram, caram bubulam, cara omnia,” Plaut. Aul. 2, 8, 3 sq.:

On notera la référence à Plaute :

Je vais au marché ; je demande. Combien le poisson ? trop cher. L'agneau ? trop cher. Le bœuf ? trop cher. Tout est trop cher.

Toute équivoque est donc possible.
Mais justement, Cicéron ne l'a pas employé !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Oui, praeclarus n'est pas carus ni même fr. cher, mais la filiation entre les deux formules paraît sinon prouvée, en tout cas très vraisemblable. Les langues n'ont pas fini de dériver...

Reste la singulière inversion sujet/attribut.

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Bien malin qui peut dire quel est le sujet et quel est l'attribut, dans une phrase latine :
1) où le verbe esse est sous-entendu ;
2) où aucun des deux termes n'est un adjectif !
Quand il y a un adjectif qualificatif, c'est lui l'attribut, mais entre deux adjectifs (dont l'un est substantivé) ou entre deux noms, c'est la bouteille à l'encre !

omnia praeclara rara : ici, nous avons trois adjectifs !
Forcément, l'un au moins est substantivé (possibilité très largement offerte par la langue latine) et les deux autres : soit, deux attributs, soit une épithète et un attribut.
Riche combinatoire !
On comprend généralement :
omnia praeclara, groupe substantif
rara : attribut.
« toutes choses excellentes sont rares. »
Mais la solution :
omnia, substantif
praeclara rara : attributs cumulés,
n'est pas exclue (surtout pas pour un élève) : cela donnerait :
« tout ce qui existe est excellent et rare » (ce qu'un  élève trouve tout naturel, vu que pour un élève tout ce qui se dit en latin est absurde...).

Ou encore, la solution :
omnia rara : groupe nominal
praeclara : épithète ;
n'est pas totalement exclue : cela donnerait
« toutes choses rares, excellentes » etc.

Il existe en latin un ordre des mots préférentiel : le déterminant précède le déterminé, le sujet et l'objet précèdent le verbe. Tout décalage dans cet ordre statistique est la marque d'une volonté stylistique.
Or, les googleurs antiques n'ont numérisé (gloups ! recopié...) que les œuvres des écrivains de première envergure, ceux, justement, qui perturbent le plus l'ordre statistique.
Si bien que parler de  la singulière inversion sujet/attribut est exprimer un point de vue étroitement francophone.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

8 Dernière modification par Naïf (04-04-2010 11:45:33)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Si bien que parler de  la singulière inversion sujet/attribut est exprimer un point de vue étroitement francophone.

Non... et oui.

A moins d'envisager la figure appelée syllepse syntaxique attribuant à une construction plusieurs interprétations syntaxiques également licites, aussi bien votre traduction que votre message ci-dessus ne laissent aucun doute sur la répartition sujet/prédicat dans cette phrase en latin.

Mais la maléabilité que vous redites est justement celle que j'envisageais dans ma question. Elle est bien connue, et tout particulièrement dans les maximes formées sur ce modèle. Voyez, avec un autre type de variation, l'histoire de Omnis homo ("tout homme" et "homme à tout faire") dans la variante latine de "Tout homme est mortel").  Mais j'escomptais confirmation pour la question de l'ordre "prédicat (attribut) / sujet". Bon, je vais me plonger dans mes grammaires de latin: la paresse ne paye jamais.

Nota bene. Sur le fait que esse n'est ici aucunement sous-entendu, et tout simplement absent, voyez Benveniste, "La phrase nominale", qui justement cite cette phrase. Laquelle phrase était auparavant prise en exemple par Hjelmslev, et avant encore par des générations de grammairiens. Et que je vais aller chercher dans les traités médiévaux.  On est ici sur un terrain qui fut intensivement labouré par des générations d'interprètes.

