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forum abclf » Réflexions linguistiques » conditionnel en apparence

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Messages [ 43 ]

Sujet : conditionnel en apparence

Je ne sais plus comment on appelle le temps auquel est conjugué le verbe pleuvoir dans la phrase suivante:

Voilà la pluie ; j’ai donc eu raison de vous prévenir qu’il pleuvrait.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Il s'agit d'un futur dans le passé. Je ne lui connais pas d'autre nom.
En réalité c'est la première valeur de ce temps appelé conditionnel. La seconde : temps de l'irréel.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

3 Dernière modification par glop (21-03-2015 14:12:28)

Re : conditionnel en apparence

Merci de me me rappeler.

C'est le fil "futur proche" qui m'incite à m'interroger et à comparer.

- Je vous avais prévenus qu'il pleuvrait.
- Je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir.

Je note que dans la deuxième phrase aller est conjugué à l'imparfait.
Cela me conforte dans l'idée qu'il s'agit bien d'un "semi" auxiliaire.

http://www.languefrancaise.net/forum/vi … 31#p118531

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Oui oui, dans ce cas "aller" est auxiliaire : c'est lui qui marque le temps du verbe :
- l'idée de futur qu'il porte toujours avec lui quand il est aux.
- l'idée de passé dans sa forme : imparfait.
et donc : vos deux exemples sont équivalent avec pour le deuxième l'idée d'immédiateté.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : conditionnel en apparence

Ylou a écrit:

[...] vos deux exemples sont équivalent avec pour le deuxième l'idée d'immédiateté.

Non, il n'y aucune idée d'immédiateté dans le second exemple.
Vois par exemple : je vous avais prévenus dès lundi 16 qu'il allait pleuvoir dimanche 22.
Il y a plutôt une idée d'inéluctabilité de l'événement pleuvoir, proche ou lointain.



Ylou a écrit:

Oui oui, dans ce cas "aller" est auxiliaire : c'est lui qui marque le temps du verbe :
- l'idée de futur qu'il porte toujours avec lui quand il est aux.
- l'idée de passé dans sa forme : imparfait.

En subordonnée dépendant d'une principale au passé (ou au perfectif), la forme allait n'indique nullement le passé.
Elle indique l'ultérieur, pas le futur. L'ultérieur peut se situer dans le passé, le présent ou le futur.

principale au passé d'époque → nous décidâmes que nous allions rentrer
principale à l'aspect perfectif → nous avons décidé que nous allions rentrer



glop a écrit:

- Je vous avais prévenus qu'il pleuvrait.
- Je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir.

Je note que dans la deuxième phrase aller est conjugué à l'imparfait.
Cela me conforte dans l'idée qu'il s'agit bien d'un "semi" auxiliaire.

En français, on ne peut dire : *je vous avais prévenus qu'il pleuvra.
Comme la principale est au passé et au perfectif, le futur simple (perfectif) est interdit : c'est le conditionnel qui en tient lieu.
Mais on peut aussi utiliser l'imparfait ou le présent dans la subordonnée :
     je vous avais prévenus dès lundi 16 qu'il pleuvrait dimanche 22 et nous sommes le 21
     je vous avais prévenus dès lundi 16 qu'il pleuvait dimanche 22 et nous sommes le 21
     je vous avais prévenus dès lundi 16 qu'il pleut dimanche 22 et nous sommes le 21.


Par contre on peut dire : je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir ainsi que : je vous avais prévenus qu'il va pleuvoir.
La principale, toujours au passé et au perfectif, s'accomode tant de l'imparfait (imperfectif) que du présent (neutre d'aspect : imperfectif et perfectif).


L'auxiliaire d'ultériorité aller n'est pas susceptible de se mettre à tous les temps de la conjugaison :
     *il ira pleuvoir demain.
     *il irait pleuvoir demain

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Re : conditionnel en apparence

Oui en effet : aucune idée d'immédiateté dans : "je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir", mais  une idée d'inéluctabilité. Vous avez raison.
Oui aussi pour votre autre précision : "la forme allait n'indique nullement le passé". Je me suis très mal exprimée.
Pour être plus claire et surtout plus précise j'aurais dû présenter les choses autrement.

- Je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir.

Le contenu de l'énoncé de la principale est  passé par rapport au moment de l'énonciation.
Le contenu de la subordonnée est dans tous les cas ultérieur à ce passé (peu importe la date).
L'imparfait de "allait" marque que l'aspect ultérieur de "pleuvoir" est envisagé dans ce passé.
êtes-vous d'accord avec cela Greg?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : conditionnel en apparence

Je ne suis pas convaincu.

Si je vous disais en mars "le vent tourne, il va pleuvoir", croiriez-vous que je parle des pluies d'automne?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Non, c'est sûr.
Mais si on peut hésiter dans l'exemple au passé, c'est parce qu'on n'est pas en contexte. Isoler une phrase pose problème.
"Je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir en avril 2015, et voici que la météo nous dit aujourd'hui (21 mars) la même chose. "
Là, ça marche, non?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

9 Dernière modification par glop (21-03-2015 22:08:16)

Re : conditionnel en apparence

Ylou a écrit:

Non, c'est sûr.
Mais si on peut hésiter dans l'exemple au passé, c'est parce qu'on n'est pas en contexte. Isoler une phrase pose problème.
"Je vous avais prévenus qu'il allait pleuvoir en avril 2015, et voici que la météo nous dit aujourd'hui (21 mars) la même chose. "
Là, ça marche, non?

Oui mais je préfère :
"Je vous avais prévenus qu'il pleuvrait en avril 2015, et voici que la météo nous dit aujourd'hui (21 mars) la même chose.

