Et alors ?
La langue reste ouverte, c'est tout.
Je pourrais apporter de l'eau à votre moulin :
En face du verbe attirer, on n'a rien; car si attirance a son contraire répulsion, le verbe répulser n'existe pas.
émaner, quant à lui est souvent employé improprement par qui cherche à exprimer la symétrie de ce qui provient "d'un corps sans que celui-ci diminue sensiblement de substance" (TLF) et dont le quasi synonyme est "être émis". émettre n'étant à l'évidence pas satisfaisant car d'un sens légèrement différent.
Il y a plus gênant :
Dans un domaine très différent, il n’existe pas de nom « commode » pour désigner celui ou celle avec qui on partage sa vie. Aucun avec lequel on puisse se sentir vraiment à l’aise.
A part mon mari ; mais où est le féminin ? Ma femme ? Le nom masculin correspondant serait alors plutôt mon homme. C’est mon homme passe sûrement encore de nos jours comme une assertion audacieuse, voire provocatrice et teintée de sexualité, alors que je vous présente ma femme passe très bien ! Et pourtant c’est son parallèle exact. Impossible de ne pas souligner au passage cette dissymétrie.
Mon époux, mon épouse est un peu vieilli, pompeux, vaguement ridicule ; mon conjoint est trop administratif et prêterait à sourire. Du reste l’image du joug partagé qu’il véhicule est carrément décourageant : conjux en latin ! ; on oublie très vite concubin qui signifie crûment « celui avec lequel on couche » (du latin : concubinus ), merci pour le romantisme !
Et je ne peux supporter le terme copain. La raison en est très simple, je n’aime pas les euphémismes, et en voici un magnifique et surtout désolant. Un copain, jusqu’à il y a quelques années était une personne qu’on aimait bien, un peu moins qu’un ami, un peu plus qu’une vague relation. Alors, utiliser ce terme pour une relation amoureuse, c’est nier cette relation, manifester qu’on n’ose la faire connaître, peut-être parce qu’on ne veut s’engager, ou à cause d’une étrange pudeur. De toutes manières, on est aux antipodes d’un amour qui s’affirme et désire être reconnu socialement ; on semble vouloir maintenir la relation dans une sorte de clandestinité, au moins d’intimité. Comble du ridicule lorsque l’enfant est là.
D’autres ont choisi ami ; oui, le mot est beau. Dans ami, il y a aimer et il est proche du mot âme. Le hic, c’est qu’on en a souvent bien d’autres des amis. Alors, en désespoir de cause, on ajoute le possessif : je vous présente mon ami, en croisant les doigts bien fort pour que tout le monde comprenne qu’il s’agit de l’amour de votre vie, ou plus modestement de la personne avec qui vous avez une relation d’amour actuellement, avec le droit d’en changer éventuellement. Pas très confortable, surtout lorsque l’interlocuteur fronce légèrement les sourcils ou donne des signes d’hésitation auxquels il faut répondre par des explications un peu gênantes.
On ne peut utiliser l’expression ma moitié que de façon plaisante et donc avec le sourire.
Il nous reste un mot cependant ; un mot modeste mais porteur de jolies promesses ; et c’est le mot compagnon, compagne au féminin. Il évoque un chemin partagé, un soutien mutuel, un parcours initiatique. Et qu’est-ce qu’une vie passée côte à côte sinon une route qu’on fait ensemble, épaule contre épaule, un parcours commun dans lequel on s’engage, et qui exige de changer, d’évoluer, pour conserver et construire.
N’empêche… je suis peut-être difficile mais à y réfléchir, ce couple de mots ne me paraît pas tout à fait satisfaisant. Un compagnon, une compagne, c’est celui, celle, avec qui on partage le pain. Un peu restrictif. Et puis, l’image me vient de deux camarades de travail, partageant leur pain au moment de la pause… décidément, ce n’est toujours pas ça !
Il n’en reste pas moins une évidence : mis à part mari et femme, qui ne conviennent que pour les couples mariés, et qui, par leur absence de symétrie sont moins bien perçus de nos jours, les termes précis, qui ne présenteraient aucune ambiguïté, manquent.
Et même en amont de la constitution du couple, les mots font défaut. Mais cette fois-ci à cause d’un changement dans les mœurs.
De nos jours les fiançailles, cérémonie d’engagement d’un futur couple, n’étant généralement plus de mise, certains mots ne sont plus utilisés et tombent peu à peu dans l’oubli. C’est le cas de bon ami, prétendant, soupirant, bien-aimé, futur, promis, et bien sûr de fiancé, au masculin comme au féminin ; ces mots sont maintenant désuets. Fiancé est un mot de la famille de foi, fidèle, confiance, fiable, féal… et je trouve dommage qu’il ne trouve plus que rarement sa place dans nos discours.
Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha