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Messages [ 29 ]

Sujet : Le toit du monde

Comment percevez-vous cette expression appliquée habituellement à l'Himalaya ?
Je ne l'ai jamais utilisée, percevant le toit non comme la partie la plus haute, mais plutôt celle qui couvre, qui protège. Alors vous comprendrez ma gêne pour accepter l'idée que l'Himalaya couvre le monde ou le Mont Blanc l'Europe...
L'étymon latin est tectum issu de tegere, couvrir, recouvrir, cacher, abriter.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

2 Dernière modification par Lévine (03-01-2018 10:45:23)

Re : Le toit du monde

C'est parce que le mot monde est pris dans un sens exclusivement géographique. De même que le toit est ce qu'il y a de plus élevé dans un bâtiment, de même l'Himalaya est le point le plus élevé de l'ensemble constitué par la surface terrestre, c'est donc un "toit" par métaphore.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

3 Dernière modification par Abel Boyer (03-01-2018 10:54:02)

Re : Le toit du monde

Je ne crois pas avoir eu l'occasion de l'utiliser moi-même mais je l'ai lue souvent et elle est, me semble-t-il,  parfaitement intégrée dans notre langue même si son origine exotique la cantonne généralement dans son utilisation première, quoique le TLFI mentionne une extension :

− Loc. fig. Le toit du monde. [Qualifie un point culminant de l'Asie, en partic. le Pamir, le Tibet ou l'Himalaya dont l'Everest] Elle voudrait faire un voyage au Tibet, le « toit du monde », dont la vie spirituelle l'attire (Green, Journal, 1942, p. 232).Depuis 1923, huit expéditions ont échoué dans l'assaut du « toit du monde » (Jeux et sports, 1967, p. 1656).
♦ P. anal. Le toit de l'Europe. Le Mont Blanc. Malgré de sérieuses difficultés dues à un vent très violent soufflant sur le toit de l'Europe, le défi a été relevé en douze heures (La Vie du Rail, 29 oct. 1987, no2116, p. 14).

Quoique "toit" évoque pour moi comme pour vous la protection plus que le point culminant, la métaphore se comprend aisément et me paraît presque poétique. Il faudrait connaître le sens exact de l'expression locale originale Bam-i-Duniah pour savoir si la traduction retenue en occident depuis bientôt deux siècles a un peu dévoyé le sens primitif. L'expression semble d'ailleurs s'appliquer d'abord à un haut-plateau plutôt qu'à un sommet ce qui fait que la comparaison avec un toit peut mieux se justifier. Voici une des plus anciennes attestations en français (1843) :
https://books.google.fr/books?id=ClRmAA … mp;f=false

Re : Le toit du monde

Oui, à partir de l'idée de point culminant, on peut dresser un plan imaginaire passant par ce point, et on a un "toit". L'idée de protection contenue dans l'étymon n'est pas vraiment présente ici.
Il ne faut jamais abuser de l'étymologie...

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Le toit du monde

J'appelais l'étymologie à mon secours, non pour justifier mon usage un peu exclusif de « toit », mais pour savoir si le sens premier était bien celui d'une protection. Malgré l'ancienneté relative du sens « sommet » au regard des siècles, je continue à ne pas faire mienne cette expression de « toit du monde », à laquelle je préfère sommet du monde.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Le toit du monde

Eh bien, moi aussi, j'ai toujours considéré cette expression comme maladroite. Je ne l'emploie jamais non plus.
Je veux bien que la forme d'une montagne rappelle celle d'un toit, mais pas celle d'une chaîne de montagne.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Le toit du monde

C'est donc pour d'autres raisons que les miennes que vous ne l'employez pas.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Le toit du monde

J'ai dû mal m'exprimer. Les mêmes raisons + celles ci-dessus.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

9 Dernière modification par aCOSwt (03-01-2018 19:46:52)

Re : Le toit du monde

Ylou a écrit:

Je veux bien que la forme d'une montagne rappelle celle d'un toit, mais pas celle d'une chaîne de montagne.

Absolument! Et ce n'est pas à ceux et celles qui voient la Grande Chartreuse en ouvrant leurs volets le matin que l'on va apprendre ce que c'est qu'une montagne! wink

Notez que ça tombe assez bien puisque ce n'est pas de montagnes dont il s'agissait (au moins à l'époque de Marco Polo) mais bien d'une région de hauts plateaux.
Un certain nombre de bons auteurs anglophones écrivent d'ailleurs "terraced roof of the world" dans leurs traductions du "devisement du monde" laissant ainsi bien entendre le... plat pays qui était le leur...

Et c'est encore plus incohérent d'appeler ainsi l'Himalaya puisque l'Himalaya a... déjà un nom signifiant.

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

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Re : Le toit du monde

Hi hi hi!
Et ce nom est très beau : maison des neiges : un peu mieux qu'un toit sans rien en dessous.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : Le toit du monde

aCOSwt a écrit:

Notez que ça tombe assez bien puisque ce n'est pas de montagnes dont il s'agissait (au moins à l'époque de Marco Polo) mais bien d'une région de hauts plateaux.

Et encore au XIXe siècle, comme je l'écrivais dans le message 3.

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Re : Le toit du monde

Moi, je trouve que c'est une belle image. Ce n'est pas la forme qui est en question, celle-ci variant suivant les pays, mais l'idée d'altitude maximale. On aurait pu trouver "plafond", mais c'eût été nettement moins poétique, sans compter qu'au-dessus du plafond, il y a... le toit !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

13 Dernière modification par aCOSwt (03-01-2018 20:37:14)

Re : Le toit du monde

Abel Boyer a écrit:
aCOSwt a écrit:

Notez que ça tombe assez bien puisque ce n'est pas de montagnes dont il s'agissait (au moins à l'époque de Marco Polo) mais bien d'une région de hauts plateaux.

Et encore au XIXe siècle, comme je l'écrivais dans le message 3.

Bon... j'avais cru que "bien" remplacerait avantageusement (pour vous) ",comme l'écrivait Abel Boyer dans le message 3," wink
My bad!
Autrement, par au moins, j'entendais une remontée dans le temps.
On pourrait de fait, en tirant quelques cheveux, remonter à la cosmographie de Ptolémée mais ce n'est pas vraiment garanti qu'il parle précisément du même coin.

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

14 Dernière modification par Alco (04-01-2018 10:11:40)

Re : Le toit du monde

jacquesvaissier a écrit:

Moi, je trouve que c'est une belle image. Ce n'est pas la forme qui est en question, celle-ci variant suivant les pays, mais l'idée d'altitude maximale. On aurait pu trouver "plafond", mais c'eût été nettement moins poétique, sans compter qu'au-dessus du plafond, il y a... le toit !

Justement, si on parle de plafond, on ne peut pas dire que l'Himalaya soit le plafond du monde. Dans « toit », il y a, bien sûr, l'idée de partie la plus haute d'un édifice, mais aussi l'idée de couverture, de protection, et donc un lien avec la partie couverte. Parlerait-on du toit d'un village pour évoquer celui de son église ?

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

15 Dernière modification par Lévine (04-01-2018 10:03:59)

Re : Le toit du monde

Et ici, y a-t-il une quelconque idée de protection dans l'usage du mot "toit" ?
https://www.homelidays.com/hebergement/p8346501
(Les administrateurs voudront bien m'excuser pour cette publicité indirecte ; on pourra supprimer ce lien dans quelque temps).

