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Le forum d'ABC de la langue française

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Messages [ 16 ]

Sujet : Maraude

Chaque année, on nous ressert cet emploi dévoyé du mot maraude pour désigner les patrouilles du SAMU social.
Il faut rappeler que maraude est un mot péjoratif.
Je vous renvoie à cette discussion et à cet extrait d'un livre de J. Chirac où il évoque la récupération de ce vocable par X. Emanuelli.
Vos commentaires sont les bienvenus.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Maraude

Un site intéressant concernant le changement de sens des mots :

https://fr.wikisource.org/wiki/Comment_ … nt_de_sens
Dont deux extraits :
Le mot français dialectal maraud « matou » a fourni un verbe marauder « faire le matou » ; en Berry, où le mot maraud tend à disparaître, le verbe dérivé marauder qui signifiait d’abord « miauler bruyamment », a été appliqué à l’acte de « pleurer avec bruit et d’une manière désagréable » (employé. avec une intention plutôt méprisante) ; le français littéraire, où maraud n’a jamais existé, a emprunté marauder au sens de « voler » avec une nuance particulière ; ni l’un ni l’autre de ces développements de sens n’aurait sans doute abouti aussi complètement dans des parlers où maraud « matou » aurait existé
Dommage que l'auteur n'ait pas eu connaissance du nouveau sens donné à maraude.

Et ceci :
Les conditions psychiques de la sémantique sont constantes ; elles sont les mêmes dans les diverses langues et aux diverses périodes d’une même langue ; si donc on veut expliquer la variation, il faut introduire la considération d’un élément variable lui-même, et, étant données les conditions du langage, cet élément ne peut être que la structure de la société où est parlée la langue considérée.

Enfin, et surtout, il faut marquer par quels groupes sociaux le mot a été transmis, passant d’une langue particulière à une autre langue particulière.

Le groupe social qui a choisi "marauder" et "maraude" pour parler des tournées nocturnes faites dans les villes pour repérer, puis aider les personnes en détresse, se sont trouvés devant un manque lexical.
Patrouille patrouiller ont un sens militaire. Ronde évoque la surveillance et aucun verbe ne lui correspond. Sillonner semble trop rapide et ne propose aucun substantif..
Marauder, maraude  ont plu parce que sans doute le sens réel de ces mots échappait. Reste l'idée de nuit et de déplacement furtif et aléatoire. A cela s'ajoutent les sonorités : le rapprochement peut être fait avec le verbe rôder (qui lui, est bien compris comme péjoratif, et peut-être aussi ce que le mot évoque de rustique.
On a un exemple de revirement complet du sens d'un mot par méconnaissance du sens réel.
Rien ne sert de protester : ce nouveau sens restera sans doute.

Si l'origine du mot renvoie aux matous qui rôdent dans la nuit, alors, le mot redevient sympathique à qui aiment les gros matous, un peu baroudeurs, certes, mais attachants.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : Maraude

J'aimerais beaucoup qu'on n'ait plus besoin d'employer ce terme maraude, ni dans sons sens péjoratif (ça, c'est presque le cas, le mot n'est plus vraiment employé couramment***) ni dans son nouveau sens. Malheureusement, avec le nombre croissant de sans-abri, nous avons là un nouveau fait de société, durablement établi dans les villes et le travail du SAMU social n'est pas près de s'arrêter.
La discussion à laquelle vous renvoyez date de 2010. Sept années plus tard, le mot et la chose sont encore plus installés. Il semble que la première maraude dans ce sens date de 1998. Donc près de vingt ans d'existence.
Sur le plan linguistique, maraude ne me fait pas penser d'abord à maraudeur mais à maraude, tel qu'utilisé dans taxi en maraude, c'est-à-dire un taxi qui circule lentement à vide à la recherche d'un client. C'est exactement cette image qui est à l'origine de la maraude du SAMU : les véhicules de secours circulent, d'abord à vide, lentement à la recherche du... client, pardon, du sans-abri qui a besoin d'aide. L'image est pertinente et ce ne serait pas la première fois qu'un mot change de sens, ou en acquiert un nouveau, à la faveur d'une image particulière.
Au surplus, bien que "maraud" ait pour tous les amateurs de littérature classique le sens de "coquin", à l'origine il signifiait simplement "mendiant", et déjà SDF si le mot avait existé. C'est bien sûr une simple coïncidence.
Alors, que faire ? Peut-être ce qu'aurait fait un homme politique selon le pasteur Blanchard :

