Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

(Page 2 sur 4)

forum abclf » Histoire de la langue française » il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Flux RSS du sujet

Messages [ 51 à 100 sur 170 ]

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Il a déjà été dit à Roméo31 que les spécialistes ne sont pas infaillibles. Ou tout au moins Internet permet désormais de faire des recherches multilingues et d'accéder à toutes sortes de documents et de déconstruire certains raisonnements (lus dans les dicos). Le fil sur "La nuit  tous les chats sont gris" est instructif de ce point de vue (pour ceux qui auraient le courage de le relire).

Je n'ai pas relu celui-ci mais il y a fort à parier que prétendre trouver l'origine de l'expression sans paser par les bibliothèques des humanistes est un peu vain.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

éponymie a écrit:

Je n'ai pas relu celui-ci

je ne suis pas le seul, la source de Roméo31 est celle de Piotr en tout début de discussion.

53

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Il faudrait vous renseigner sur la nature et l'importance des travaux effectués ou dirigés  par Alain REY en ce qui concerne l'histoire de la française...

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Roméo31, il faudrait vous renseigner sur la difficulté de faire des travaux quant à l'origine des mots et de certaines expressions... dans ce sens, énormément d'étymologistes se sont trompés, même les plus grands spécialistes et énormément continueront de se tromper. Alain Rey, que j'adore, n'est pas Dieu et n'est pas infaillible, d'ailleurs, personne ne l'est en linguistique et encore moins en diachronie lorsqu'il s'agit de retrouver les origines de mots ou d'expressions.
Le plus grand spécialiste de l'étymologie espagnole par exemple (Joan Corominas) s'est trompé à de multiples reprises sur l'origine de plusieurs mots, cela n'enlève en rien qu'il est LE plus grand étymologiste espagnol.
Alain Rey a beau être un spécialiste et une vraie pointure qu'il faut écouter et lire, il n'en reste pas moins qu'il a dû se tromper à de multiples reprises tout au long de sa vie... c'est évident et cela touche TOUS les scientifiques.

Donc, arrêtez de prendre ces gens pour des personnes qui ne peuvent se tromper... eux-mêmes vous le reprocheraient...

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

oliglesias a écrit:

Donc, arrêtez de prendre ces gens pour des personnes qui ne peuvent se tromper... eux-mêmes vous le reprocheraient...

passion et humilité à la fois (parce que la passion sans un minimum d'humilité, c'est terrible), c'est le plus grand compliment que l'on puisse leur faire.

56

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

oliglesias,

Je sais tout cela, vous ne m'apprenez rien dans ce domaine !

57 Dernière modification par éponymie (20-11-2014 15:13:57)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je suis allé chercher ce que je ne savais pas, histoire d'en savoir un peu plus. Si vous me dites que vous le saviez, je ne vous croirai pas.

Allons donc au XVIIe siècle et voici ce que dit  Furetière dans son article fouetter :

On dit proverbialement , ll n'y a pas de quoi fouetter un chat, pour dire, qu'une faute ou une accusation font légères.
Dictionnaire universel français et latin, Antoine Furetière, 1690, page 896

Remarquons que dans la réédition de 1720, le page concurrence le chat dans l'expression :

On dit proverbialement , ll n'y a pas de quoi fouetter un chat , de quoi fouetter un Page ; pour dire, qu'une faute ou une accusation font légères.
Dictionnaire universel français et latin, Antoine Furetière, 1720, page 1956

Remontons plus haut en 1605 :

[ …] et moi qui suis à tout faire comme la chambriere d'un Ministre, mn'avez posturé à vostre Noble fantaisie, et sollicitez tellement mon esprit après vos affaires , que depuis que ie suis à vous , je n'ai dormi une heure de sens rassis : car il n'y a pas qu'un chat à Fouëtter en France; et maitre Guilklaume deça, et maitre Guillaume de là, et maitre Guillaume de long et maitre Guillaume de travers.
La réponse de maitre Guillaume faite au soldat français : faite en la présence du Roy le huitième septembre 1604

Curieux document dans lequel je ne vois pas d'allusion sexuelle liée à notre expression.

Ce Guillaume marchand dit maitre Guillaume est un personnage historique, bouffon et aphoticaire d'Henri IV et Louis XIII. Il pourrait ne pas être l'auteur du texte cité qui pourrait être un libelle politique rédigé sous son nom (le pdf en lien n'en parle pas même s'il cite des textes au titre approchant ou lié).

Qu'importe, nous sommes déjà au tout début du XVIIe siècle, un chat, du fouet, mais pas de sexe. Désolé sad Voici donc votre théorie largement battue en brèche, tout au moins bien ébranlée. Et il n'aura fallu  pour ça que deux coups de google.

De 1605 également, ce “plus éveillé qu'un chat qu'on fouette”. Ce sera de là, entre autres, que le Dictionnaire des Expressions et Locutions d'Alain REY et Sophie CHANTREAU, cité par Piotr au message 2, tire l'expression.
Et il s'agit bien d'un  texte galant mais l'expression me semble bien s'appliquer au monsieur. Et Antoine Oudin en 1640 dans ses Curiosités françoises, pour servir de complément aux dictionnaires, ou recueil de plusieurs belles propriétés, avec une infinité de proverbes et de quolibets pour l'explication de toutes sortes de livres l'explique ainsi :

Fort fin, fort rusé, qui prend bien garde à ses affaires (vulgaire)

Son père César Oudin avait écrit (seulement traduit ?) un recueil de sentences et proverbes castillans. Et qu'y trouve-t-on ?

L'on fouette le chat, si notre maitresse ne file

traduction littérale de ce qui correspondait au dicton français “Tel en patit qui n'en peut mais” (c'est ceux qu'ont rien fait qui trinquent).