Je ne sais si l’exemple basé sur la prévision de la pluie a été trop bien ou trop mal choisi tant il est facile de prévoir la pluie pour plus tard sans préciser quand.
Tant pis.
Je reviens donc à:

- Je les avais prévenus qu’il allait pleuvoir.
Et
- Je les avais prévenus qu’il pleuvrait.

Si l’on demande à l’improviste, à un quidam, de choisir entre ces deux phrases celle qui exprime un futur immédiat, je suis bien convaincu qu’il choisira la première.
Bien sûr, Il s’agit d’un événement révolu, et ce futur immédiat se situe dans le passé mais qu’importe.
Peu importe également que cette phrase soit prononcée quand la pluie se met à tomber où qu’elle soit prononcée pour décrire un événement plus ancien.
L’usage du semi auxiliaire aller permet d’exprimer un future proche où immédiat ; pourquoi le contester ? Mais, rassurez-vous, je n’irais jusqu’à rejeter son usage dans un autre but.
Cet axillaire fait d’ailleurs la paire avec venir qui permet d’exprimer un passé immédiat.
Ex : Totor qui venait d’entrer n’eut pas le temps de s’entretenir avec Titine qui allait partir.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

10 Dernière modification par greg (21-03-2015 23:29:09)

Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

L’usage du semi auxiliaire aller permet d’exprimer un future proche où immédiat ; pourquoi le contester ?

Personne ne le conteste.

Ce qu'on conteste, c'est l'étiquette futur proche pour un truc qui sert à exprimer aussi du pas futur et du pas proche.

Phrase dicible en 2015 : le soleil va s'éteindre dans cinq milliards d'années
→ pas proche de 2015.

Phrase dicible en 922733 : en 2015, le soleil allait s'éteindre dans cinq milliards d'années
→ pas le futur de 922733 puisque l'ultérieur de 2015 : 920 718 années de non-futur de 922733.



Prends les phrases :
     le poisson n'est pas un mamifère → article généralisateur
     le poisson que tu nous a cuisiné était vraiment délicieux → article particularisateur
On ne dit pas que le est particularisateur. Ni qu'il est généralisateur.
Il est les deux.



glop a écrit:

Je reviens donc à:

- Je les avais prévenus qu’il allait pleuvoir.
Et
- Je les avais prévenus qu’il pleuvrait.

Si l’on demande à l’improviste, à un quidam, de choisir entre ces deux phrases celle qui exprime un futur immédiat, je suis bien convaincu qu’il choisira la première.

Évidemment !

Comme je te l'ai dit message 5, le conditionnel de la subordonnée pleuvrait est l'équivalent du futur simple pleuvra dont l'aspect (perfectif) est incompatible avec l'aspect perfectif (et l'époque passée) de la principale.
D'où la substitution du premier au second.

Par contre, la formulation va pleuvoir est tout à fait interchangeable avec allait pleuvoir.
Toujours pour des raisons d'aspect grammatical.

Il existe le même décalage entre pleuvra (interdit) et va pleuvoir (permis) qu'entre pleuvrait (permis) et allait pleuvoir (permis).

Les formes périphrastiques n'indiquent pas une imminence ni une immédiateté, mais une adhérence (inéluctabilité) au temps de la principale.
Les formes non-périphrastiques indiquent une coupure (un quantum d'hyptohèse) par rapport au temps de la principale.

Pour véhiculer l'imminence, l'inéluctabilité sied mieux que l'hypothèse.



glop a écrit:

Si je vous disais en mars "le vent tourne, il va pleuvoir", croiriez-vous que je parle des pluies d'automne?

Non mais si tu disais en mars : à cause de de la pollution, le climat change, il va pleuvoir, ça pourrait fort bien s'appliquer à tous les automnes des 500 ans à venir.



glop a écrit:

Cet axillaire fait d’ailleurs la paire avec venir qui permet d’exprimer un passé immédiat.
Ex : Totor qui venait d’entrer n’eut pas le temps de s’entretenir avec Titine qui allait partir.

Eh non : la vieille vient de crever ya six mois et on a toujours pas fait les papiers.
Passé pas immédiat.



Ylou a écrit:

L'imparfait de "allait" marque que l'aspect ultérieur de "pleuvoir" est envisagé dans ce passé.
êtes-vous d'accord avec cela Greg?

Oui. Ça marque un ultérieur relié au temps de la principale.

11 Dernière modification par Ylou (22-03-2015 08:22:53)

Re : conditionnel en apparence

"je préfère" "à l'improviste" "un quidam" :
Or il ne s'agit pas de préférence dans l'absolu. Le choix ne se fera réellement qu'en contexte, et il se fera spontanément.

Merci à Greg pour la finesse de l'analyse. On n'a en effet pas de symétrie entre les deux périphrases verbales. Je ne l'avais pas remarqué jusque là.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

12 Dernière modification par glop (22-03-2015 09:41:01)

Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:
glop a écrit:

Si je vous disais en mars "le vent tourne, il va pleuvoir", croiriez-vous que je parle des pluies d'automne?

Non mais si tu disais en mars : à cause de de la pollution, le climat change, il va pleuvoir, ça pourrait fort bien s'appliquer à tous les automnes des 500 ans à venir.

Ylou a écrit:

L'imparfait de "allait" marque que l'aspect ultérieur de "pleuvoir" est envisagé dans ce passé.
êtes-vous d'accord avec cela Greg?

Oui. Ça marque un ultérieur relié au temps de la principale.

Je vois tout de même une certaine contradiction entre les deux réponses ci-dessus.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Mais non. Ce qui est ultérieur à la principal peut se situer à partir du point temporel de son énoncé jusqu'à l'infini...(notre présent inclus)

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

14 Dernière modification par glop (22-03-2015 10:23:06)

Re : conditionnel en apparence

Tout cela revient à gommer la différence entre le forme normale du future-du-passé et la forme auxiliaire+infinitif.

