Alco a écrit:La double négation s'emploie encore à l'oral, et sans vouloir produire un effet comique. Je l'entends fréquemment et je la pratique, sauf dans un contexte très familier. J'ai pris cette habitude à l'adolescence.
Dans la plupart des études portant sur la négation en français parlé spontané, on ne relève que très peu de cas de négation avec maintien de "ne" (de 7% à 15% grossomodo selon les études), et, chez certains locuteurs aucun cas de maintien de "ne" en plus d'une heure de conversation avec plus de 100 énoncés présentant une négation.
Il semblerait aussi qu'il y ait une différence assez significative dans le maintien de "ne" selon l'âge du locuteur selon certains travaux. Mais ceci, même si la tendance doit exister, ne me semble pas si évident. Voici un petit tableau issu d'un travail que j'ai réalisé avec un collègue de l'université de Rouen (Pierre Larrivée), il y a déjà quelques années :
Bref, même si la présence de "ne" à l'oral ne présente pas systématiquement un "effet" (et encore moins "comique"), il est vrai qu'il peut être maintenu pour d'autres raisons. Dans le corpus analysé, par exemple, j'avais constaté qu'un des locuteurs avait "conscience" que la présence de "ne" relevait d'un niveau de langue plus soutenu et pensait que lorsqu'il était avec ses amis il n'employait jamais le "ne" alors que quand il allait à Paris, il faisait attention et le maintenait... Résultat ? 8% de maintien uniquement et, si je me souviens bien, un maintien plus important au début de la conversation, autrement dit, là où il contrôle le plus sa production. (Donc, même s'il n'y a pas de recherche d'effet comique, il y a bien un effet...)
Mais globalement, lorsqu'on parle spontanément avec des personnes de même "rang" que nous (même âge, même fonction, etc.), on omet majoritairement le "ne", bien que celui-ci puisse se maintenir dans certaines expressions selon les locuteurs.
Bon, pour conclure, je ne ferais pas la différence qui a été faite ici "écrit/oral" mais "spontané/non spontané". En gros, cela dépendra du contexte :
- A l'écrit : si vous écrivez à un pote, par sms ou mail, l'absence de "ne" ne choquera que les plus puristes, mais d'après moi, il n'y a rien de choquant là dedans. En revanche, dans tout écrit préparé, officiel ou scolaire, évidemment que l'on doit maintenir le "ne" de négation.
- A l'oral : si vous parlez à un pote, à un proche ou dans un contexte plutôt spontané, l'absence de "ne" ne choquera encore une fois que les plus puristes. Il faut savoir qu'à l'oral, le non maintien de "ne" est très ancien et était présent même à la cour ! Si je me souviens bien, le jeune Louis XIII avait tendance à omettre le "ne" déjà (on retrouve cela dans le journal de son précepteur Jean Héroard) donc, comme l'écrit Claire Blanche-Benveniste :
Mais, si un jeune locuteur de son rang omettait un aussi grand nombre de ne, on peut estimer que, dans le français parlé par d'autres couches de la société, ce devait être au moins équivalent.
En revanche, si vous faites un discours préparé, vous produirez beaucoup plus de "ne", même si, aujourd'hui, on le voit et l'entend, même dans des discours politiques les "ne" tombent. Certains trouveront ça inadmissible... pas moi.