Encore un chat fouetté et pas de sexe (avec un esprit mal tourné on pourrait en trouver mais bon...)

Et on se retrouve au XVIe siècle, avec un chat fouetté, un dicton/sentence/proverbe. L'humanisme n'est pas loin,  je ne serais pas surpris que l'on retombe sur Érasme et par lui sur quelque auteur antique.

Que ponctuellement, dans quelque pays, une connotation sexuelle ait été collée à ce pauvre chat fouetté, c'est fort possible. Je suis tout prêt à parier qu'elle vient de bien plus loin et a vécu maintes aventures avant de prendre ce sens.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Roméo31 a écrit:

oliglesias,

Je sais tout cela, vous ne m'apprenez rien dans ce domaine !

Et bien très bien alors ! Si je ne vous apprends rien, c'est probablement que vous en savez plus que moi, alors...

Mais personnellement, si je sais que l'étymologie est un domaine extrêmement compliqué et que les spécialistes, régulièrement, se trompent, j'évite d'asséner un "l'hypothèse la plus probable est" et je dirais plutôt "l'hypothèse qui me semble la plus probable est", mais là, ça n'engage que moi et c'est peut-être du chipotage...

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Tiens, je viens de lire qu'en espagnol on frit des poissons plutôt que de fouetter des chats... je ne la connaissais pas.
Et du coup, la citation d'éponymie du travail de traduction d'Oudin est d'autant plus intéressante.
Pour ma part, je trouve l'hypothèse d'Alain Rey tout à fait envisageable puisqu'elle montre bien que l'on a d'autres choses à faire (même si c'est de manière assez vulgaire à la base). On pourrait même penser que plutôt qu'une déformation/confusion ou je ne sais quoi entre foutre et fouetter (ou fouiller selon vos dires), on ait pu avoir tout simplement une déformation euphémique: pour éviter de dire "foutre" on dirait "fouetter" comme on dit "pardi" ou "palsembleu" pour éviter de prononcer le mot "Dieu" (à ce sujet, on peut lire le travail de Benveniste sur la blasphémie et l'euphémie qu'on peut trouver en ligne).

Malgré tout, le fait que l'expression "fouetter un chat" puisse se retrouver en castillan avant le XVIIème siècle pourrait plutôt nous faire croire que ça n'a rien de sexuel (en espagnol, le chat ou la chatte n'a pas de connotation sexuelle)...

60 Dernière modification par oliglesias (20-11-2014 11:50:47)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je continue...

Dans un travail de Françoise Cazal de l'Université de Toulouse le Mirail, spécialiste du siècle d'Or espagnol, des proverbes, etc., j'ai trouvé ça (ici):

http://img15.hostingpics.net/pics/990687Capture.png

Je traduis la partie intéressante:

"On remarque que le chat concentre en lui les fautes de tout l'univers domestique et il sert de paratonnerre aux manifestations de l'agressivité domestique..."

"Fouetter un chat" viendrait donc de là: on fouette un chat pour ne pas battre sa femme, ou enfant, etc.
Sont sympas ces espagnols...
On aurait ici une hypothèse tout aussi crédible que celle d'Alain Rey à mon sens (puisqu'elle s'appuie également sur d'autres proverbes ayant ce sens), reste à savoir si en France aussi on fouettait les chats pour cela...

Mais du coup, dans l'expression "il n'y a pas de quoi fouetter un chat" on retrouve la même idée. En effet, l'expression espagnole montre qu'on s'en prend à quelqu'un de faible pour éviter de s'en prendre à quelqu'un d'autre. Dire qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat montre donc bien que la faute n'est tellement pas grave qu'il n'y a même pas de quoi fouetter un chat et encore moins, celui qui a fauté...

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Ce chat fouetté serait un chat-émissaire.

oliglesias a écrit:

En effet, l'expression espagnole montre qu'on s'en prend à quelqu'un de faible pour éviter de s'en prendre à quelqu'un d'autre. Dire qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat montre donc bien que la faute n'est tellement pas grave qu'il n'y a même pas de quoi fouetter un chat et encore moins, celui qui a fauté...

En relisant le texte de maitre Guillaume - il n'y a qu'un chat à fouetter - il me semble que c'est bien l'idée qui ressort, il se pose en victime choisie pour un poste que tout le monde refusait se retrouvant exploitable et corvéable à merci et devant résoudre tous les sacs de noeuds de son roi qui de plus n'est pas toujours content.

Le problème avec les proverbes et sentences à cette époque, c'est qu'il circulent, sont compilés et traduits dans tous les sens un peu partout en Europe, nous ne savons pas d'où vient le dicton traduit littéralement par Oudin père de l'espagnol, par quelles tribulations il est passé.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Toujours en espagnol et de la même époque, un idée quelque peu différente, avec un chien (nous avons vu plus haut dans le fil, « fouetter un chien »)

Les chauffeurs ou les maitres qui gouvernent les lions, fouettèrent un chien devant un jeune lionceau afin de l'apaiser, car il vaut bien mieux adoucir un si généreux animal bien que de l'autre côté on en irrite un si vil comme est le chien. Ainsi, c'est donc une chose commune de fouetter un chien pour apaiser un lion.