Dans le fil "futur proche" il est mis en évidence que la formule composée par le verbe aller suivi d'un infinitif n'a pas toujours servi à exprimer un futur proche mais je constate simplement qu'aujourd'hui cette formule s'est spécialisée dans cette fonction.
http://www.languefrancaise.net/forum/vi … p?id=12072

Je ne le démontrerai pas puisqu'il s'agit pour moi d'un simple constat.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

On est dans la nuance. dans certains exemples. Je pense qu'il ne s'agit plus à proprement parler de sens mais d'attitude devant les événements.
Si je dis :
- Cet été nous allons avoir de gros orages.
- Cet été nous aurons de gros orages.
On perçoit bien une différence qui n'est pas liée au temps (qui passe) mais à la subjectivité. Dans le premier message le locuteur est bien plus concerné que dans le deuxième.
Mais, dans d'autres cas, la périphrase verbale a valeur de futur immédiat  :
- Faites attention, il va ouvrir la porte.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

16 Dernière modification par florentissime (22-03-2015 21:12:22)

Re : conditionnel en apparence

Il y a une bonne étude disponible sur ce sujet écrite par Jean-Marie Merle :
https://hal.archives-ouvertes.fr/file/i … ancais.pdf

La forme du futur est à l'origine une périphrase : "a pour destin de"
-> Cet été, nous aurons de gros orages.
<=> Cet été, nous avons pour destin d'avoir de gros orage.

La forme du "conditionnel" est à l'origine la périphrase : "avait pour destin de"
-> Je les avais prévenus qu’il pleuvrait.
<=> Je les avais prévenus qu’il y avait pour destin de pleuvoir

Quant à la nuance de sens entre la périphrase va + infinitif, et le futur simple, je ne saurais dire si elle est très perceptible, sauf qu'il y a tout de même un coté plus imminent de la première forme que la seconde si ces deux formes sont usitées en même temps... quoique...

- il va pleuvoir aujourd'hui, mais il fera beau demain.
- il fera beau aujourd'hui, mais il va faire beau demain.

La seconde version ne me semble pas si choquante, quoique je préfère la première.

Maintenant si l'on considère la phrase :
S'il venait, alors je serais content.
<=> S'il venait, alors j'avais pour destin d'être content.

On voit que l'imparfait, à coté de son usage temporel (passé qui dure), a aussi un usage modal (hypothèse, politesse), d'où il s'en suit que la périphrase "infinitif + avoir à l'imparfait" a une valeur soit temporelle (futur du passé) soit modale (conditionnel).

On pourrait étendre ce genre de périphrase avec avoir au subjonctif :
- qu'il vienne, je seraie content. (qu'il vienne et que j'aie pour destin d'être content)
- qu'il vienne, tu seraies content. (qu'il vienne et que tu aies pour destin d'être content)
- qu'il vienne, il serait content. (qu'il vienne et qu'il ait pour destin d'être content)
- qu'il vienne, nous serions content (qu'il vienne et que nous ayons pour destin d'être content)
- qu'il vienne, vous seriez content (qu'il vienne et que vous ayez pour destin d'être content)
- qu'il vienne, ils seraient content. (qu'il vienne et qu'ils aient pour destin d'être content)

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Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

Dans le fil "futur proche" il est mis en évidence que la formule composée par le verbe aller suivi d'un infinitif n'a pas toujours servi à exprimer un futur proche mais je constate simplement qu'aujourd'hui cette formule s'est spécialisée dans cette fonction.
http://www.languefrancaise.net/forum/vi … p?id=12072

Je ne le démontrerai pas puisqu'il s'agit pour moi d'un simple constat.

J'espère que les exemples suivants te montreront que l'auxilaire d'ultériorité aller n'est pas réductible ni au futur, ni au proche, ni au futur proche :

     le soleil va s'éteindre dans cinq milliard d'années

     « L'histoire de l'Istrie remonte au paléolithique mais la région va prendre son essor économique sous l'occupation romaine. »

     « En 1933, Hitler va se hisser au pouvoir et régner sur l'Allemagne. »

     « En ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui allait faire de lui un cardinal. »



Pour ce qui est de l'imminence, un cas tout particulier de l'ultériorité et de l'inéluctabilité, tu peux la détecter quand la phrase en aller + infinitif n'est pas transposable à l'aide d'un temps simple :

     le soleil va s'éteindre dans cinq milliard d'années
     le soleil s'éteindra dans cinq milliard d'années
→  pas d'imminence

     « L'histoire de l'Istrie remonte au paléolithique mais la région va prendre son essor économique sous l'occupation romaine. »
     l'histoire de l'Istrie remonte au paléolithique mais la région prendra son essor économique sous l'occupation romaine
→  pas d'imminence

     « En 1933, Hitler va se hisser au pouvoir et régner sur l'Allemagne. »
     en 1933, Hitler se hissera au pouvoir et règnera sur l'Allemagne
→  pas d'imminence

     « En ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui allait faire de lui un cardinal. »
     en ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui ferait/fera de lui un cardinal
→  pas d'imminence

     attention avec le couteau, tu vas te couper !
     *attention avec le couteau, tu te couperas !
→  imminence

     attention avec le couteau sinon tu vas te couper
     attention avec le couteau sinon tu te couperas
→  pas d'imminence



Ylou a écrit:

- Cet été nous allons avoir de gros orages.
- Cet été nous aurons de gros orages.
On perçoit bien une différence qui n'est pas liée au temps (qui passe) mais à la subjectivité. Dans le premier message le locuteur est bien plus concerné que dans le deuxième.

