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Revue du sujet (plus récents en tête)

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Merci Florentissime pour votre analyse qui éclaire parfaitement la discussion en cours.

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Une définition positive de objective ?

Mais y a-t-il une seule signification du terme objectif ?

Bon, nous avions vu que le substantif sous-tend les qualités contenues en son concept.

L'adjectif, en général, se rapporte à une de ces qualités :

Par exemple, « un homme bavard » implique un homme qui fait un usage immodéré de la qualité de parole dont il est doté.

Or, puisqu'un adjectif se rapporte à des qualités induites par un substantif, et que tous les substantifs induisent des qualités particulières à leur concept, il est possible que le même adjectif, appliqué à des substantifs différents, se rapporte finalement à des qualités diverses, selon le substantif, d'où diverses nuances de signification.

Prenons l'exemple de l'adjectif « objectif », puisque c'est celui qui nous concerne ici.

le cnrtl.fr (cf http://www.cnrtl.fr/definition/objectif ) nous présente un certain nombre de significations distinctes :

A 1 : qualifie, dans le domaine militaire, ce qui a trait au but d'une opération -> ligne objective, point objectif.
A 2 : qualifie, en optique, un verre qui constitue un dispositif optique -> verre objectif.
B 1 : qualifie, ce qui existe en soi, indépendamment du sujet pensant -> réalité objective; valeur objective; souverain bien objectif.
B 2 : qualifie, ce qui existe en tant que pensé, indépendamment de toute réalité : l'ordre mécanique objectif du monde
C 1 a : Qui relève d'une réalité indépendante, extérieure à l'esprit et susceptible d'être connue par les sens -> Existence objective; conditions, données, réalités objectives; événement objectif; éléments objectif d'une impression. symptomatologie objective.
C 1 b alpha : fondé sur l'expérience, sur l'observation des réalités extérieures : Méthode, vérité objective; psychologie objective; connaissance objective; sociologie objective; analyse objective; Droit objectif;
C 1 b beta : Qui s'attache au seul rendu de la réalité décrite : art objectif; écrivains «objectifs»; peintures objective
C 2 a : Qui manifeste un souci d'exactitude, faisant abstraction de toutes préférences, idées ou sentiments personnels : Exposé, jugement objectif; lecture objective; article, compte rendu, ouvrage objectif; narré objectif; examen objectif; information objective.
C 2 b : personne objective.
D : (Grammaire) qui a rapport au complément d'objet.

On voit qu'il y a une importante variabilité des définitions, où le contexte de l'usage joue un grand rôle.

en A1, dans le domaine militaire, mais on trouve aussi l'expression « ligne objective » en architecture, « objectif » s'applique à « ligne » ou à « point ». La qualité de la ligne ou du point se rapporte alors à son but - je suppose que l'emploi se fait en l'état-major sur les cartes. « objectif » énonce alors une finalité du substantif complété.

en A2, en optique, le verre doit sa qualité à être situé dans l'objectif.  « objectif » énonce alors une position du substantif complété.

en B, les deux définitions sont contradictoires. Je suppose que l'on touche sur ce point à la « querelle des universaux » : quelle valeur de réalité doit-on donner à nos catégories de pensées - donc, au substantif ? Pour le nominaliste, la catégorie - le substantif, est toujours hors du réel. Pour le réaliste, elle peut toucher à une réalité substantielle.

en B1 : Nous sommes de le cadre du réalisme : il existe, par exemple, un « Bien objectif », c'est-à-dire une définition objective du Bien, qui ne dépend de l'intellect de personne, et sur lequel tout-le-monde peut (et doit) s'accorder.
en B2 : Ce n'est évidemment pas possible dans le cadre du nominalisme, car le Bien n'a pas de définition intrinsèque, c'est une convention. Chez Descartes, la seule chose qui peut être objective, c'est la pensée en soi. On ne peut pas accéder objectivement au réel. Ce à quoi l'on accède objectivement, c'est à l'idée.

Autrement dit, en B1, « objectif » qualifie une pensée en adéquation avec le réel (synonyme : vrai, exact, juste) : idée objective, concept objectif, bien objectif
en B2, « objectif » qualifie un point de vue qui peut être clairement conçu (synonyme : conceptuel, abstrait, évident)

En C, certaines définitions se rapportent à la réalité vécue, vue comme en opposition à la pensée, mais accessible par les sens - Nous touchons là à l'empirisme. Il y a ce que l'on pense des choses, leur substance subjective, et ce que sont les choses, leur substance objective. L'empirisme est pour beaucoup une conséquence de la querelle des universaux. En effet, les nominalistes ayant acté la défaite de l'intelligence pour connaître le réel, l'alternative développée par l'empirisme fut de connaître par les sens.