Sermons et saints exercices très-doctes et éloquents sur toutes les évangiles du saint Caresme, divisez en deux tomes composés en espagnol par le R. P. F. Pierre de Valderama de l'Ordre Saint Augustin.traduits en françois par G. Chapuys, secrétaire et interprète du roi, 1610

Et regardez comment l'idée est reprise plus tard, en 1644, associée à notre « fouetter un page » que nous avons vu recensé en 1720 comme équivalent de « fouetter un chat »

Cela s'appelle en bon français [sic], battre le chien devant le lion : n'avez-vous jamais vu devant quelque jeune prince fouetter un page (quoiqu'il n'eu point offensé) pour donner exemple à son maitre

Pièces curieuses, en suite de celles du sieur de S. Germain, contenant plusieurs pièces pour la défense de la reyne mère du roy Tres-Chrestien Louys XIII

L'auteur semble se référer à un favori de grand seigneur (Gaston d'orléans, frère de Louis XIII je suppose) a qui on aurait joué un mauvais tour pour avertir son maitre.

Là aussi, rien de sexuel (le lien avec les sermons de carême me semble plus que direct). Autres pièces à ajouter au dossier.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

éponymie a écrit:

Cela s'appelle en bon français [sic], battre le chien devant le lion : n'avez-vous jamais vu devant quelque jeune prince fouetter un page (quoiqu'il n'eu point offensé) pour donner exemple à son maitre

Ça me rappelle le triste sort des menins : On donne le fouet au menin quand M. le Dauphin a fait une sottise (Chateaubr.,Mém.,t. 3, 1848, p. 518)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Quel soulagement pour eux quand on décidait qu'il n'y avait pas de quoi les fouetter.

65 Dernière modification par éponymie (20-11-2014 22:10:06)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Une date certaine pour battre le chien devant le lion et c'est en français pas en espagnol, dans notre Gargantua en 1534.

Rabelais dans son chapitre XI nous le livre au milieu de toute une série d'autres dictons et proverbes : http://books.google.fr/books?id=8lAzAQA … mp;f=false.

Si ce n'est pas tiré d'un des recueils d'adages et proverbes en circulation à l'époque... la version latine serait Canem caedere coram leone.

Je ne veux pas chercher plus avant dans cette direction pour ne pas perdre le chat de vue. Quand est-il apparu ce minou et quand a-t-il croisé les chiens et les pages ?

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Et si nous nous nous trompions de chat ?
Nous avons le chat, félin domestique, et le chas, trou de l'aiguille devenu par métaphore sexe féminin.
Nous avions oublié celui-ci :

CHAS2, subst. masc.
TECHNOL. ,,Pâte formée par le grain qu'on fait amollir dans l'eau pour séparer l'amidon du gluten. Il se dit aussi d'une colle d'amidon dont on se sert dans certains tissages [pour enduire les fils de la chaîne afin de les rendre plus résistants et les faire glisser plus facilement]`` (Ac.).

J'interroge la dive bouteille dont le doux glouglou me communique la recette moderne de la colle de pâte.
Il s'agit de mélanger de la farine et de l'eau (on en mangerait...). Deux phases ont attiré mon attention :

Une fois que l'eau bout, ajoutez le mélange précédemment obtenu à l'eau bouillie. Remuez bien, en laissant la casserole sur le feu.

Mélanger sans cesse. En ébullition, ce mélange va mousser donc continuez de mélanger pour ne pas qu'il déborde. Laissez-le bouillir 2 minutes.

Mélanger, remuer, bref : fouetter.
Il s'agirait au départ de la fabrication de la colle.

Et si ce n'est pas ça, c'est autre chose...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Moi, ce qui m'interpelle c'est qu'on trouve bien le chat, l'animal, dans ce même type d'expressions, dans d'autres langues ce qui d'après moi, devrait bien nous faire penser qu'il s'agit de l'animal et pas d'un homonyme.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je ne vous dis pas le contraire, j'essaie de recueillir de l'eau dans mon tamis, comme le font tous les doctes explicateurs d'expressions, bref, de soumettre des éléments de réflexion.

Dans le texte versé au dossier par éponymie, on lit :

je n'ai dormi une heure de sens rassis : car il n'y a pas qu'un chat à Fouëtter en France;

Le contexte indique bien qu'il ne s'agit pas de souligner le caractère anodin d'une infraction, mais de se dire surchargé de travail.
N'y aurait-il pas croisement entre le chat que l'Europe entière fouette et la fabrication de la colle de pâte, besogne certainement pénible et très astreignante ?
Bref, je fais comme les autres, je laisse mon imagination dériver...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

69 Dernière modification par glop (22-11-2014 10:02:24)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je laisse aussi mon imagination dériver et mes souvenirs resurgir.

Je me souviens d’avoir joué pour la première fois au tennis avec la raquette que mon père avait achetée dans sa jeunesse; le tamis de cette raquette était composé de boyaux de chat.
Le catgut avait de multiples fonctions en ce temps là; quant aux peaux de chat destinées à la fourrure, elle provenaient de chats dûment martyrisés avant exécution (qualité du poil oblige).
Je ne suis pas sûr que les expressions "j’ai d’autre chats à fouetter" et "il n’y a pas de quoi fouetter un chat" soient puisées à la même source.
L’expression "j’ai d’autre chats à fouetter" se veut méprisante et expéditive alors que "il n’y a pas de quoi fouetter un chat" est empreinte d’indulgence.
De part et d’autres nous sommes en présence d’un interlocuteur qui ne fouette aucun des chats présents, mais le premier se fait fort d’en fouetter bien d’autres, ce qui n’est pas le cas du second.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

70 Dernière modification par éponymie (21-11-2014 22:46:03)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Une précision de date, c'est au moins à partir de l'édition de 1609 que César Oudin a introduit son proverbe. Cf. http://resdiachronicae.files.wordpress. … o_luis.pdf.

Je l'avais déjà croisé dans l'autre fil sur les chats (on y avait parlé entre bien d'autres choses de Don Quichotte).

