POURQUOI LES HOMONYMES ?
Pourquoi sont-ils particulièrement nombreux en français ?
Nous apporterons des éléments de réponse grâce à des tableaux comparatifs de phonétique historique.
1. – VERT - VAIR - VERS(prép. et n.) - VER - VERRE
Notes :
- L’astérisque signale les formes phonétiques supposées, les mots soulignés représentent les formes écrites, donc attestées ; le rouge signale l'apparition de l'orthographe actuelle.
- Les lettres entre parenthèses correspondent à des sons en voie de disparition à l’époque concernée (situation variable suivant les dialectes, le milieu social, etc…).
- Les blancs correspondent soit à des étapes intermédiaires non indiquées, soit au maintien de la forme donnée précédemment.
- En gras : voyelles accentuées ; ˘ = signe d’une voyelle brève (niveau latin) ; i̯ = i comme second élément d’une diphtongue ; ę = e ouvert, ẹ = e fermé, e̥ = e moyen, e = e caduc.
Je n’ai donné que les étapes principales des transformations, sans évoquer leur processus.
Conclusions :
Au départ, il n’y a qu’un couple de quasi-homonymes (le nom versus n’est homonyme de la préposition qu’au nominatif singulier).
Des transformations propres au français vont peu à peu amener l’homonymie de toutes ces formes. Celle-ci est due :
a) A la réduction syllabique.
Dès l’époque latine, le seul mot trisyllabique, 1, à été réduit à deux syllabes dans la langue orale du fait de la syncope de la voyelle pénultième atone (voir article sur la syncope).
Les deux syllabes ont à leur tour été réduites à une du fait de la chute de la presque totalité des voyelles finales, phénomène dont l’ampleur est propre au français. Cette voyelle s’est maintenue sous une forme affaiblie, dans 4 pour un temps, dans 5 jusqu’à nos jours, afin de servir d’appui aux groupe -rm et -rr. Au XIIème siècle, il n’y a donc plus que la consonne finale pour distinguer 1, 2, 3 et 4
b) A la chute de la seconde consonne d’un groupe terminal.
Le -s et le -t ont résisté plus longtemps que le -m, qui ne pouvait se maintenir durablement qu’avec une voyelle d’appui (comme dans ferme).
Le -r s’est donc retrouvé en finale partout, achevant une tendance à l'homonymie bien sensible dès le moyen français.
c) A la similitude du point d’aboutissement de certains traitements phonétiques.
En situation tonique, le ĭ de 1 et le ĕ de 3 et de 4, placés en entrave, ont tous deux aboutis au même son ; ils ont été rejoints par le a suivi du ĭ antéposé de 2 dès le XIIème. Le ĭ de 5, libre (le groupe consonne + r ne constituant pas une entrave) aurait dû évoluer vers [wa], mais il s’est aligné sur une série de mots où [wę] s’est réduit à [ę], noté ai ou è (les finales d’imparfaits, le mot tonnerre (< tonĭtru(m), avec déplacement d’accent), etc…
On constate par la même occasion une réduction des diphtongues anciennes, coalescentes (2) ou spontanées (5), phénomène qui ne joue pas en faveur de la diversification.
Au seuil de l’époque classique, l’homonymie est donc quasiment constituée. Il n’y a que l’orthographe, à peu près stable pour ces mots dès le moyen français, pour distinguer ces formes. L’italien, avec respectivement verde, vaio, verso, verme et vetro permet d’apprécier la différence !
Ceci est un travail original. J'ai consulté Gaston Zink, Phonétique historique du français (PUF), Geneviève Joly, Précis de phonétique historique (Coll. U) ainsi que Pierre Fouché, Phonétique historique du français (Klincksieck) essentiellement dans le but de préciser la chronologie.
J'ai suivi celle de G. Zink pour établir les principales étapes de l'histoire du mot verre.