le fin linguiste qu'il est m'interrogea sur la définition du mot maraude. Il en gardait un souvenir péjoratif, lié au maraudeur : ce personnage toujours prêt à commettre des mauvais coups. Il convint qu'avec le temps les mots changent de sens.[...] mais le plus important pour nous, au-delà de l'aide matérielle, c’est l'écoute et le soutien moral de ceux que la vie à laissé sur le bord de la route. Pasteur Blanchard

J'en profite pour dire ma sincère admiration pour tous ces gens qui font les maraudes sociales et je m'en voudrais de leur créer la moindre querelle linguistique.



*** On s'aperçoit grâce à Google Ngram que les mots "maraude" et "maraudeur" avait bien régressé au XXe siècle par rapport au XIXe, et plus encore le mot "maraud".

Re : Maraude

Comme quoi la politique s'avance masquée sous la lexicologie...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Maraude

C'est vous qui êtes masqué. Précisez votre pensée.

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Re : Maraude

Il est vrai que nos dirigeants ne dédaignent pas de jouer sur le sens des mots lorsque cela peut rassurer les électeurs. Par exemple, dans l’expression OGM qui signifie organisme génétiquement modifié, "génétiquement modifié" est utilisé à dessein à la place de transgénique pour nous faire croire que les OGM sont quasi inexistants dans nos assiettes. En réalité, ce sont les cultures transgéniques qui sont plus ou moins interdites mais les OGM (à proprement parler) sont aujourd’hui omniprésents.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Maraude

Abel a écrit:

Sur le plan linguistique, maraude ne me fait pas penser d'abord à maraudeur mais à maraude, tel qu'utilisé dans taxi en maraude, c'est-à-dire un taxi qui circule lentement à vide à la recherche d'un client. C'est exactement cette image qui est à l'origine de la maraude du SAMU [...]

      Cette expression, pas franchement péjorative (à mes yeux), est attestée au moins dès 1936 (et probablement avant), chez R. Martin du Gard (L'été 1914).
      Pour moi, le terme maraude renvoie, à l'origine, aux voleurs de pommes, voire de linge, c'est-à-dire chapardeurs pour subsister (souvent la nuit). On voit aisément le glissement sémantique vers la notion de « déplacement furtif », dans le noir : c'est d'ailleurs à la tombée de la nuit que les équipes du SAMU social partent en maraude .
      Conclusion ? le terme ne m' apparaît pas mal t'approprié et ne m'a pas choqué quand je l'ai entendu dans ce contexte pour la première fois : je le trouve plutôt imagé, ce qui n'apporte rien à sa légitimité, mais plaide pour son usage.

elle est pas belle, la vie ?

Re : Maraude

Pour moi non plus "en maraude" n'a pas vraiment une connotation péjorative : dans mon bas-Limousin, quand on disait de quelqu'un qu'il était en maraude, c'est qu'il courait les bars et les boites de nuit, qu'il aimait bien s'amuser et cherchait les occasions pour.

Re : Maraude

Piotr a écrit:

      Cette expression, pas franchement péjorative (à mes yeux), est attestée au moins dès 1936 (et probablement avant), chez R. Martin du Gard (L'été 1914).