71 Dernière modification par éponymie (23-11-2014 23:35:24)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je n'ai pas trouvé le chat fouetté mais le page, si.

Ça date de 1555 et c'est le charmant petit conte d'un mari jaloux que sa femme fouette (ça commence à la page 198,  conte 48), il me semble qu'il s'agit bien ici de l'expression fouetter un page (accoutrement étant à entendre comme position)

Ainsi l'accord fait, d'un cœur bien gai la mène en la chambre ou se dépouille tout nu, prêt à recevoir les coups de fouet [ … ] les voisins et voisines du procureur accoururent incontinent au secours estimant le feu être au logis du procureur, toutefois (tout étonnés du nouveau spectacle) le trouvèrent dans l'accoutrement d'un page qu'on fouette à belle escourgées.

(page 202)

Féministe bien avant l'heure.

Et voici l'édition de 1877 – reproduisant une édition de 1547 – des fables (apologues) d' Ésope,  un truc sur le chien battu (et fouetté) sans raison,  c'est la numéro 100 (d'une truie et d'un chien)

[ … la truie] je ne sais en ce monde
plus fol que toi, ni qui plus se dévoie
d'entendement, entendu qu'on t'envoie
chasser aux champs pour venaison
mais s'il advient que ton pied se fourvoie
aucunement, on te bat sans raison

[ … le chien]

ce que jamais pour vrai n'eusse compris
qui ne m'eut bien battu et fouetté

Bref, rien de plus normal et banal que de battre pages et chiens (depuis l'Antiquité pour ces derniers).

Voilà pour mon tamis, ça vaut bien la colle de P'tit prof smile, je dirais même que c'est plus plaisant.

Ce qui est agaçant dans cette histoire c'est que Furetière semble bien être le premier à attester de la forme proverbiale “Il n'y a pas de quoi fouetter un chat”, en 1690 donc (et plus que probablement antérieur à 1688 année de la mort de Furetière).

Et la première apparition très approchante dans un texte, c'est dans une comédie en 3 actes,  de 1687 créée au Italiens le 26 décembre de la même année “La cause des femmes, ou le Célibataire” de Jacques de Losme de Monchesnay (1666-1740).

[ … ] nous ne trouverions pas de notre charge de quoi faire fouetter un chat

Une précision pour comprendre le sous-titre scènes françaises

Des 55 pièces qui composent les six volumes de ce recueil dans l'édition finale de 1700, le compilateur, Evaristo Gherardi, n'a pourtant retenu que les «scènes françaises», c'est-à-dire celles qui avaient été entièrement rédigées par un auteur à gage. Les scènes italiennes, que les acteurs improvisaient à partir de leur carnet de scène personnel (le zibaldone), sont parfois résumées, ou simplement signalées, voire passées sous silence.

(Spectacle du Grand Siècle, le théâtre italien copyright 2007, Guy Spielmann)

Maigre récolte décidément, si l'expression était si courante on devrait avoir un tout petit peu plus de traces sur Google Livres. Ou alors c'est qu'elle aurait été perçue comme trop vulgaire pour entrer dans un texte imprimé ? Pas convaincant.

P.S. : j'ai trouvé une traduction en breton datant de 1732 ""Ne deus qet eno peadra da fouëta ur c'haz"" smile

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Un gros progrès : il semblerait que ce soit dans les mémoires de Louis de Pontis (1578-1670) que l'on rencontre pour la première fois “pas de quoi faire fouetter un page”. C'est Pierre Thomas du Fossé qui les rédigera et les fera paraitre en 1676.

Voyez-vous, monsieur, dans tout ce dont je me sens coupable, il n'y a pas de quoi faire fouetter un page.

Il attribue la phrase au maréchal de Marillac décapité en 1632,  juste avant le moment où on lui annonce sa condamnation.

Pontis était chargé de sa garde, si sa mémoire ne flanchait pas au moment où il racontait ses souvenirs, ce serait la plus ancienne attestation de l'usage de l'expression.

Ces mémoires ont été imprimées plusieurs fois et pourraient avoir fait la fortune de l'expression, la proverbialisant sous cette forme, je suis tombé sur un texte de 1746 qui y fait référence ainsi :

[ … ] car il fut décapité, quoiqu'il' n'y eût pas dans tout ce qu'on lui reprochoit, comme dit Pontis, dequoi faire fouetter un Page.

Et les bavards des élites parisiennes auraient eu une dizaine d'annèes devant eux pour mélanger  allègrement pages et chats fournissant matière à Furetière.

Et si ce n'est pas ça, c'est autre chose mais ça colle plus que certaine colle lol

73 Dernière modification par éponymie (24-11-2014 09:17:11)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Donc, je récapitule : nous avons des expressions - lexicalisées ou non  - avec des pages et des chats fouettés dès le XVIe siècle (première attestation trouvée, en 1555 pour les pages, 1605 pour les chats).

Avec un proverbe espagnol parlant d'une chatte fouettée datant au moins du XVIe dont nous trouvons un équivalent français dans Rabelais (le chien et le lion).

Concernant, "Il n'y a pas de quoi (faire) fouetter", nous avons 1632 (publié en 1676) pour les pages et 1687 pour les chats.

Il faudrait aussi examiner le cas de "avoir d'autres chats à fouetter". Pour le premier, je me contente de ce que j'ai trouvé et persiste à ne pas y voir d'allusion sexuelle.

74 Dernière modification par glop (24-11-2014 01:02:07)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Nous faut-il absolument savoir si le malotru prétend avoir d'autres chats à fouetter ou d'autres chats à foutre ?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

J'sais pas, ça vous intéresse de savoir que la plus ancienne attestation que j'ai trouvée se trouve dans les Mémoires de René Louis de Voyer de Paulmy d'Argenson (1694-1757) publiées un siècle après sa mort ?