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Et si nous laissions le dernier mot à Diderot ?
Qui écrit, dans la Lettre sur les sourds et muets :

[...] entre tant d'arrangements possibles, comment, lorsqu'une langue est morte, distinguer les constructions que l'usage  autorisait ? La simplicité et l'uniformité des nôtres m'enhardissent à dire que, si jamais la langue française meurt, on aura plus de facilité à l'écrir et à la parler correctement que les langues grecque ou latine. Combien d'inversions n'employons-nous pas aujourd'hui en latin et en grec, que l'usage du temps de Cicéron et de Démosthène, ou l'oreille sévère des orateurs proscrirait.
Mais, me dira-t-on, n'avons-nous pas dans notre langue des adjectifs qui ne se placent qu'avant le substantif ; n'en avons-nous pas d'autres qui ne se placent jamais qu'après ? Comment nos neveux s'instruiront-ils de ces finesses ? La lecture des bons auteurs n'y suffit pas. J'en conviens avec vous, et j'avoue que si la langue française meurt, les savants à venir qui feront assez de cas de nos auteurs pour l'apprendre et pour s'en servir, ne manqueront pas d'écrire indistinctement blanc bonnet ou bonnet blanc, méchant auteur ou auteur méchant, homme galant ou galant homme, et une infinité d'autres qui donneraient à leurs ouvrages un air tout à fait ridicule si nous ressuscitions pour les lire mais qui n'empcheront pas leurs contemporains ignorants de s'écrier à la lecture de quelque pièce française : « Racine n'a pas écrit plus correctement [...] »

Diderot a vu juste, et plus encore qu'il ne le pensait, car la langue française a beau n'être pas morte, on écrit déjà  « indistinctement blanc bonnet ou bonnet blanc »!
Diderot vise les auteurs latins de son temps, mais nous devrions méditer son propos avant de conclure quoi que ce soit au sujet de l'ordre « prédicat (attribut) / sujet ».

P.S. Quand je dis que esse est sous-entendu, je parle :
en prisonnier de mes catégories mentales de :
a) francophone, qui a besoin d'ajouter mentalement esse pour distinguer un attribut d'une épithète, et un simple participe d'une forme verbale conjuguée ;
b) professeur qui doit aider de jeunes esprits à saisir le sens d'un texte : que esse n'y soit pas, ils le voient si bien qu'ils n'y comprennent plus rien ! donc, artifice pédagogique, je leur souffle de l'ajouter mentalement. Même s'il n'est pas sous-entendu, ça aide de le supposer...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

10 Dernière modification par Naïf (04-04-2010 16:08:01)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

P'tit prof a écrit:

Et si nous laissions le dernier mot à Diderot ?

C'est hélas impossible, bien que ce texte que j'ignorais m'amuse beaucoup. En effet, il ne mentionne pas les attributs qui m'intéressent, seulement des épithètes.

Que le fil reste donc ouvert, au cas où quelqu'un souhaiterait répondre aux questions encore pendantes du premier message :-)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

En effet, il ne mentionne pas les attributs qui m'intéressent, seulement des épithètes.

Dans le découpage que j'ai réalisé !
La Lettre sur les sourds et les muets n'est pas numérisée, je n'ai pas eu la patience de recopier les soixantes pages qu'elle occupe dans mon édition du Livre de Poche.
Comme elle traite de l'ordre dans lequel les idées se présentent à l'esprit, et de l'ordre dans lequel ces idées sont exprimées, elle est à la fois, et, à certains égards totalement dépassée, et au plein centre de vos préoccupations...

J'ai toujours présente à l'esprit cette idée que Diderot n'est pas le seul à avoir formulée qu'au fond nous ne savons pas le latin. Tout ce que nous en possédons, c'est un corpus écrit, fini et donc très limité. Nous pouvons labourer inlassablement ce corpus, nous apprendrons bien des choses, mais il nous manquera toujours le fin mot, si j'ose dire.
Rassemblons le corpus des phrases attributives, avec ou sans esse, étudions-le et tirons-en des conclusions. Ces conclusions seront justes pour nous, et totalement fausses pour la langue latine. Ce n'est pas moi qui le dis, mais un éminent latiniste, le professeur Charpin.

Que voulez-vous savoir au juste ?