Ce sera sans doute l'effet de l'ultériorité sentie comme inéluctable (reliée au présent) dans la première phrase conjugué à l'effet du futur coupé du présent dans la seconde.

Ce genre de chose se constate aussi du côté du passé :
     cet hiver nous eûmes de fortes tempêtes → passé coupé du présent : aspect perfectif interne du passé simple
     cet hiver nous avons eu de fortes tempêtes → passé relié au présent : aspect perfectif externe du passé composé.



florentissime a écrit:

Il y a une bonne étude disponible sur ce sujet écrite par Jean-Marie Merle :
https://hal.archives-ouvertes.fr/file/i … ancais.pdf

L'étude commence très mal : « Le système verbal français est dérivé du latin ».
Heureusement que l'auteur précise aussitôt : « Or il n'existe pas de conditionnel en latin [...] ».

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Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:

Pour ce qui est de l'imminence, un cas tout particulier de l'ultériorité et de l'inéluctabilité, tu peux la détecter quand la phrase en aller + infinitif n'est pas transposable à l'aide d'un temps simple :

     le soleil va s'éteindre dans cinq milliard d'années
     le soleil s'éteindra dans cinq milliard d'années
→  pas d'imminence

     « L'histoire de l'Istrie remonte au paléolithique mais la région va prendre son essor économique sous l'occupation romaine. »
     l'histoire de l'Istrie remonte au paléolithique mais la région prendra son essor économique sous l'occupation romaine
→  pas d'imminence

     « En 1933, Hitler va se hisser au pouvoir et régner sur l'Allemagne. »
     en 1933, Hitler se hissera au pouvoir et règnera sur l'Allemagne
→  pas d'imminence

     « En ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui allait faire de lui un cardinal. »
     en ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui ferait/fera de lui un cardinal
→  pas d'imminence

     attention avec le couteau, tu vas te couper !
     *attention avec le couteau, tu te couperas !
→  imminence

     attention avec le couteau sinon tu vas te couper
     attention avec le couteau sinon tu te couperas
→  pas d'imminence

Spontanément je répondrais que je perçois l’imminence dans plusieurs exemples que vous avez exclus :

« En 1933, Hitler va se hisser au pouvoir et régner sur l'Allemagne. »

« En ce 22 décembre 1622, Richelieu se voyait remettre par Louis XIII la barrette qui allait faire de lui un cardinal. »

J’ai également la sensation toute personnelle que le verbe aller n’a pas de véritable fonction dans les autres exemples mais je m'accorde un peu de temps pour relire le fil et y réfléchir tranquillement.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : conditionnel en apparence

Cela dit, la notion d'imminence est relative à l'échelle de temps considérée.

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Re : conditionnel en apparence

Ce genre de chose se constate aussi du côté du passé :
     cet hiver nous eûmes de fortes tempêtes → passé coupé du présent : aspect perfectif interne du passé simple
     cet hiver nous avons eu de fortes tempêtes → passé relié au présent : aspect perfectif externe du passé composé.

Je trouve extrêmement intéressant de rapprocher ainsi "aller + verbe inf." et passé composé. Très très pertinent. On est alors dans le discours avec "aller"et c'est la raison pour laquelle on rencontre beaucoup la périphrase verbale à l'oral.
- qu'est-ce qu'on va faire à manger?
- demain, on va se lever tôt
Le futur est possible mais je me demande s'il n'est pas parfois affecté.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

21 Dernière modification par florentissime (24-03-2015 00:32:11)

Re : conditionnel en apparence

Peut-être y-a-t-il en effet un coté déambulation entre le moment présent et le moment futur qui se fait sentir dans la construction avec le verbe aller.

On aurait alors ?
- périphrase aller + infinitif -> futur relié au présent.
- temps futur simple de l'indicatif -> futur coupé du présent.

Cela me semble pertinent.

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Re : conditionnel en apparence

florentissime a écrit:

- périphrase aller + infinitif -> futur relié au présent.

C'est inexact.

En fait, on a : vais/vas/va/vont/allons/allez + infinitif = futur relié au présent.

Mais : allais/allait/allaient/allions/alliez + infinitif ≠ futur relié au présent.

Donc : aller + infinitif ≠ futur relié au présent.

Une meilleure formulation : aller + infinitif = ultérieur relié au temps de référence.

De même que le verbe lexical aller + à exprime un déplacement spatial vers l'aval, le verbe auxiliaire aller + infinitif marque une translation temporelle vers l'ultérieur.



Ylou a écrit:

On est alors dans le discours avec "aller"et c'est la raison pour laquelle on rencontre beaucoup la périphrase verbale à l'oral.
- qu'est-ce qu'on va faire à manger?
- demain, on va se lever tôt
Le futur est possible mais je me demande s'il n'est pas parfois affecté.

Ce n'est pas que le futur simple soit si affecté.
C'est plutôt que cette forme de conjugaison emporte avec elle une coupure radicale du présent d'énonciation :
     qu'est-ce qu'on fera à manger ?
     demain, on se lèvera tôt
     on sonne ; ce sera le facteur
.

Ladite coupure du présent d'énonciation ne signifie pas nécessairement un éloignement de ce présent.
La distance temporelle peut être petite mais la coupure reste nette.
     le soleil va s'éteindre dans cinq miliards d'années → grande distance chronologique mais pas de coupure
     le train partira dans cinq minutes → faible écart temporel détaché du présent.

23

Re : conditionnel en apparence

on sonne ; ce sera le facteur.