Il a bien d'autres objets en tête, d'autres chats à fouetter, et parlera d'autre chose avec non moins d'assurance, et aussi sans plus de certitude absolue.

(Mémoires du marquis d'Argenson, p. 399)

Un doute cependant : était-elle vraiment dans les notes éparses du marquis car le texte est en italique dans l'édition de 1858 ?

Il faudrait réussir à trouver l'expression prototype (et on vous laissera interpréter glop),

regina (message 27) a écrit:

Dans la série avoir d'autres chats ou chiens à... les variantes étaient nombreuses:

- avoir d'autres chats ( chattes, tigres, chiens ) à fouetter, peigner,peloter,   
tondre ( chien), étriller ( chien) , forger ( chien) , fesser...

ces variantes (pour les chats, les chattes et les chiens) se concentrent au XIXe siècle, pas de traces dans les documents écrits du XVIIIe (et encore moins du XVIIe). L'unicum est le passage des mémoires du marquis sinon "avoir d'autres chats à fouetter" est dans un dico de 1808.

Il va donc falloir explorer Gallica, c'est jamais de la tarte avec plusieurs mots.

76 Dernière modification par Abel Boyer (24-11-2014 11:11:44)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Voici, mais dans un sens énigmatique, "il n'y a qu'un chat à fouëtter" en 1605.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Eponymie, le travail de lexicographe, c'est CA !

Avec tous mes compliments...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

C'est le maitre Guillaume rencontré au message 57. Et la date de 1605 est justement celle dont je parle au message 73 (que j'ai d'ailleurs écrit en pensant à vous, je m'attendais à ce que vous demandiez quelque chose de la sorte comme vous le fites dans la discussion sur poule/pool/polla) : évidemment si un message récapitule, c'est pour permettre de relire avec les idées plus claires le fouillis précédent.

Le sens me parait assez clair, comme il s'agit seulement de la deuxième page du texte, vous pouvez relire depuis le début. J'ai déjà donné mon interprétation (qui n'est certes que la mienne) dans deux messages.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

P'tit prof a écrit:

Avec tous mes compliments...

Z'êtes sérieux ? Ce genre de choses m'amuse mais même si Internet est une révolution qui permet à des types comme moi de farfouiller partout, j'imagine qu'il faut de la méthode, des outils plus traditionnels, des catalogues, des index, des connaissances et des compétences de toutes sortes que je n'ai pas (paléographie,grec, latin, etc.). Les manuscrits sont difficilement exploitables sur la toile. Bref, je ne suis pas un Alain Rey, même en herbe. La critique (trouver ou hypothéser l'erreur) est facile mais...

Mais bon, je continuerai les recherches pour le plaisir. Ne me faites plus de compliments s'il vous plait, je m'y attendais tellement peu que je suis tout confus. Je préfère que l'on discute et se tape dessus : j'aime bien me disputer avec vous (greg vous dit naguère quelque chose d'analogue), cela ne m'empêche pas de vous apprécier pour les interventions fort pertinentes que vous faites quand l'envie vous en prend. Merci quoi qu'il en soit.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

éponymie a écrit:

C'est le maitre Guillaume rencontré au message 57.

Absolument, désolé.

81 Dernière modification par éponymie (25-11-2014 08:22:29)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Je n'ai rien trouvé pour « Avoir d'autres chats à fouetter » entre 1750 et 1800 mais la recherche m'a permis de faire une ultérieure constatation : fouetter un chat, c'est une métaphore pour la moindre des peines judiciaires que l'on puisse infliger. Première occurrence en 1619 et chaque fois que je suis retombé sur « pas de quoi fouetter un chat », dans les deux tiers des cas, il s'agit d'un contexte judiciaire. C'était déjà le cas pour ce pauvre maréchal de Marillac (emploi de page au lieu de chat)

Le franc Archer de la vraie église, 1619

C'est bien la vérité que leur juridiction est sans pouvoir et qu'ils ne sauraient fouetter un chat en l'église

Pour dire qu'ils ne pouvaient rien faire.

Histoire véritable de la vie errante et de la mort subite d'un chanoine qui vit encore, 1784

[ … ] j'ai vu clair comme la lune que partout mes juges étaient prévenus par des délations clandestines [ … ] je ne pouvais obtenir seulement d'être entendu pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de quoi fouetter un chat

Essai sur la vie et les geste d'Ariste, 1789

« Dans ces dépositions » ai-je entendu dire à un magistrat du parlement « il n'y avait pas de quoi fouetter un chat »

Il y a lieu à accusation contre le duc d'Orléans et le comte de Mirabeau, 1790

Tel est le résultat des faits contenus dans l'information; telle est la masse des charges accumulèes sur la tête du duc d'Orléans et du comte de Mirabeau; et l'on ose dire qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat !

Extrait du registre des délibérations générales de la section de Henri IV, 1792

[ … ] ils ne seraient pas grandement coupables, la loi conservant toujours la liberté du culte; il n'y a donc pas dans cette affaire de  quoi fouetter un chat

L'expression semble donc assez longtemps avoir été cantonnée - relativement, voir la pièce de 1687 - au domaine légal et aux tribunaux. Je constate également que je ne trouve rien sur Gallica entre 1580 et 1725 (à part Furetière).

Le dictionnaire comique, satirique, critique,burlesque et proverbial de 1735 confirme l'intuition de départ :

Pour dire, il n'y a pas matière d'imposer la moindre peine

Une  pièce en 3 actes de 1731, Roger de Sicile, l'emploie dans un autre cadre.