L'attribut précède le verbe «  être » (Ernout et Thomas, Syntaxe latine, page 162),

mais Lucien Sauzy n'en use pas moins de l'exemple (forgé, à mon humble avis)  :

Pater est bonus.

Bref, grammatici certant, et Meillet et Vendryes, dans leur Traité des grammaires comparées des langues classiques ont une position... normande :

En grec et en latin, comme en indo-européen, l'ordre des mots n'a aucune valeur grammaticale ; c'est ce qu'on exprime souvent en disant qu'il est libre. Mais cette liberté est restreinte par le fait que l'usage tendait à établir pour chaque type de phrase un ordre habituel qui venait naturellement à l'esprit ; on ne s'en écartait pas sans raison. [...] Il y a par suite des différences dans l'ordre des mots, suivant le genre littéraire et suivant les auteurs. [...] Mais ces questions d'ordre des mots sont encore à peine effleurées (en 1966, ndlr), et l'étude de l'usage de chaque écrivain reste encore en grande partie à faire. (§ 848, page 578)

Relisons Cicéron, dont vous avez donné la référence (et si vous pouviez donner aussi celles des occurrences de omnis homo signifiant homme à tout faire, expression qu'ignorent tant Gaffiot que Lewis & Short, tant à homo qu'à omnis, je vous en serai extrêmement reconnaissant) :

digni autem sunt amicitia
quibus in ipsis inest causa cur diligantur
rarum genus
et quidem omnia praeclara rara
nec quicquam difficilius quam reperire
quod sit omni ex parte in suo genere perfectum.

Je mets en évidence cinq tournures où le francophone peut voir un attribut.
Le verbe esse est présent  deux fois, dont l'une où le sujet n'est pas exprimé.
Restent, sans verbe :
Rarum genus.
Et quidem omnia praeclara rara,
nec quicquam difficilius quam reperire


(Vous allez me dire que j'ai rendu rarum genus par « espèce rare », sans verbe, mais là mon jugement personnel a été altérée par la ponctuation (rappelons que les Latins ignoraient totalement une telle chose...), autrement dit que la ponctuation exprime l'interprétation de l'éditeur, et que j'ai suivi cet éditeur aveuglément.
Cicéron a composé un superbe chiasme :
rarum genus
et quidem omnia praeclara rara,

rarum/rara encadrent genus/omnia praeclara,
et j'eusse mieux traduit :
« rare en est l'espèce, et comme toutes choses excellentes sont rares... »)

Bref, sur ces cinq occurrences, nous avons  les successions :

att. + verbe (sans sujet)
att + sujet (sans verbe)
sujet + att (sans verbe)
sujet + att + sujet
sujet +verbe + (compléments) att.

Cela nous donne un bonne palette des diverses possibilités, chez un même auteur et dans un même paragraphe.

Conclusion : l'auteur met les mots dans l'ordre qui lui convient.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

P.S. Oui, j'ai été long, mais le sujet m'intéresse...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

13 Dernière modification par Naïf (04-04-2010 18:35:03)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Très vite, parce que vous avez tendance à faire des hors sujets ; mais en même temps, vous  avez l'amabilité de vous pencher sur mes questions, formulées le plus clairement que j'ai pu dans le premier message.

En gros, vous attirez mon attention sur un exemple d'ordre Attribut-Sujet dans le texte de Cicéron (je souligne l'attribut: Digni autem sunt amicitia quibus in ipsis inest causa cur diligantur), mais vous oubliez que je ne m'intéresse pas aux phrases en esse

(quant aux phrases verbales autres que les phrases en esse , on sait bien que le sujet y est très massivement en première position, chez César, le ratio est 8:10 en proposition principale, 9:10 en subordonnée).

Je n'ai toujours pas d'exemple du type Praeclara (attribut) // omnia rara (Sujet), qui n'est pas une phrase en esse (laissons de côté les présentations pour collégiens).
Mais je sais que vous ne m'en apporterez pas, parce que vous pensez impossible et aléatoire le départ "prédicat (attribut)"  vs sujet" tous ordres confondus. Vous vous trompez à mon avis, mais le forum ABC n'est pas le lieu pour en débattre, glissons. Le latin n'est ici en cause que dans la mesure où il a coexisté avec l'ancien français, et le fruit de leurs échanges est encore dans nos bouches.