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

16 Dernière modification par Alco (04-01-2018 10:33:44)

Re : Le toit du monde

Je me conterai de me citer

Alco a écrit:

Dans « toit », il y a, bien sûr, l'idée de partie la plus haute d'un édifice, mais aussi l'idée de couverture, de protection

Ce n'est pas chez les publicitaires que j'irais chercher des exemples de bon emploi de la langue française. Ils ont plutôt l'habitude de la massacrer.
Voyez cet exemple d'un projet de construction à Angers, le long d'une placette où se tient un marché. Vous constaterez que la construction va se faire au pied du marché... j'aurais dit l'inverse.
https://img15.hostingpics.net/thumbs/mini_354534Angers.png

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

17 Dernière modification par Lévine (04-01-2018 11:24:59)

Re : Le toit du monde

Mais qu'est-ce que c'est que le bon emploi ? Vous avez - soit dit sans agressivité - une approche personnelle de la notion, et il est bon que les mots vivent ainsi en chacun de nous.
Pour ce qui me concerne, quand je pense au toit pour parler d'un sommet montagneux, par exemple, le mot m'évoque un point (ou une surface) d'où je puis dominer le monde qui s'étend à mes pieds. Bien loin d'une idée de protection, c'est une idée d'ouverture et de méditation sur les infinis à laquelle j'aboutis.

Un peu comme ici :

https://img15.hostingpics.net/pics/899768Capture.png

D. Friedrich, Voyageur contemplant une mer de nuages (source : images wikipedia)

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

18 Dernière modification par Alco (04-01-2018 13:12:49)

Re : Le toit du monde

Certes, et j'aime bien ce célèbre tableau de Caspar David Friedrich (le titre allemand est d'ailleurs der Wanderer über dem Nebelmeer, le randonneur au dessus de la mer de nuages), mais je ne suis monté qu'une fois sur un toit, pour remettre des ardoises en place, et je suis donc, comme la grande majorité des gens, sous un toit. Je laisse le dessus aux couvreurs. Pour l'idée du point d'où je puis observer le monde (et les notions de contemplation et d'ouverture me plaisent bien), je parlerais plutôt de sommet.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Le toit du monde

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !

[...]

P. Valéry, le Cimetière marin, éd. NRF Gallimard.

Je préfère nettement les "colombes" aux couvreurs.

Tous mes meilleurs vœux (très sincèrement).

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Le toit du monde

Pareillement, et tout aussi sincèrement.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Le toit du monde

Alco a écrit:

Dans « toit », il y a, bien sûr, l'idée de partie la plus haute d'un édifice, mais aussi l'idée de couverture, de protection, et donc un lien avec la partie couverte. Parlerait-on du toit d'un village pour évoquer celui de son église ?

L'expression "toit du monde" ou "faîte du monde" (dans les premiers textes) est censée traduire une expression locale "bam-i-duniah". "Toit" et "faîte" ont des connotations différentes en français. Il serait intéressant de savoir ce que désigne très précisément "bam" dans l'expression originale. Qu'est-ce qu'un "toit" dans les langues locales ? Cela évoque-t-il des terrasses, et l'expression serait assez adaptée pour s'appliquer aux hauts-plateaux du Pamir ou cela évoque-t-il le toit pointu d'une yourte, et l'expression serait assez adaptée pour s'appliquer aux montagnes elles-mêmes ?
Toujours est-il qu'en français, l'expression me paraît suffisamment connue et ancienne pour être acceptée telle quelle, sans être forcément analysée, mais elle reste limitée à son emploi orographique et il ne viendrait probablement pas à l'idée de quiconque de parler du toit d'un village pour désigner celui de son église.

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Re : Le toit du monde

Abel Boyer a écrit:

L'expression "toit du monde" ou "faîte du monde" (dans les premiers textes) est censée traduire une expression locale "bam-i-duniah". "Toit" et "faîte" ont des connotations différentes en français. Il serait intéressant de savoir ce que désigne très précisément "bam" dans l'expression originale. Qu'est-ce qu'un "toit" dans les langues locales ? Cela évoque-t-il des terrasses, et l'expression serait assez adaptée pour s'appliquer aux hauts-plateaux du Pamir ou cela évoque-t-il le toit pointu d'une yourte, et l'expression serait assez adaptée pour s'appliquer aux montagnes elles-mêmes ?
Toujours est-il qu'en français, l'expression me paraît suffisamment connue et ancienne pour être acceptée telle quelle, sans être forcément analysée, mais elle reste limitée à son emploi orographique et il ne viendrait probablement pas à l'idée de quiconque de parler du toit d'un village pour désigner celui de son église.