Donc c'est vers la fin du XVIIIe siècle que le chat semble bien supplanter le page qui n'apparait plus que dans quelques dicos après 1750.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

« D'autres chats à fouetter » apparaît pour la première fois dans le tome premier du dictionnaire du bas-langage, ou, des manières de parler usitées parmi le peuple  (ouvrage dans lequel on a réuni les expressions proverbiales, figurées et triviales, les sobriquets, termes ironiques et facétieux, les barbarismes, solécismes et généralement les locutions basses et vicieuses que l'on doit rejeter de la bonne conversation, 1808)

J'ai bien d'autres chats à fouetter. Pour, J'ai bien d'autres affaires qui m'occupent, pour m'inquiéter de cela.

Il y a également « Il n'y a pas de quoi fouetter un chat » mais il me semble bien que cette expression n'est pas à ranger dans le bas-langage - ou tout au moins qu'elle n'en tire pas son origine – et que l'association avec l'autre expression est quelque peu abusive.

Il va maintenant être intéressant de tenter de retrouver les chattes et les chiens, les peloter et peigner  déjà relevés par regina.

83 Dernière modification par éponymie (26-11-2014 10:02:37)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Une surprise : les chiens ont précédé les chats et ils étaient à étriller. Il s'agit d'une correspondance privée d'Alexis Piron qui devait être publiée en 1744 et ne le fut finalement qu'en 1825.

Pour la Nué Mergé, elle a bien d'autres chiens à étriller que vos vers

Lettres de Piron à M. l'Abbé Legendre, prieur de Saint-Ouen, chapitre III, 1826

J'ai tenté d'en savoir un peu plus sur cet abbé François Legendre, c'était l'ami intime e Piron et le frère de la femme de lettres, pastelliste et salonnière Marie-Anne Legendre (madame Doublet, 1677-1771)

https://archive.org/stream/unprotgdebac … h/legendre
http://www.pastellists.com/Genealogies/LeGendreA.pdf

Mais dans les écrits destinés à la publication (recherche dans GL), les chats  ont la primeur dans l'expression – qui ne commence à vraiment faire florès qu' à partir des années 1830 - de 1808 à 1837 (où apparaissent des lièvres à courir), il n'y en a que pour eux et ils ne sont qu'à fouetter jusqu'en 1831. Influence de "il n'y a pas de quoi fouetter un chat" perçu comme relevat d'un langage relativement correct, contrairement à ce que disait le dico de 1808 ?

Ce qui me console_un peu, c'est que l'auteur n'en lira pas une ligne, ayant actuellement bien d'autres chats à peigner

Lettres d'Espagne, Prosper Mérimée, 1831

les deux frères du roi ont d'autres lièvres à courir et ne penseront pas à ce qui se passe en Touraine

L'excommunié, Balzac, 1838

Ce roman, commencé par Balzac vers 1824 a été terminé par un autre et ne fut publié qu'en 1837.

Laisse donc tes chats, j'ai bien d'autres chattes à fouetter, comme on dit.

Marie et Juliette ou simplicité et modestie, 1838

Nous avons d'autres lièvres à fouetter et d'autres chats à courir.

Les Cent et un Robert Macaire composés et dessinés par Honoré Daumier, 1839

Donc une construction datant au moins de la première moitié du XVIIIe siècle mais, probablement parce que perçue comme triviale, qui apparait dans les écrits grand public seulement à partir du deuxième quart du XIXe siècle. Il faut tomber sur des publications tardives d'écrits privés pour la débusquer.

Et ce sont les chiens qui tiennent la corde pour le moment, suivent les chats puis les lièvres. Devant cette ménagerie, je ne vois toujours pas pourquoi il faudrait trouver une allusion graveleuse à nos chats fouettés.

84 Dernière modification par éponymie (26-11-2014 10:03:01)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

éponymie a écrit:

Devant cette ménagerie, je ne vois toujours pas pourquoi il faudrait trouver une allusion graveleuse à nos chats fouettés.

Voilà le bestiaire dans un ordre tout provisoire d'apparition dans google livres, évidemment il faut que le nom soit pris dans un sens figuré pour se voir retenu.

Je n'ai pas (encore) fait l'inventaire de tous les verbes pour les chiens, les chats et les lièvres (je ne suis pas allé plus loin que 1840 pour eux).

D'autres chiens à étriller (avant 1744)
D'autres couleuvres à dévorer/avaler (1801/1989)
D'autres chats à fouetter/peigner /(1808/1831)
D'autres lièvres à courir (1838)
D'autres chèvres à garder/fouetter/traire/tondre (1841/1969/1987/1993)
D'autres pigeons à plumer (1875)
D'autres tigres à peigner/fustiger/débusquer/fouetter (1883/1908/1972/1976)
D'autres lions à peigner/fouetter (1883/2007)
D'autres loups à courir/fouetter (1964/2008)
D'autres cochons à saigner/gratter (1970/2004)
D'autres poux à écrabouiller (1970)
D'autres poules à plumer (1983)
D'autres canards à fouetter (2000)
D'autres puces à gratter (2004)
D'autres dindes à plumer (2006)
D'autres girafes à peigner (2006)
D'autres oies à plumer (2010)
D'autres porcs à fouetter (2010)
D'autres lapins à sortir de son chapeau (2011)

Pas de moineaux, chevaux, moutons, grives, faisans, cerfs, biches, chouettes, pintades, grues, teignes, pies, lézards, vipères, mouches, guèpes. Et je suis à court d'imagination.

Et que vois-je en enquêtant sur les vaches ? Les voilà au XVIe siècle sous la plume de Pierre de Bourdeilles, seigneur de Brantôme (1540-1614), déjà croisé dans ce fil et celui sur les chats gris.