Mais merci quand même!

Nota bene (mais ce n'est pas le sujet) Charpin a toujours répété avec opiniâtreté qu'il y avait des règles précises.  Voyez son article dans Langage, juin 1978.

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Mais je sais que vous ne m'en apporterez pas, parce que vous pensez impossible et aléatoire le départ "prédicat (attribut) / sujet".

Grands dieux !
Vous savez mieux que moi ce que je fais ou ne fais pas, ce que je ferai et ne ferai pas, et ce que je  pense ou ne pense pas !
Et rarum genus,alors, dans le texte que vous donnez en référence, ce n'est pas un bel exemple de prédicat (rarum)/sujet (genus) ? Vous l'avez sous le nez, vous l'avez toujours eu sous le nez, je le pointe, et vous me dites que je le juge impossible...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

15 Dernière modification par Naïf (04-04-2010 18:44:21)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Rarum genus est autre chose, me semble-t-il.

Comparez au français:

Cette idée est mauvaise.
Mauvaise, cette idée.
Mauvaise idée!

Cf. aussi l'incise "Chose rare".

PS. J'ai souligné les équivalents structuraux de rarum genus en français. Il n'y a ici que des épithètes, à mon avis. Avis qu'il faudrait fonder et étayer, mais c'est une autre histoire: je poursuis un objectif précis, et ne me laisserai point détourner :-)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Comparez au français !
Mais j'étudie le latin pour lui-même.
Une raison tirée du français n'a aucune validité : d'une langue à l'autre, des structures sont comparables, d'autres ne le sont pas.
Mais bon, si rarum genus ne vous plait pas, je le remets dans ma culotte, je ne suis pas contrariant.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

17 Dernière modification par Naïf (04-04-2010 19:50:43)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Amusant dialogue! Si j'utilise le français, c'est pour rendre manifeste deux faits communs à ces deux langues:

- le groupe épithète + nom peut fonctionner comme phrase nominale sans sujet;
- la syntaxe des incises est à part. "Chose rare" et "La chose est rare" peuvent, en français, tous les deux se dire; l'un est constitué d'une épithète, l'autre d'un attribut. En latin, si l'on n'a pas de verbe, la distinction n'existe pas à l'écrit. (sauf si l'ordre "Attribut-Sujet" - sans verbe, j'insiste -  s'avère très rare et contraint; ce que je crois)

En latin, hélas, c'est un cas de figure pour lequel je manque de données indépendantes pour choisir. On ne peut guère le retenir.*

Mais je ne désespère pas de trouver une réponse à ma question 4. (les ouvrages que je possède ne répondent pas à cette question, mais l'internet est vaste).


*Ce qui ne signifie pas que j'abonde dans le sens de votre déclaration portant sur le caractère indécidable et aléatoire de la distribution prédicat/sujet. Vous écrivez, piqué je ne sais trop pour quelle raison "Vous savez mieux que moi ce que je fais ou ne fais pas, ce que je ferai et ne ferai pas, et ce que je  pense ou ne pense pas !", mais je ne faisais plus haut que renvoyer à vos paroles:

P'tit Prof, message #7 a écrit:

Bien malin qui peut dire quel est le sujet et quel est l'attribut, dans une phrase latine
1) où le verbe esse est sous-entendu ;
2) où aucun des deux termes n'est un adjectif ! (en relisant cela, je n'ai pas bien compris le lien de (2) avec mes problèmes, mais brisons-là)

Si l'on ne pouvait jamais faire cette distinction, c'est tout le corpus latin ou presque qui deviendrait, du jour au lendemain, totalement obscur. Remarquez, cela ne serait pas sans me déplaire...

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

je poursuis un objectif précis

Peut-on savoir lequel ? cela permettrait de vous aider en meilleure connaissance de cause


Je persiste à trouver hilarante la proposition :

Mais je sais que vous ne m'en apporterez pas, parce que vous pensez impossible et aléatoire le départ "prédicat (attribut)"  vs sujet" tous ordres confondus.

Se voir opposer des pensées que l'on n'a nullement formulées, pour l'excellente raison qu'on ne les a pas conçues ! Je m'en pisse parmi, comme écrivait le regretté San-Antonio.
D'ailleurs, je me serais bien gardé d'écrire impossible et aléatoire, vu que ce qui est impossible n'est pas, et que ce qui est aléatoire, est ! Ou c'est impossible, ou c'est aléatoire, mais pas les deux à la fois !
Vous tirez cette conclusion (inattendue pour moi, qui sais ce que je pense...) de

Bien malin qui peut dire quel est le sujet et quel est l'attribut, dans une phrase latine
1) où le verbe esse est sous-entendu ;
2) où aucun des deux termes n'est un adjectif !

J'admets avoir pris un raccourci :
quand il y a un adjectif qualificatif en course, généralement, c'est lui l'attribut ; quand il n'y a que des substantifs, ou des adjectifs substantivés, c'est plus coton. L'ordre des mots n'est pas une indication suffisante, puique les auteurs n'hésitent pas à le bousculer pour produire des effets. Les élèves y vont généralement au doigt mouillé, le professeur s'appuie sur le contexte.
Autrement dit, c'est le lecteur moderne qui décide unilatéralement si tel mot est attribut et tel autre sujet, en se guidant sur la vraisemblance et sans aucune certitude que telle était bien l'intention de l'auteur.
Maintenant, si vous voulez des occurrences de phrases sans esse commençant par ce que vous estimez être l'attribut, ça doit pouvoir se trouver.

Je rectifie une autre imputation fausse : jamais je n'ai posé que Charpin disait qu'il n'y a pas de règles. Simplement, je l'ai entendu de mes propres oreilles dire que les règles que nous dégagions n'avaient de validité que par rapport à nous. Ce sont les règles du latin tel que nous le possédons, et tel que nous le comprenons, mais ce ne sont pas les règles qu'observaient César et Cicéron. Ce qui n'est pas très éloigné de la pensée de Diderot.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Autre chose :

En gros, vous attirez mon attention sur un exemple d'ordre Attribut-Sujet dans le texte de Cicéron (je souligne l'attribut: Digni autem sunt amicitia quibus in ipsis inest causa cur diligantur), mais vous oubliez que je ne m'intéresse pas aux phrases en esse.

Ben non.
Je mettais en évidence la série de constructions attributives dans le paragraphe cicéronien : il y en a 5, dont 3 sans verbe.
Celle que vous recopiez est un exemple d'attribut-verbe sans sujet exprimé.
J'attirais plutôt votre attention sur les trois occurrences sans verbe, mais bon...

Les parallèles ne se rencontrent qu'à l'infini... et encore !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

20 Dernière modification par Naïf (05-04-2010 13:14:56)

Re : "Tout ce qui est rare est cher"

Maintenant, si vous voulez des occurrences de phrases sans esse commençant par ce que vous estimez être l'attribut, ça doit pouvoir se trouver.

C'était ma question 4, formulée sans ambiguïté, je crois. J'ai trouvé tout seul. Pardon d'encombrer le forum avec du pas-français,  mais c'est pour la bonne cause, et pour la bonne bouche:

Au détour d'une lecture, je retrouve la fameuse maxime des Pythiques de Pindare:
????? ???? ????????
lit. d'une ombre le rêve [est] l'homme => "L'homme est le rêve d'une ombre"
(qui fait écho aux deux interrogatives qui précèdent dans le texte: qu' [est] chacun [de nous] etc.)

Traduit:
Umbræ somnium homo.

Donc j'ai répondu à ma question: au moins dans les traductions, on trouve des phrases nominales de type Attribut+Sujet en latin.

Pierre Enckell m'a bien aidé pour la question 3.

Restent 1 et 2.

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