C1 a : Dans ce sens, objectif devient synonyme de « sensible » - le ciel sensible Vs le ciel mystique - existence sensible.
Cela dit, dans la citation de De Broglie, objectif devient synonyme de réel. Mais il conclut sur la réalité du phénomène du fait de la possibilité de sa perception sensible.

C1 b alpha : ici « objectif » indique une démarche fondée sur l'empirisme : méthode objective, psychologie objective, vérité objective, connaissance objective, sociologie objective. Le synonyme est « empirique »

C1 b beta / C 2 a / C 2 b  : ici « objectif » qualifie une forme de « neutralité »

D : En grammaire, « objectif » qualifie un terme se rapportant au complément d'objet du verbe.

« en rapport au but », « en position dans un instrument de visée », « vrai », « exact », « juste », « évident », « conceptuel », « sensible », « réel », « empirique », « neutre », « en rapport à un complément d'objet ».  Bref, la valeur que prend l'adjectif « objectif » dépend non seulement du substantif qu'il qualifie, mais encore de son domaine d'utilisation, et pour ses emplois philosophiques, du paradigme philosophique sous-entendu.

Finalement : Un adjectif se rapporte à des qualités induites par un substantif. Mais tous les substantifs induisent des qualités particulières à leur concept, lequel varie tant selon le domaine que le paradigme.

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Ok... ça commence à devenir intéressant.  Je retiens surtout que c’est le substantif qui détermine la qualité qui lui appartient.  C’est logique, évident.  Merci florentissime.   

Je vous soumets une autre question : quelle est la signification de « objectif »?  Mais je cherche quelque chose de précis.  Je cherche une définition positive de « objectif ».

Dans la littérature éthique et métaéthique, « objectif » est associé à une multitude de termes.  Dans les plus courants, il y a ceux qui renvoient à l’idée d’indépendance existentielle : entité objective, réalité objective, fait objectif, etc.  Ainsi, on dira qu’une entité est objective si elle existe indépendamment de l’esprit (de ce qu’on en pense, des idées, des préférences, etc.).  Dans ces cas, « objectif » a un sens ou un caractère ontologique. 

Mais il y a plusieurs autres termes qui ne renvoient pas à l’idée d’indépendance existentielle : analyse objective, étude objective, rapport objectif, critère objectif, principe objectif, jugement objectif, etc. 

Par définition positive, j’entends celles qui s’appuient ou mettent l’accent sur ce qu’est « objectif ».  Par définition négative, j’entends une définition qui s’appuie ou met l'accent sur ce que n’est pas « objectif ».  Essentiellement, il s’agit de définitions qu’on peut assimiler à « non subjectif ».  Par exemple, on parle d’énoncés dans lesquels on retrouve des expressions ou des termes comme : « indépendant de l’esprit », « indépendant des attitudes individuelles », « indépendant des émotions ou des sentiments », « indépendant de toute connaissance ou idée », « impartial », « détaché », « désintéressé » ou « impersonnel ». Les quatre premières expressions s’appuient sur l’idée d’indépendance (mais non existentielle) et les quatre derniers termes sont à caractère connotatif ou métaphorique.

Le terme « indépendant », ainsi que les termes à caractère connotatif ou métaphorique mentionnés, sont morphologiquement construits avec des préfixes de négation : in-dépendant, im-partial, dé-taché,  dés-intéressé et im-personnel.   D'où l'idée que ce sont des définitions négatives.  Tous ces termes renvoient à une chose qui est jugée devoir être absente pour définir ou justifier, d'une certaine façon, ce qu’est l’objectivité ou « objectif » : la dépendance, la partialité, l’attachement, l’intérêt, etc. 

Alors donc... y a-t-il une définition positive de « objectif »?  Parce que sinon, « objectif » risque d’être synoyme de, ou équivalent à, « non-subjectif ».

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vutyx a écrit:

Bonjour,


Mon problème concerne le caractère et l’usage de l’adjectif « objectif ». Selon l’usage que j’ai constaté dans la littérature, l’adjectif « objectif » n’est habituellement pas associé à des objets concrets et tangibles.  On ne parle habituellement pas de pierre objective, de table objective, de chaise objective, de planète objective, etc.  On parle plutôt de vérité objective, de diagnostic objectif, de compte rendu objectif, d’analyse objective, etc.  Tous ces termes semblent ultimement renvoyer à un processus mental et ils sont plutôt des concepts abstraits.