J'ai d'autres vaches à garder et d'autres brebis à tondre.

Mais attention, il ne s'agit que d'une traduction parce que c'est de l'espagnol :

otras vacas tengo a guardar, y otras ovejas a trasquilar

Dites quelque chose oliglesias. Et ces vaches et brebis se retrouvent évidemment traduites dans les éditions des XVIIe, XVIIIe et XIXe. La plus ancienne que j'aie trouvé pour le moment date de 1740 et vaches et brebis s'annoncent donc déjà comme de sérieux concurrents pour nos chiens. Quel suspens.

85 Dernière modification par oliglesias (25-11-2014 13:13:35)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Que voulez-vous que je dise au juste ? smile

J'ai trouvé cette expression (mais dans un autre ordre) en 1521 dans une oeuvre anonyme:

La Comedia Serafina a écrit:

¿Tengo aquí otras ovejas que trasquilar ni otras vacas que guardar?

Lu ici.

En revanche, il ne semble pas que cette expression ait été très répandue...

86 Dernière modification par glop (25-11-2014 13:47:13)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

L'expression "j'ai d'autres brebis à garder ou conduire ou amener)" est elle aussi très ancienne.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

87 Dernière modification par éponymie (25-11-2014 13:57:57)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Pourquoi avez-vous effacé votre girafe ? Elle tombait à pic (et je l'ai intégrée dans la liste d'ailleurs : un exemple en 2006). Quant à la brebis, nous venons de voir qu'elle vient de loin effectivement, quand elle est tondue. Quelle est votre date pour garder ?

glop a écrit:

Moi, je préfère peigner la girafe.

Et la girafe comme le lapin qui sort du chapeau nous montrent de manière éclatante que toute expression figurée (ou non ?), figée ou non, répertoriée dans les dicos ou non, avec un nom d'animal est susceptible d'être reprise dans la locution fourre-tout "avoir d'autres [nom d'animal] à [verbe]". C'est bien ce qui s'est passé pour les chats fouettés que l'on voit d'abord avec ce verbe.

Donc c'est bien "Il n'y a pas de quoi fouetter un chat" avec d'autres expressions parentes (celles de maitre Guillaume, du texte de 1619, ...) qui a tout naturellement fini par engendrer "J'ai d'autres chats à fouetter". Et comme cette dernière est assez ancienne, elle s'est suffisamment lexicalisée pour qu'il prenne fantaisie aux locuteurs de changer le verbe sans qu'il y ait à la clé une expression originelle correspondante.

Le page s'est perdu dans cette histoire, le seul à ne pas faire partie du règne animal. M'enfin bon, c'est qu'il est aussi sorti de l'Histoire.

Bref, s'il y a du sexe dans "J'ai d'autres chats à fouetter", ce n'est probablement pas le sens d'origine qui ne faisait que reprendre celui d'une des expressions qui l'a engendré. Et je persiste à douter que sexe il y ait jamais eu (au vu des premières explications dans les dicos pour "J'ai d'autres chats à fouetter").

Je crois qu'en ce qui concerne la première question, j'ai finalement apporté une réponse. Je continuerais peut-être par curiosité le tour de la ménagerie.

Z'avez pas d'autres expressions avec des bêtes glop ?

88

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Des variantes ont pu exister en parallèle. Venant de la région parisienne, où on dit ironiquement que les oies sont perchées quand quelqu'un est sur une échelle ou sur n'importe quel endroit en hauteur, j'ai appris récemment qu'en Anjou on dit : les dindons sont perchés.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

89 Dernière modification par glop (25-11-2014 19:26:40)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Bernique!


Ce sujet (avoir d’autres chats à fouetter) me fait penser malgré moi au "tueur affamé" de Francis Lemarque.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

oliglesias a écrit:

En revanche, il ne semble pas que cette expression ait été très répandue...

Ce n'est pas surprenant, vu tous les proverbes qui se brassaient chez vous à l'époque http://www.languefrancaise.net/forum/vi … 417#p99417), certains ont dus rapidement tomber dans les oubliettes.

Est-ce une traduction littérale de ce proverbe en français au XVIIe siècle qui aurait généré notre expression ? Pas insensé mais hasardeux et plus que probablement invérifiable.

91

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Les verbes fouetter et castrer peuvent parfois être assez proches ; en ce qui concerne les béliers tout au moins.
http://books.google.fr/books?id=jHtBAAA … mp;f=false
Mais je ne crois pas que ce soit le cas en parlant des chats.
Il me semble qu’au moyen-âge  le fouet était un châtiment réservé aux voleurs. A cette époque, on appréciait les chats parce qu’ils détruisaient les rongeurs, mais on les chassait de la maison sans ménagement lorsque l’envie de chaparder les prenait.
Il faudrait s’adresser à un collectionneur de fouet pour savoir si les fouets à chat ont existé.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

glop a écrit:

A cette époque, on appréciait les chats parce qu’ils détruisaient les rongeurs, mais on les chassait de la maison sans ménagement lorsque l’envie de chaparder les prenait.
Il faudrait s’adresser à un collectionneur de fouet pour savoir si les fouets à chat ont existé.

Pas besoin de remonter si loin, mes grands parents espagnols agriculteurs dans un petit village au fin fond de la Castille avaient toujours eu des dizaines de chats justement pour chasser les rongeurs et je les ai toujours vus les chasser de la maison sans ménagement comme vous le dites dès qu'ils entraient et s'approchaient de la nourriture... En revanche, je ne les ai jamais vus user de fouets... ce qui aurait pu nous aider.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Au cours de mes recherches j'ai pu voir en passant qu'on maniait très, très facilement le fouet au XVIe et XVIIe, dans le cadre familial comme dans celui de peines infligées par un grand seigneur ou des tribunaux. Tout le monde devait avoir un fouet chez soi (et si ça servait pour un homme, ça faisait bien l'affaire pour un chat) ou quelque chose en faisant office (un balai neuf dans le petit conte du message 71).

Et puis d'ailleurs, dans mon enfance, il y avait un martinet à la maison. Cela semble une toute autre époque.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

glop a écrit:

Il faudrait s’adresser à un collectionneur de fouet pour savoir si les fouets à chat ont existé.

En tout cas, le chat à neuf queues est  ... un fouet !

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Oui, deux personnes en ont parlé à la page 2.

Il s'agit toujours d'avoir plus important à faire et c'est une construction qui parasite des expressions courante, leur donnant quasi-sytématiquement un sens figuré, si elle ne l'avaient déjà. Quand est-elle apparue ?

Revoyons dans cette page 2, trois expressions sans animaux :

  • "d'autres gerbes à lier", là je suis content parce  que le dico du patois du Bas-Limousin de 1823 le donne comme une expression bien de chez moi "A-i be d'a-outras gerbas a lia" et on le rencontre en français dans une pièce de 1798, Cadet Roussel misanthrope et Manon repentante.

  • "d'autres pois à lier", apparait en 1822, dans une traduction du Rob-Roy de Walter Scott smile

  • "d'autres fusées à démêler", et là Regina avait touché le pompon, c'est la plus ancienne construction du genre en français.

On trouve cette dernière, dès la toute fin du XVIe siècle, en 1600 pour être précis (tableau des différens de la religion, Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde) et on la croise et recroise tout au long du XVIIe. Toujours dans ce sens de ne pas avoir que ça à faire. Si ce n'est pas ça notre prototype...

et dans un temps encore ou Valentinien avait d'autres fusées à démêler qu'à faire des lois contre les désordres des écclésiastiques

Et, cerise sur le gâteau, nous voici en 1579 avec Les grandes annales et histoire générale de la France de François de Belleforest (1530-1583) dans lequel - cerises sur la cerise - les fusées à démêler (ou à dévider) se retrouvent au moins 7 fois (pages 354, 416, 601, 666, 697, 726, 763) et notre "avoir d'autres..." au moins 3 fois (pages 601, 726, 763).

J'ai vraiment l'impression d'avoir fait le tour de la question.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Exactement à la même date, 1579, il y a un exemple chez Pierre de Larivey, dans la Veuve, selon Godefroy :
http://img4.hostingpics.net/pics/532297Capture.png
Et le "devider cette fusee" de Rémy Belleau est de 1563, mais publiée en 1577.

97 Dernière modification par éponymie (26-11-2014 17:33:18)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Donc une expression (verbe + COD) qui avait pris un sens figuré depuis un certain temps déjà autorisant la construction "avoir d'autres [COD] à  [verbe]" (que l'on ne trouve pas dans les citations du Godefroy).

La construction a toujours plus ou moins le sens de "avoir autre chose à faire", la seule question à éventuellement se poser étant le sens de l'expression sur laquelle la construction s'appuie.

"démêler une fusée", "fouetter un chat/un page" avaient pris un sens figuré, ce n'est pas forcément le cas de "lier des gerbes", il faudrait vérifier.

Le Dictionnaire des Expresions et Locutions d'Alain REY et Sophie CHANTREAU n'a pas fait cette analyse, sinon il n'y aurait pas écrit la phrase en gras :

Avoir d'autres chats à fouetter « avoir d'autres sujets de préoccupations plus importants, d'autres affaires ». L'expression semble postérieure à il n'y a pas de quoi fouetter un chat   « la faute n'est pas grave, la chose est insignifiante » qui date du XVIIè S.

Cette construction est toujours postérieure à  l'expression qu'elle utilise. C'est du moins ma conclusion... mais elle me semble bien étayée.

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

éponymie a écrit:

Donc une expression (verbe + COD) qui avait pris un sens figuré depuis un certain temps déjà autorisant la construction "avoir d'autres [COD] à  [verbe]" (que l'on ne trouve pas dans les citations du Godefroy).

Euh, si, celle de Larivey : elles auront bien autre fusee à demesler
à moins que vous ne la comptiez comme une construction différente en raison de l'absence de "d" .

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Non, vous avez raison, j'ai lu trop vite. J'irai faire un tour sur Gallica pour étayer un peu plus.

100 Dernière modification par vh (09-12-2014 23:07:25)

Re : il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter

Chat à neuf queues

pascalmarty a écrit:

Un chat à neuf queues (a cat-o'-nine tails), c'était autrefois un fouet avec neuf cordes terminées par des nœuds ou des billes de plomb, en usage principalement dans la marine britannique pour infliger des punitions. Pas sûr qu'il ait eu un équivalent en France ni, si c'est le cas, qu'il ait porté le même nom.
Mais ça ne dit effectivement rien sur le rapport entre les chats et le chiffre 9.

- L'instrument a son origine dans l'armée et la marine anglaises (CNRTL)
- L'expression nautique anglaise (cat o' nine tails) est attestée en 1690, l' instrument de punition était légal dans la marine britannique jusqu' en 1881.(etymonline.com)

Pourquoi le nombre 9 ?
C'est peut-être parce que l'on peut facilement  faire un fouet en défaisant en partie une corde, que beaucoup de cordes courantes ont 3 brins et que chacun peut être aussi une corde à 3 brins. Un fouet improvisé avec les moyens du bord aurait alors 9 queues.

Messages [ 51 à 100 sur 170 ]

forum abclf » Histoire de la langue française » il n'y a pas de quoi fouetter un chat/ avoir d'autres chats à fouetter