Pour "taxi en maraude", le TLF cite justement déjà Roger Martin du Gard, mais dans La Belle Saison, de 1923.
Pour "fiacre en maraude" qui l'a précédée, le TLF donne une citation de 1919, mais j'en trouve une antérieure, de 1869 : « Je ne sais, dit-elle en regardant de tous côtés pour découvrir quelque fiacre en maraude; mais à Paris on ne trouve de voitures que quand on n'en a pas besoin. » (La Pupille de la Légion d'honneur, Louis Énault).
Mais déjà, un recueil d'ordonnances de police de 1850 précise :

Il est défendu aux cochers :
[...]
4° D'offrir, par paroles ou par gestes, leurs voitures au public, lorsque ces voitures ne sont pas en station sur les emplacements à ce affectés ; de raccoler les passants, de parcourir la voie publique au pas, ou de faire exécuter à leurs voitures, sur la même ligne, un va et vient continuel, dans le but de faire comprendre qu'ils sont à la disposition du public ; tous actes constituant la maraude qui leur est formellement interdite

https://books.google.fr/books?id=RypLAA … mp;f=false

De Paul de Kock, en 1860 :

Il y avait dix minutes que la société était au café, et pas l'ombre d'un fiacre ne venait stationner sur la place. Il passait bien en maraude des remises, des coupés, des calèches, mais Théobald, qui savait ce que cela coûte, les regardait passer

https://books.google.fr/books?id=muk5AA … mp;f=false

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Re : Maraude

Pour moi, "marauder" était le fait d'enfants qui allaient chiper des fruits dans les arbres, en cachette, excitant la rage de leurs propriétaires acariâtres et ils avaient donc, notre sympathie.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

11 Dernière modification par glop (18-01-2017 21:01:46)

Re : Maraude

Le mot maraude était employé par mes grands-parents pour désigner une ceuillette pratiquée sans l'atorisation du proprietaire. La mauraude etait, pour eux, aux vegetaux ce que le braconnage etait aux animaux.

https://books.google.fr/books?id=p8xDAA … mp;f=false

Je ne suis pas sûr que les taxis aient le droit de prendre des clients en passant. Je me suis laissé dire qu’ils doivent soit prendre leur tour aux stations soit travailler sur commande.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Maraude

Moi, j'ai toujours entendu parler des maraudeurs comme des chapardeurs peu recommandables, d'où mon étonnement et ma gêne d'entendre un mot si mal utilisé. C'est d'ailleurs une initiative d'un seul homme, si j'ai bien compris (je parle de l'utilisation du mot, pas de la démarche, généreuse et méritoire).

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Maraude

Désolé d'avoir jetté un froid.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Maraude

Alco a écrit:

C'est d'ailleurs une initiative d'un seul homme, si j'ai bien compris.

Oui, cette initiative a eu beaucoup d'écho et le mot s'est généralisé au moins dans les médias.
Je pense que le cas n'est pas unique d'une acception nouvelle ou d'un mot créé par un seul homme, repris ensuite par un petit groupe puis, petit à petit, s'intégrant dans la langue commune.
Dans un domaine un peu plus particulier, c'est le cas des noms de marque qui deviennent presque noms communs.

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Re : Maraude

Pas que dans les médias.


https://s1.qwant.com/thumbr/0x0/8/a/3394b245b77c783025c0c2fa715d79/b_1_q_0_p_0.jpg?u=http%3A%2F%2Fup.autotitre.com%2Fa7a7456534.jpg&q=0&b=1&p=0&a=1

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

16 Dernière modification par mercattore (19-01-2017 12:09:46)

Re : Maraude

Dans mon milieu d'origine (ouvrier), le mot maraudeur était utilisé pour la disparition de fruits dans les jardins ouvriers. Mon père avait un petit jardin, parmi plusieurs dizaines d'autres (banlieue sud de Paris, sur les hauteurs de Bicêtre).
A la disparition de fruits, les proprios disaient souvent : « Ah, encore des maraudeurs ! ».

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