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forum abclf » Histoire de la langue française » Étymologie discrète. La formule magique.

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Sujet : Étymologie discrète. La formule magique.

Étymologie discrète. La formule magique.


Formule, « forme déterminée suivant laquelle on exprime quelque chose. » (CNRTL), du latin formula, « cadre, règles, formule. » D’après cette définition, ce qui prévaut le plus dans une formule c'est son immuabilité. A l'image d'un rituel que l'on aurait hérité de père en fils, mais dont le sens nous échappe a cause des mutations du langage, la formule est une cérémonie linguistique que l'on rejoue sans se poser de questions, parce que c'est la norme. Nous ne nous estimons pas légitimes a changer l'ordonnance des choses établies par des prédécesseurs initiés aux secrets du monde, secrets encodés dans ces vocables que nous lisons sans toujours mesurer leur profondeur.

L'ordre des mots paraît donc fixe. Changer la formulation- syntaxe, du latin syntaxis, « avec ordre », vocabulaire, ponctuation- réduirait a néant la portée du charme. Que dire alors d'une tentative de traduction ? Il est des noms, des verbes, des adjectifs qui possèdent une force dans une langue mais qui la perde dans une autre, comme une greffe qui ne fonctionnerait pas.

Étymologiquement, il y a dans « vocable », « vocabulaire », « invocation », l’idée d'appeler, vocare en latin. Appeler qui ? S'agit-il d'appeler a soi les forces ancestrales, les puissances infernales, le secours divin, la protection des apôtres ? De solliciter le patronage d'un héros ? De se placer sous le vocable d'un saint? Dans cette optique, la formule ferait office de canal pour attirer a soi l’énergie d'une entité absente, supposément dotée de capacités surnaturelles. 

Il suffit de dire : « Cesame, ouvre-toi ! » pour que la roche se déplace. Dans la formule, qui agit par le fait même qu'on la prononce, il y a quelque chose qui ressemble a la parole de Dieu dans la Bible : « Que la lumière soit. » Prononcer une formule magique, n'est-ce pas aussi s'arroger les pouvoirs du Créateur, n'est-ce pas s'investir soi-même des attributs de la divinité par le Verbe ? On peut lire, sous la plume d'Attilo M., que « l’écriture peut être performative. Dans le moment ou j’écris, une action se produit du fait même que j'ai tracé les mots selon certaines modalités précises. Un tel art était employé dans la magie antique : il unissait le sens des mots a des formes géométriques que l'on conférait au tracé des mots. Ensemble, forme géométrique et contenu donnaient aux mots une force particulière, propre a l’écriture avant toute prononciation. » (Cahiers, Mondes Anciens.)

La formule dit en peu de mots. Non seulement elle dit, mais elle agit. D’où lui vient son pouvoir ? Le tire-t-elle de l’extérieur, ou n'est-ce en fin de compte que notre propre énergie qu'elle canalise ? Il y aurait un rapprochement a faire avec l'affirmation positive ou la loi d'attraction. Si les formules sont des promesses qui n'engagent que ceux qui y croient, alors il ne nous reste plus qu'a y croire de toutes nos forces pour réaliser nos rêves.


Yacine Zerkoun

2 Dernière modification par Maurits van den Bosch (28-05-2018 03:46:11)

Re : Étymologie discrète. La formule magique.

C'est un sujet fort intéressant et vaste. N'est-il pas vrai que tout un univers de sens se cache là-derrière ? À coups de dictionnaire, je vois les significations des paroles ou phrases toutes faites et elles me marrent, me surprennent, me confondent, me remplissent de curiosité et d'amour pour la langue. J'ai beaucoup aimé votre réflexion.

Vous connaissez certainement déjà « ainsi soit-il ». D'une origine religieuse, cela peut s'adapter à des contextes plus laïques, disons, exprimant un vœux quelconque. Dans les années 1980 Mylène Farmer alla se réapproprier la tournure dans une de ses chansons, tout en la changeant en « ainsi sois je », qu'elle eut volontairement composé sans tiret, pour ne pas faire passer inaperçue l'analogie avec le sens d'ainsi soit-il. Auparavant, en 1975 si je ne me trompe, chez Grasset, il a paru un livre intitulé « Ainsi sois-elle », avec tiret, dont l'autrice Benoîte Groult a voulu dénoncer, entre autres, l’excision.

Dans ces deux cas, je suis de l'avis que l'on a tout à fait rejoué la formule, entré dans le jeu du rituel — sans toutefois oublier de se poser bien des questions.

Alles, was nicht Literatur ist, langweilt mich, und ich hasse es.

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