P'tit prof a écrit:La question porte sur ce E postiche, cette lettre infamante bien que non écarlate, que l'on accroche à certains termes pour indiquer que la personne qui remplit la fonction n'est pas un homo comme les autres, mais la variété femelle.
De deux choses l'une, ou le féminin existe déjà : une supérieure, une prieure, une directrice, une inspectrice, ou il n'existe pas.
Quand il n'existe pas, on le fabrique, dans un double défi à la simple courtoisie (c'est pas un vrai proviseur, c'est une meuffe !) et aux habitudes de la langue.
Absolument ! D'autant que le masculin morphologique <le proviseur> est un neutre sémantique. Si on instaure le féminin sémantique en plus du neutre sémantique, la parité exigerait qu'on crée également un masculin sémantique. Or si le féminin sémantique peut être matérialisé par un des féminins morphologiques ad hoc, <la provisoresse>, <la proviseuse>, <la proviseur>, <la proviseure> etc, comment va-ton faire pour le masculin sémantique ? Le masculin morphologique est déjà utilisé pour le neutre sémantique.
Verbum a écrit:Salut, Greg,
NB : la graphie <proviseure> ne respecte pas la phonographie française méridionale où le <e> final postconsonantique doit transcrire un phonème — et non une absence de phonème.
Que dire alors de la Supérieure d'un couvent ?
Salut Verbum !
Eh bien on peut dire de <supérieure> qu'il est la transcription de /sy·pe·?jœ·??/, lequel est réalisé [sy·pe·?jœ·??] en méridional et [sy·pe·?jœ?] en septentrional. À la différence de <supérieur> : /sy·pe·?jœ?/ ? Méri [sy·pe·?jœ?] et Sept [sy·pe·?jœ?].
La situation est différente avec <proviseur>/<proviseure> puisqu'il ne s'agit pas là d'un adjectif passible d'un marquage du genre : nous avons au contraire un substantif de morphologie fixe (écrite et orale), en l'occurrence historiquement masculine, dont on sait avec certitude que plusieurs variantes morphologiques féminines ont été récemment crées pour ce qui concerne le code graphique. Les répercussions de ces innovations graphiques sur la phonologie des contreparties orales doivent être envisagées pour les deux grands types phonologiques de France.
Pour le type septentrional, l'impact oral de la création <proviseure> risque fort d'être nul puisqu'il existe déjà des mots distingués à l'écrit mais épicènes à l'oral : <supérieur> et <supérieure> sont homophones.
En revanche <supérieur> et <supérieure> sont hétérophones dans le type méridional. Cela signifie que <proviseure> doit être prononcé [p?o·vi·zœ·??] en méridional pour pouvoir être intégré dans le système phonologique antérieur à l'innovation graphique. Par conséquent c'est une fois qu'il sera établi que le mot [p?o·vi·zœ·??] existe en méridional qu'on pourra ensuite dire que <proviseure> en est la transcription. Si on constate au contraire que [p?o·vi·zœ·??] n'est pas parvenu à supplanter [p?o·vi·zœ?] pour les emplois sémantiquement féminins, il faudra en tirer la conclusion logique : [p?o·vi·zœ?] est demeuré épicène (ou neutre) et la graphie <proviseure> n'a aucune justification phonologique. Une épreuve simple et concluante consisterait à relever les fréquences respectives de [la·p?o·vi·zœ?] et [la·p?o·vi·zœ·??] (chose impossible à réaliser avec le type septentrional qui ne connaît que [la·p?o·vi·zœ?] pour toutes les orthographes).
Verbum a écrit:D'autre part, j'ai de la difficulté à accepter que la langue d'oïl se conforme aux normes de la langue d'oc.
Je suppose que tu fais référence au <e> graphique final et postconsonantique.
Le choix entre <la proviseur> et <la proviseure> ne dépend pas de la phonologie des langues d'Oc. Il dépend, pour ce qui concerne la France, et en première approximation, des deux grand types phonologiques du français de France : le type de l'Hémifrance septentrionale et le type de l'Hémifrance méridionale.
En Hémifrance septentrionale, le choix entre les graphies <la proviseur> et <la proviseure> est indifférent (hors sémantisme ? voir plus haut la réponse à P'tit prof) puisque les deux graphies se réduisent à une prononciation unique.
En Hémifrance méridionale, le choix d'écrire <la proviseur> plutôt que <la proviseure> se doit d'être compatible avec l'absence ou la présence du [?] final postconsonantique. Si le français de type méridional (qui n'est pas une langue d'Oc et dont la graphie n'est pas davantage occitane) se range à [la·p?o·vi·zœ?], alors ce sera <la proviseur>. Dans le cas contraire, ce sera <la proviseure>.
Donc ce n'est pas "la" langue d'Oc qui impose ses normes à "la" langue d'Oïl. C'est la graphie fédératrice du français (sur la question du <e> postconsonantique final) qui nécessite de prendre en compte les situations où la variabilité est susceptible d'être la plus grande (ici le type méridional du français, langue d'Oïl, même en Provence).