Il me semble bien que dans cet exemple le futur marque aussi une supposition. On n'est plus du tout dans l'inéluctable.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

24 Dernière modification par glop (24-03-2015 14:12:47)

Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:

le soleil va s'éteindre dans cinq miliards d'années → grande distance chronologique mais pas de coupure
     le train partira dans cinq minutes → faible écart temporel détaché du présent.

Vu sous un autre angle.

Le soleil va s'éteindre dans cinq milliards d'années.
Le rôle que joue le verbe aller dépasse ici celui d’auxiliaire car il permet de sous-entendre la lente évolution du soleil et le déclin progressif menant à son extinction.

Le train partira dans cinq minutes.
Le train cessera d’être à l’arrêt pour entrer en mouvement à un moment précis mai si l’on avait dit "Le train va partir", le verbe aller aurait repris le rôle d’auxiliaire qu’il joue dans ce que je continue d’appeler le futur proche (ou immédiat).
Par contre :
Le train va accélérer et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.

Le verbe aller redevient un verbe à part entière dont le sens se rapproche du verbe progresser.
aller+infinitif est donc pratiqué de deux façons (au moins); identiques d'aspect  mais de sens différents.

C'est un peu comme si aller+ infinitif suivi de "tout de suite" et aller+ infinitif sans rien à la suite étaient équivalents.
C'est comme cela que je l'utilise.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

25

Re : conditionnel en apparence

Le train va accélérer et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.

Le verbe aller redevient un verbe à part entière dont le sens se rapproche du verbe progresser.

Je ne vois pas que dans cet exemple "va" soit un verbe au sens plein. La preuve c'est qu'on peut toujours essayer de le remplacer par "avance" ou "progresse" dans la phrase.

C'est comme cela que je l'utilise.

Je ne crois pas non plus que vous utilisiez de façon spécifique la tournure.
Il s'agit plutôt d'observer les énoncés et de voir ce qui s'y "passe". Non?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

26

Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

Le soleil va s'éteindre dans cinq milliards d'années.
Le rôle que joue le verbe aller dépasse ici celui d’auxiliaire car il permet de sous-entendre la lente évolution du soleil et le déclin progressif menant à son extinction.

Ce n'est pas ce que signifie la phrase — quelle que soit la fin effective du soleil.

Vois ces phrases :

     le soleil va soudainement s'éteindre dans cinq milliards d'années

     la bombe va exploser dans dix jours.



glop a écrit:

Le train va accélérer et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.

Le verbe aller redevient un verbe à part entière dont le sens se rapproche du verbe progresser.

Pas d'accord du tout.

La preuve en est que tu ne peux mettre l'auxiliaire d'ultériorité aller ni au conditionnel ni au futur simple :

     *le train irait accélérer et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes

     *le train ira accélérer et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.



J'aurais partagé ton avis si l'on avait eu :

     le train va accélérant et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.

Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:
glop a écrit:

Le soleil va s'éteindre dans cinq milliards d'années.
Le rôle que joue le verbe aller dépasse ici celui d’auxiliaire car il permet de sous-entendre la lente évolution du soleil et le déclin progressif menant à son extinction.

Ce n'est pas ce que signifie la phrase — quelle que soit la fin effective du soleil.

Vois ces phrases :

     le soleil va soudainement s'éteindre dans cinq milliards d'années

     la bombe va exploser dans dix jours.

Je trouvais au contraire la nuance précisée par 'glop' pertinente. D'ailleurs, de tes deux nouveaux exemples, le premier ne m'apparaît pas naturel du tout. Le second, oui, mais ce "futur immédiat" connote un sens de continuité et d'attente (angoissante !).

28

Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:

     le train va accélérant et il atteindra sa vitesse de pointe dans trente minutes.

Voici une structure à regarder de près : aller+participe présent.
Les exemples :
- le jour va s’obscurcissant
- la route va se perdant dans des sentes à peine tracées
- les couleurs vont se mêlant les unes aux autres

Il y a expression de mouvement progressif. "aller" serait-il ici dans une position précise de semi auxiliaire, quelque chose entre l'auxiliaire et le verbe "plein"?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

29 Dernière modification par glop (26-03-2015 15:02:52)

Re : conditionnel en apparence

Permettez-moi d'essayer de mettre de l’ordre dans mes idées.

Lorsque aller+inf sert à exprimer une action qui nécessite un mouvement, le verbe peut être conjugué au futur.
Ex: - J'irai chercher les enfants à l’école.
      - J'irai cueillir des pommes.
      Etc.
Autrement, on peut avoir recours à la combinaison "verbe aller au présent ou au passé + indicatif" pour plusieurs raisons.
1)    Aller+inf sans complément : Futur immédiat. Ex : Couchez-vous ; ça va sauter !
2)    Aller+inf+comp : Futur progressif. Ex : Je vais réfléchir à votre proposition.
3)    Aller+inf+comp : Futur de prédiction. Ex : Il va faire beau – ça va coûter plus chère que prévu – ça ne va pas plaire à tout le monde…
Remarque :
Cas n°2 : Personnellement, si l’action exprimée par le verbe doit commencer ultérieurement, Je préfère conjuguer ce dernier au futur. [Je réfléchirais à votre proposition (plus tard) //Je vais réfléchir à votre proposition (dès maintenant.)]

Autre remarque
Il me semble que aller+inf peut également servir à rendre moins péremptoire certaines affirmations. Ex : Vous allez vous plaire ici. Etc.

Je trouve qu’il serait dommage de sous-estimer la différence qui réside entre ces tournures et les phrases directement conjuguées au futur.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

On a la même valeur de futur immédiat possible sans : "Couchez-vous ; ça va sauter !" ou avec Complément : "Asseyez-vous; je vais vous servir."

Et la même valeur de futur progressif avec : "Je vais réfléchir à votre proposition." ou sans complément : "Maintenant que l'orage est passé, les nuages vont se dissiper."

Et la même valeur de prédiction avec : "Vous allez vous plaire ici"ou sans complément : "Vous allez rire."

Par conséquent, la présence ou non de complément n'influe en rien sur la valeur de la périphrase.

Il n'est pas du tout question de sous-estimer la différence entre cette tournure et le futur. Non seulement ce serait dommage, mais ce serait erroné.

Il est vrai que alller+inf atténue ce que le futur a de trop affirmatif; il doit cela à sa valeur progressive. Il n'est que de comparer les deux phrases suivantes :
- demain, il ne sera pas possible que je passe vous voir.
- demain, il ne va pas être possible que je passe vous voir.

Sans aucun doute, nous avons avec le deuxième exemple une formule de politesse.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

31 Dernière modification par florentissime (25-03-2015 12:47:23)

Re : conditionnel en apparence

Cela dit, cette nuance ne dépend-elle pas de l'aspect perfectif/imperfectif du verbe modulé par le verbe aller ?

Verbes d'aspect perfectif : verbes dont l'action a valeur ponctuelle.
-> trouver, sortir, naître, atteindre, mourir, se servir, sauter ...etc

Je vais trouver -> futur proche.
Je vais sortir -> futur proche.
Je vais atteindre -> futur proche.
Il va naître -> futur proche.
Je vais mourir -> futur proche.
Je vais vous servir -> futur proche.
Ça va sauter -> futur proche.

Verbes d'aspect imperfectif : verbes dont l'action a valeur progressive :
-> chercher, marcher, manger, chanter, vivre, réfléchir, se dissiper,...etc

Je vais chercher -> futur progressif.
Je vais marcher -> futur progressif.
Je vais manger -> futur progressif.
Je vais chanter -> futur progressif.
Je vais vivre -> futur progressif.
Je vais réfléchir à votre proposition -> futur progressif.
les nuages vont se dissiper -> futur progressif.

Ces nuances ne sont pas forcément intrinsèques à cette construction par le verbe aller.
Le sens vient par la modulation d'un aspect.

32

Re : conditionnel en apparence

J'ai du mal à raisonner sur des exemples aussi courts sans contexte.
Si je dis :
- poussez les tables, il va danser (ou chanter).
ou
- taisez-vous, il va parler.
N'est-on pas dans l'expression d'un futur proche  avec des verbes imperfectifs?

J'aurais plutôt tendance à dire que c'est l'aspect progressif qui est donné par le verbe modifié.
- Les images vont disparaître de l'écran.
L'aspect n'est pas dans "aller" mais dans "disparaître".
Finalement je me demande si "aller' a un aspect progressif...

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

33 Dernière modification par glop (26-03-2015 17:54:10)

Re : conditionnel en apparence

Aspect d’imminence ou aspect de progressivité ? ; C’est au choix.

Aspect d’imminence :
Léon annonça que Nous allions ouvrir la séance sans Jules mais Jules entra à cet instant.

Aspect de progressivité :
Je sais que nous allons découvrir bien des choses en visitant cette région.

Conjugaison au futur :
Nous ouvrirons le débat (à midi)…
Je sais que nous découvrirons bien des choses (samedi prochain)…

Mais je ne nie pas que, dans certains cas, le futur et aller+inf puissent occuper le même espace-temps.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : conditionnel en apparence

Il reste qu'il y a le coté cheminement, ici d'un moment à un autre, qui ressort avec la construction aller + infinitif.

35

Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

Mais je ne nie pas que, dans certains cas, le futur et aller+inf puissent occuper le même espace-temps.

Même espace-temps "réel" mais espace-temps psychologique différent.
Oui parce que "aller+inf." exprime souvent la subjectivité :
- On va bien s'amuser pendant cette fête (2 mois après).
Comprendre : on y est déjà. Lien avec l'ultérieur.
Alors que :
- Tu verras, on s'y amusera bien.
Ultérieur coupé de la situation d'énonciation.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

36 Dernière modification par greg (27-03-2015 08:27:23)

Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

Lorsque aller+inf sert à exprimer une action qui nécessite un mouvement, le verbe peut être conjugué au futur.
Ex: - J'irai chercher les enfants à l’école.
      - J'irai cueillir des pommes.

D'accord avec toi.
Ici aller est un verbe lexical avec le déplacement spatial pour valeur sémantique.



glop a écrit:

Autrement, on peut avoir recours à la combinaison "verbe aller au présent ou au passé + indicatif" pour plusieurs raisons.

Il faut sans doute lire infinitif au lieu d'indicatif.



glop a écrit:

1)    Aller+inf sans complément : Futur immédiat. Ex : Couchez-vous ; ça va sauter !

Le complément qui permet de savoir que le présent va sauter est doté d'une valeur d'ultérieur imminent n'est autre que l'impératif qui le précède : couchez-vous.
L'imminence est confirmée par l'impossibilité de commuter sur le futur simple : *couchez-vous ; ça sautera !

En grammaire française, le futur "immédiat", le futur "lointain" et le futur "ni trop proche ni trop loin", ça n'existe pas.
C'est le cotexte et le contexte qui permettent de déterminer la grandeur ou la petitesse de la distance temporelle.



glop a écrit:

2)    Aller+inf+comp : Futur progressif. Ex : Je vais réfléchir à votre proposition.

Rien n'est plus faux, à mon avis.
Ici, l'auxiliaire aller n'exprime en aucune manière la progressivité.
Il signifie l'ultériorité, sans plus.



glop a écrit:

3)    Aller+inf+comp : Futur de prédiction. Ex : Il va faire beau – ça va coûter plus chère que prévu – ça ne va pas plaire à tout le monde…

Je pense que tu confonds cause et conséquence.
Ce que tu nommes prédiction n'est qu'un effet de sens lié à la valeur centrale d'ultériorité reliée au présent d'énonciation.