Je pense simplement qu'il faut se placer en imagination devant l'objet référent. L'adjectif objectif renvoie à l'objet, à une réalité indépendante, extérieure à l'esprit et susceptible d'être connue par les sens. Placés devant une pierre, une table, une chaise, il est évident pour les observateurs que ce sont des objets perceptibles ou concrets et il est inutile de préciser que ce sont des choses ''objectives"''. L'adjectif s'adjoint au substantif pour indiquer une propriété du référent qui n'est pas indiquée par le substantif. Et cela est plus évident si l'on comprend que le signifiant n'indique qu'une ou deux propriétés du référent.

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.

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Si il faut mettre une chose devant le nez d'autrui pour qu'il la voie, c'est qu'elle n'est pas très concrète.

Mais c'est plutôt le substantif qui mérite d'être qualifié d'abstrait ou concret.

Soit la substance est réelle, dans le monde externe à soi - substance réelle.
Soit la substance est idéelle, dans le monde interne à soi - substance idéelle.

Mais les substances ne peuvent avoir toutes les qualités.
Par exemple, un homme est une substance réelle.
Il peut être bavard.

Or une pierre est aussi une substance réelle.
Mais une pierre ne peut être bavarde.

Dire que bavard serait un adjectif concret ne nous servirait pas à grand-chose.
Bavard est employable uniquement pour une substance dotée de parole, qualité que n'a pas la pierre.

Bref : aucun adjectif, terme qui sert à évoquer certaines qualités-caractéristiques d'une substance, ne peut qualifier toutes les substances, puisque chaque substance à ses caractéristiques propres.

Ainsi si une pierre ne peut être internationale, ce n'est pas qu'international est un adjectif abstrait.
C'est qu'international n'est pas un prédicat possible pour le sujet pierre.
International est un prédicat réservé aux substances apparentées aux produits de l'humanité (traité, entreprise, association, organisation, accord,...etc )

De même, si la vérité ne peut être jaune, ce n'est pas que jaune est un adjectif concret.
Jaune est un prédicat réservé aux substances qui possèdent une caractéristique de couleur.
Or la vérité n'a pas de couleur, n'est-ce pas ?

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Merci à vh et Ylou pour vos réponses.

Il est probablement inutile de chercher midi à quatorze heures.  La distinction abstrait/concret est la réponse que je cherchais.  Selon toute vraisemblance, « objectif » est un adjectif abstrait. 

Pour info si ça vous intéresse, ma thèse porte notamment sur la distinction entre le sens ontologique et le sens épistémique de l’objectivité.  Et une des choses que je cherchais à montrer, c’est que l’adjectif « objectif » est habituellement associé à des termes qui impliquent cet acte mental ou discursif qu’est l’affirmation (l’énoncé, le jugement).

Mais bon, je pourrais en parler longtemps et les philosophes sont très bavards.

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Une remarque cependant et je ne sais si elle vous intéressera.

Les adjectifs épithètes en français peuvent se trouver, soit avant le nom, soit après.
Selon leur position ils peuvent être classés comme concrets ou subjectifs, voire abstraits.
Prenons par exemple l’expression  de mes blanches mains : de façon inattendue l’adjectif de couleur est placé avant le nom, lui donnant tout à coup une valeur morale : ici blanches signifie pures. Oui mais… nous disons justement des mains pures et non de pures mains, énoncé étonnant certes, mais au fond possible. Pour mieux sentir la nuance, avançons l’expression : c’est un pur esprit qui ne signifie pas que la personne a un esprit pur, c'est-à-dire exempt de toute souillure. Lorsqu’on pose pur avant esprit on veut dire que la personne ne vit que par son esprit, non par son corps. Là encore, comme pour blanches, pures antéposé prend une valeur non descriptive mais morale, voire métaphorique.
Prenons cette fois le problème par l’autre bout : est-ce que placer l’adjectif à gauche du nom serait lui donner une valeur subjective ?
On constate en effet, que certains adjectifs ne peuvent jamais se placer avant le nom : on dira toujours un homme robuste, un enfant malade, un objet rond. Ces adjectifs qualifiant une réalité ne peuvent donc pas être utilisés pour rendre compte d’une subjectivité du locuteur.

