Si, ce sont des arguments, imposés par simple constatation, non par raisonnement.
Vous défendez l'approche suivant laquelle nos jugements intuitifs sur "Qu'est-ce qu'un mot?" permettent de faire des constatations valides pour une théorie du langage. La question est ancienne, c'est sans doute pourquoi vous avez souhaité faire référence aux disputes sur l'héliocentrisme!
Je pense que la prise en compte des intuitions mettant en jeu les métatermes eux-mêmes se joue au coup par coup. Cela marche assez bien - mais pas systématiquement - pour les suffixes, par exemple: les intuitions de découpage remettent souvent en question, avec raison et profit, les analyses étymologiques ou distributionnelles lorsque leur application aveugle occulte des phénomènes dont on peut montrer la pertinence de manière indépendante.*
"Mot" est plus embêtant. C'est certes un vocable commun, mais aussi une notion qui a totalement éclaté dans les recherches linguistiques du 20° siècle. Restituer le mot aux études linguistiques, cela implique notamment qu'on sache analyser la structure d'un "mot", et qu'on exhibe une trousse à outils assez conséquente, avec "racines", "thèmes"/"bases", "morphologie"/"syntaxe" etc. (ou alors, faire comme Singh et Ford, qui arrivent à garder la notion de "mot", mais du coup se passent de celle de "morphème").
Ne donnons pas l'impression que le mot est une donnée, alors que c'est une construction.
Quant au mot de Coralie ou vos exemples plus brefs, s'ils font sourire, ce n'est peut-être pas tant parce qu'ils sont "non lexicalisables" (quoi que cela signifie), mais pour des raisons proches des contraintes pesant sur le nombre de compléments de nom par exemple. Les générativistes ont en leur temps suggéré, comme vous le faites maintenant, que les limites sont purement mémorielles: la fille de la soeur du père de la cousine de la tante du voisin du maire de la commune de... Façon de botter en touche, parce qu'il existe d'autres types de mécanismes qui, eux, semblent beaucoup moins sensibles à ces contraintes (attesté: Oui mais bon enfin là après tout hein quoi euh OK mais toujours est-il quand même..."). De guerre lasse, on parle de profondeur syntaxique...
De votre message, je retiens surtout la question du rapport de l'énoncé à ses atomes constitutifs (dans votre terminologie "possibilité pour une construction phrastique"). Comme à vous, il me semble que la question de la longueur des parties concerne effectivement la possibilité d'une intégration dans un tout. L'identification de ce tout ne va pas de soi.
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*ça me trottait dans la tête. Partant, je n'avais pas fermé cette fenêtre. (En partant, fermez vos fenêtres!).
Même dans le cas que j'envisageais, on ne demande pas aux locuteurs s'ils trouvent des "suffixes" (mot trop terminologique), on leur demande s'ils sentent qu'il y a "roi" dans "royaume" etc. Et c'est de même qu'opère l'analyste. Dans les jugements d'acceptabilité, les constats ne sont pas "P est un énoncé" ou "xy" est une syllabe", mais bien plutôt "P (ou "xy") est possible"/"pas possible". On ne présuppose pas une théorie de ce qu'est un "énoncé" ou une "syllabe" comme vous me donnez le sentiment de le faire.