De la même façon, dans : on sonne, ce sera le facteur, la valeur modale (épistémique = probabilité, prédiction, etc) du futur simple sera provient de ce que ce temps grammatical est radicalement coupé du présent d'énonciation.

D'ailleurs tous tes exemples commutent sans peine avec le futur simple :
     les nuages ont des reflets rosés, il fera beau → prédiction
     ça coûtera plus cher que prévu, comme de bien entendu → prédiction
     je te fiche mon billet que ça ne plaira pas à tout le monde → prédiction.



glop a écrit:

Cas n°2 : Personnellement, si l’action exprimée par le verbe doit commencer ultérieurement, Je préfère conjuguer ce dernier au futur. [Je réfléchirais à votre proposition (plus tard) //Je vais réfléchir à votre proposition (dès maintenant.)]

Tu as peut être ce sentiment.
Toutefois ce ressenti ne commande pas la valeur sémantique de l'auxiliaire aller. C'est plutôt cette valeur sémantique qui permet ton interprétation.
Dans : je vais réfléchir à votre proposition, il n'est nullement dit que le processus de réflexion commence sur-le-champ.
Il n'est certes pas impossible que la réflexion débute sans délai : c'est en effet tout à fait compatible avec l'auxiliaire d'ultériorité. Mais ça n'est pas expressément dit.



glop a écrit:

Il me semble que aller+inf peut également servir à rendre moins péremptoire certaines affirmations. Ex : Vous allez vous plaire ici. Etc.

Je trouve qu’il serait dommage de sous-estimer la différence qui réside entre ces tournures et les phrases directement conjuguées au futur.

Tu as tout à fait raison : ces tours présentent bien une nuance non négligeable qui relève de la différence de nature entre l'ultérieur auxilié par aller et le futur catégorique dépourvu d'auxiliaire.



florentissime a écrit:

Verbes d'aspect perfectif : verbes dont l'action a valeur ponctuelle.
-> trouver, sortir, naître, atteindre, mourir, se servir, sauter ...etc

Je vais trouver -> futur proche.
[...]

Verbes d'aspect imperfectif : verbes dont l'action a valeur progressive :
-> chercher, marcher, manger, chanter, vivre, réfléchir, se dissiper,...etc

Je vais chercher -> futur progressif.
[...]

Ces nuances ne sont pas forcément intrinsèques à cette construction par le verbe aller.
Le sens vient par la modulation d'un aspect.

Tu le montres et le dis toi-même : les étiquettes "proche" et "progressif" sont étrangères au fonctionnement de l'auxiliaire d'ultériorité aller.



Abel Boyer a écrit:

le soleil va soudainement s'éteindre dans cinq milliards d'années

la bombe va exploser dans dix jours.

[...] D'ailleurs, de tes deux nouveaux exemples, le premier ne m'apparaît pas naturel du tout. Le second, oui, mais ce "futur immédiat" connote un sens de continuité et d'attente (angoissante !).

Si le premier exemple te semble bizarre, on peut en changer :
     les scientifiques annoncent qu'un tsunami va brusquement frapper les côtes dans quatre heures trente.
Le problème n'est pas tant la naturalité d'une phrase que les propriétés de l'auxiliaire aller.

Quant au second exemple, l'angoisse continue est un effet de sens né d'un ultérieur non immédiat (→ dans dix jours) qui adhère au présent d'énonciation (→ va).

37 Dernière modification par glop (27-03-2015 10:45:05)

Re : conditionnel en apparence

greg a écrit:
[Le complément qui permet de savoir que le présent va sauter est doté d'une valeur d'ultérieur imminent n'est autre que l'impératif qui le précède : couchez-vous.
L'imminence est confirmée par l'impossibilité de commuter sur le futur simple : *couchez-vous ; ça sautera !
En grammaire française, le futur "immédiat", le futur "lointain" et le futur "ni trop proche ni trop loin", ça n'existe pas.
C'est le contexte et le contexte qui permettent de déterminer la grandeur ou la petitesse de la distance temporelle.]

                                                   ______________

C'est en effet le contexte qui amène à choisir entre le futur et aller+inf.
D'ailleurs, si l'on imaginait l'imminence de l'explosion dans le futur, on dirait:
- Vous vous coucherez quand la bombe sera sur le point d'exploser.
On ne dirait pas:
- Vous vous coucherez quand la bombe sautera wink

Autres exemples:

- Il gagnera s’il s’entraîne.
- IL gagnerait s’il s’entraînait.

- Il va gagner s’il s’entraîne.

Dans cette dernière phrase, on ressent bien qu’il est question de gagner la prochaine course alors que dans les deux précédentes, il peut s’agir de n’importe quelle course à venir.
Il n’est pas impossible qu’un aspect d’inéluctabilité, qui n’a pas encore été abordé, soit contenu dans la formule aller+inf car celle-ci ne peut pas être utilisée au conditionnel.

On ne dirait pas :
- Il irait gagner s’il s’entraînait.
On dirait :
- Il va gagner si il s'entraîne.(on perçoit en filigrane le mot certainement avant gagner".)
- Il gagnerait s’il s'entraînait. (on perçoit en filigrane le mot peut-être après gagnerait.)

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Cette formule ne supporte pas grand chose.
Pas le futur ni le conditionnel, mais pas le passé simple non plus ni le subjonctif pas plus que le passé composé ni n'importe quel autre temps composé...
Il serait plus simple de dire qu'elle n'accepte que le présent et l'imparfait.
Pourquoi?
Qu'ont en commun l'imparfait et le présent?
Il peuvent avoir un aspect sécant, non accompli.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

39 Dernière modification par greg (27-03-2015 22:31:46)

Re : conditionnel en apparence

glop a écrit:

- Il gagnera s’il s’entraîne.
- IL gagnerait s’il s’entraînait.

- Il va gagner s’il s’entraîne.

Dans cette dernière phrase, on ressent bien qu’il est question de gagner la prochaine course alors que dans les deux précédentes, il peut s’agir de n’importe quelle course à venir.

Non, je pense que ce ressenti n'est qu'une interprétation.
Dans : il va gagner s'il s'entraîne, il peut s'agir, dès lors que le contexte s'y prête, de la vingtième course et non de la première.
En l'absence de contexte, rien n'indique l'une plutôt que l'autre.



glop a écrit:

Il n’est pas impossible qu’un aspect d’inéluctabilité, qui n’a pas encore été abordé, soit contenu dans la formule aller+inf car celle-ci ne peut pas être utilisée au conditionnel.

Dans ce salon, l'inéluctabilité a été abordée message 5.
L'inéluctabilité provient de ce que l'ultériorité est reliée au temps de référence.



glop a écrit:

- Il va gagner si il s'entraîne.(on perçoit en filigrane le mot certainement avant gagner".)
- Il gagnerait s’il s'entraînait. (on perçoit en filigrane le mot peut-être après gagnerait.)

C'est le concept d'inéluctabilité dont je te parlais au début de ce salon.
Quant à l'hypothèse propre à la forme conditionnelle, c'est une hypothèse plus marquée encore que celle inhérente au futur simple.

Mais prends garde à ceci : les caractéristiques grammaticales (inéluctabilité, surcroît d'hypothèse) des temps de la conjugaison peuvent être complétées par des éléments extraverbaux dont le rôle est d'affiner, de corriger, de contrecarrer  :
     il va peut-être gagner s'il s'entraîne
     il gagnerait certainement s’il s'entraînait.



Ylou a écrit:

Qu'ont en commun l'imparfait et le présent?
Il peuvent avoir un aspect sécant, non accompli.

Entièrement d'accord.

Indicatif imparfait : aspect interne imperfectif (sécant).
Indicatif présent : aspect interne imperfectif (sécant) ou perfectif (global).
Indicatif passé simple : aspect interne perfectif (global).
Indicatif futur simple : aspect interne perfectif (global).
Indicatif passé composé : aspect externe perfectif.

40 Dernière modification par glop (27-03-2015 13:05:24)

Re : conditionnel en apparence

Il est bien difficile de faire le tour de la question.
Je voudrais juste mettre en évidence la principale différence que je perçois entre l’emploi d’un verbe conjugué au futur et l’emploi du même verbe à l’infinitif précédé d’aller.
L’exemple idoine n’est pas facile à trouver.

Prenons une phrase hors contexte :
-    Cette grotte va nous servir d’abris.
Imaginons le contexte :
La grotte vient d’être repérée par le locuteur et elle lui parait providentielle.
La phrase qu’il prononce n’est pas perçue comme un ordre et l’on peut imaginer qu’un autre personnage lui réponde :
-    j’allais le dire.

Autre phrase hors contexte :
-    Cette grotte nous servira d’abris.
Imaginons le contexte:
La grotte est repérée ou l’a été préalablement et le commandant décide ou a décidé qu’elle servira d’abris pour la nuit.
On peut imaginer qu’un autre personnage réponde :
-    A vos ordres.
C’est donc la notion de futur révélé, pressenti ou appréhendé qui s’oppose à la notion de futur déterminé ou planifié.

Je sais bien que ce que je dis là peut être contesté pour la bonne raison qu’aucun avis tranché ne peut aider à déterminer des nuances.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : conditionnel en apparence

Imaginons un autre contexte au premier des deux exemples de glop, et voyons ce qui se passe.
Le chef de l'expédition se tourne vers ses compagnons et profère :
- Cette grotte va nous servir d'abri.
Quelqu'un intervient :
-Je ne suis pas d'accord, elle est trop petite.
Le chef :
- Quand je dis qu'elle va nous servir d'abri, c'est qu'elle va nous servir d'abri!

Il me semble que l'ordre est encore plus péremptoire. Puisque l'aspect est imperfectif la décision va se concrétiser inéluctablement (notons que j'ai employé aller+inf. sans le vouloir).

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42 Dernière modification par glop (27-03-2015 18:08:16)

Re : conditionnel en apparence

La dispute que vous décrivez ne serait pas arrivée si le choix de la grotte avait été planifié.

Si un chef cuisinier me dit, - vous allez vous régaler, cela stimule mon appétit; par contre s'il me dit, -Vous vous régalerez, c'est mon sens critique qui est stimulé.

Prenons la phrase d’André Malraux.
- Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas.
Malraux affirme que le choix se limite à deux possibilités.
Si je substitue "va être" à "sera" (Le XXIe siècle va être mystique ou ne va pas être.), ça ne marche pas ; il manque quelque chose parce que ce qui n’est pas ne peut pas être appréhendé.
- Le XXIe siècle va être mystique ou ne va pas être marrant.
Là ça marche mais ce n’est pas ce qu’a dit Malraux.

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Re : conditionnel en apparence

Oh oh... mais dans cette citation de Malraux on a un jeu sur les mots.
D'une part "être + attribut".
D'autre part le verbe "être" dont le substantif est "essence".
Voici pourquoi on ne peut lui donner comme substitut la périphrase verbale.
Vous-même d'ailleurs le sentez bien, puisque pour y parvenir, vous introduisez un attribut "marrant".

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