Il est intéressant de constater que les participes passés ne peuvent se placer qu’après le nom : une fenêtre ouverte, un lit défait, une personne intéressée…Le participe passé prenant en compte le résultat d’une action ne pourrait donc lui non plus, prendre de valeur subjective ou abstaite. Sur le plan syntaxique, il est un raccourci de l’expansion nominale caractérisante : on pourrait développer en écrivant : qui est ouverte, qui est défait, qui est intéressée.

Qu’en est-il des adjectifs dits verbaux en –ant ? On dira une erreur courante et jamais une courante erreur. Oui mais on peut dire aussi bien une charmante personne que une personne charmante, un talent étonnant que un étonnant talent. On voit bien que les choses fonctionnent différemment ici : l’adjectif verbal ne rend pas compte d’un résultat, comme c’est le cas du participe passé, mais plutôt d’un processus. Par conséquent il est apparemment apte à traduire une valeur subjective. Et pour ce qui concerne courante, son sens, qui s’est d’ailleurs largement écarté de celui du verbe courir,  implique un constat. En revanche, on peut déplorer d’humiliantes erreurs comme d’amères  pensées, on peut se laisser glisser dans  de charmantes rêveries ou encore de noires appréhensions.

Que se passe-t-il avec des adjectifs désignant normalement une qualité physique lorsqu’on les met à la gauche du nom ?
Prenons un peu au hasard le mot carré.  Une maison carrée ne pourra devenir une carrée maison, la même chose se vérifiera si elle est rectangulaire ou ronde.  Impossible de dire un maigre homme. Alors, pourquoi peut-on entendre un gros homme ? la réponse est simple : le fait d’être gros est passible d’un jugement moral, pas la maigreur. Et du reste on voit bien que le mot obèse, qui resté longtemps dans des contextes médicaux, ne s’antépose jamais. Il est impossible de dire une obèse personne. Quand je dis « impossible », je pense évidemment à l’usage courant : tout est possible dès lors qu’on utilise la fonction poétique du langage, bien évidemment.

On commence en général ce type d’analyse par les adjectifs les plus courants, les plus largement employés. Petit, joli, vieux, grand, bon, beau … se placent généralement avant le nom, bien que leur valeur soit généralement descriptive, mais si on les place après, on retrouve le même décalage de point de vue. Comparons par exemple les deux phrases : J’habite une petite maison et J’habite une maison petite. Ou encore C’est une jolie fille et C’est une fille jolie. Et c’est l’inverse qui se produit : on passe cette fois d’un point de vue  plus objectif à un point de vue plus personnel ; on redonne du poids, de la densité, à la qualité.

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À mon avis, cette distinction ne relève que de la sémantique. On la note dans les adjectifs, les substantifs, les verbes, les adverbes.

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Bonjour,

J’ai récemment complété un doctorat en philosophie et ma thèse portait sur l’objectivité des valeurs en éthique.  Je travaille en ce moment sur un article dont le contenu concerne un problème que j’ai insuffisamment approfondi dans ma thèse.  Celui-ci relève davantage de la linguistique.   

Mon problème concerne le caractère et l’usage de l’adjectif « objectif ». Selon l’usage que j’ai constaté dans la littérature, l’adjectif « objectif » n’est habituellement pas associé à des objets concrets et tangibles.  On ne parle habituellement pas de pierre objective, de table objective, de chaise objective, de planète objective, etc.  On parle plutôt de vérité objective, de diagnostic objectif, de compte rendu objectif, d’analyse objective, etc.  Tous ces termes semblent ultimement renvoyer à un processus mental et ils sont plutôt des concepts abstraits.   

En fait, cet aspect n’est apparemment pas propre à « objectif ».  Il y a une multitude d’adjectifs qui ne s’associent pas à des objets concrets. Si on parle de traité international, on ne parle (habituellement) pas de pierre ou de scie internationale.  Et  l’inverse est aussi vrai : si on parle d’une fleur jaune, on ne parle habituellement pas d’une vérité ou d’une analyse jaune. 

Les questions auxquelles j’aimerais pouvoir répondre sont les suivantes.  Pourquoi est-ce ainsi?   En linguistique, comment distingue-t-on ces deux types d’adjectifs?  Par l’opposition abstrait/concret... tout simplement?  Y a-t-il une autre façon de distinguer ces adjectifs?  Y a-t-il d’autres aspects qui m’échappent relativement à cette question?       

Merci à l’avance pour votre aide...