Je suis bien obligé d'accepter cette convention d'appeler « toit du monde » ces montagnes, mais cette appellation restera pour moi exotique. Le « faîte du monde » était vraiment plus parlant.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Le toit du monde

Bâm signifie effectivement toit en persan ou farsi. Reste à connaître la représentation mentale qu'ont de ce mot les habitants de ces pays.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Le toit du monde

Il semble que le mot s'emploie aussi pour plafond et terrasse, et aussi, assorti d'un adjectif, pour désigner le ciel.
https://img15.hostingpics.net/pics/378409dictionnairepers01desm0260b.jpg
https://img15.hostingpics.net/pics/218214dictionnairepers01desm0260a.jpg
https://archive.org/stream/dictionnaire … 4/mode/2up

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Re : Le toit du monde

Il semble donc que le mot contienne l'idée de quelque chose qui se trouve au dessus des têtes, qui couvre (voir le « toit de l'œil », la paupière). Il reste que l'appellation est au départ d'usage local, parmi une population qui n'imagine pas l'étendue du monde. C'est son emploi en dehors de ces régions qui me paraît étrange.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Le toit du monde

Je rapproche le vers :
Ce toit tranquille, où marchent des colombes,

à cet autre de la strophe suivante :

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose,

Ainsi, si la surface de la mer devient toit, ce toit couvre un abîme. Et le cimetière marin surplombe ce toit : superpositions vertigineuses.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Le toit du monde

On trouve l'idée que vous exprimez si bien dans la Genèse :

Dieu fit le firmament et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d'avec les eaux qui sont au-dessus du firmament (Genèse, I, 8)

cf. L'huître de F. Ponge !

Le toit, surface de partage des abîmes...

Mais je crois que nous allons nous égarer.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Le toit du monde

Ce toit du monde n'en est que le pinacle...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Le toit du monde

Pinacle, sommet, faîte, c'est ce concept qui me vient à l'esprit en pensant à une montagne. L'idée de toit est associée à celle de couverture. Cette image de « toit du monde » est un emprunt maladroit, même si nous sommes maintenant habitués à l'entendre et à le lire.
Tous les paragraphes du TLFI, toutes les locutions font appel à cette idée de couverture, de protection, même si sont mentionnés le Toit du monde et le Toit de l'Europe (sans doute formé par analogie avec le premier), inventaire des usages oblige.

ARCHIT., cour. Partie supérieure d'un bâtiment ou d'une construction servant de couverture contre les intempéries, formée de matériaux divers reposant sur une armature ou une charpente et présentant le plus souvent une surface inclinée.
P. méton. La couverture elle-même et son support.
Loc. fig. Avoir un toit sur la tête. Être logé.
(Avoir) le ciel pour toit. Dormir dehors.
Sous le(s) toit(s). Au dernier étage d'un immeuble, dans les combles. Chambre sous les toits; loger sous les toits.
P. anal. (d'aspect ou de fonction). Construction en pente servant d'abri, appuyée à un mur ou soutenue par des poteaux. Synon. appentis. Abri, couverture parfois rudimentaire.
P. méton.
1. [Avec un caractère affectif] Endroit où l'on habite, où l'on est à l'abri.
Loc. adj. ou adv. (Être) sans toit. Sans logis.
Loc. fig. [Avec un poss., un adj., un compl. déterminatif] Sous le toit (de), sous son toit. Dans la maison, l'appartement de quelqu'un, dans sa maison.
Sous le même toit. Dans la même maison, le même logement.

Alors si pour vous, avoir un toit sur la tête vous fait penser à l'Himalaya, moi je suis bien content d'être à l'abri du mien par ces temps pluvieux.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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