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Amazon gratuit ? Si ce n'est pas du rêve, ça...

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Yacine Zerkoun a écrit:

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La promotion n'est plus de mise.

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Avec des étymologies pas toujours rigoureuses.
Il ne faut pas confondre dérivation lointaine et étymon.
Par exemple, balance ne dérive pas de bilanx : d'où viendrait le -ce final ?
De même pour bilan, les choses sont plus complexes...

Mais ce n'était pas l'optique de votre texte, il est vrai.

2

C'est un joli voyage étymologique que vous nous décrivez là. Merci.

1

Étymologie discrète. Le voyage.

Voyage, « du latin viaticum, provision de voyage, et aussi viatique, de via, voie, chemin. Chez les religieux, l'argent qu'on leur donne pour leur dépense en allant d'un lieu à un autre. Par extension, argent donné pour un voyage à une personne quelconque » (Littré). A l'origine, le voyage c’est d’abord les préparatifs que l’on fait avant de partir. Que cela soit l'argent, les billets d'avion, les cartes, la valise, le bâton, l’itinéraire... On prévoit a l'avance le moindre déplacement qui nous sort de notre vie quotidienne. Ce n'est pas un hasard si pourvoir et prévoir on la même étymologie (pourvoir, du latin providere, pro, pour, et videre, voir ; prévoir, praevidere, prae, devant). Partir en voyage suppose de voir loin, de se projeter dans l'avenir.

  Aujourd'hui on peut voyager d'une traite d'un point a un autre, mais il y a eu un temps ou l'on devait faire étape. « Une étape est une fourniture de vivres, de fourrages qu'on fait aux troupes qui sont en route. C'est aussi le magasin où l'on met les vivres destinés aux troupes qui passent. Le roi ordonnait dans l'ordonnance du 19 novembre 1549 que les troupes de passage ne pussent s'approvisionner de vivres qu'à l'étape. Lieu où des troupes en marche s'arrêtent pour passer la nuit, ainsi dit parce que c'était là qu'on fournissait l'étape. Arriver à l'étape » (Littré). Faire une étape c'est faire des provisions, prendre son viatique. Étape vient du latin stapula, qui signifie entrepôt. On peut faire un lien avec étable.

  Lorsqu'on décide de passer la nuit a l’étape, il faut un hébergement, « heriberga, campement militaire, de heri, armée, et berge, logement: proprement logement des gens de guerre, puis, par extension du sens, logis en général et même auberge » (Littré).

Le décors posé, nous pouvons chausser nos bottes de sept lieues. Commençons par le commencement, c’est-à-dire le voyage initiatique, « du latin initialis, de initium, commencement, de in… , et ire, aller: aller en, dans » (Littré). Le voyage initiatique, c'est ce mouvement premier qui nous fait perdre l’équilibre, qui rompt le statu quo (du latin status, « état, situation », que l'on peut rattacher a une racine indo-européenne exprimant l’idée de se tenir debout immobile). Le voyage initiatique inaugure la ligne du temps en créant un avant et un après: on n'est plus le même au départ et a l’arrivée. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Partir n'est jamais anodin et comporte des dangers, que l'on descende aux Enfers comme Orphée ou que l'on aille a la recherche d'un trésor comme les Goonies. Le premier pas est celui qui nous coûte le plus car c'est celui qui nous fait passer du temps immobile au temps mobile, c’est-à-dire a l'Histoire. Et en effet, peut-on dire que l'histoire ait commencé tant que le personnage principal n'a pas fait le premier pas en dehors de sa zone de confort (famille, amis, collègues...) ?

Le voyage est propice a l'aventure, aux rencontres.
En parcourant les routes, on arpente aussi le chemin intérieur, car, comme en alchimie, la vraie transmutation n'est pas celle de la matière mais de l’être. Le voyage alchimique par excellence est celui de Compostelle. En partant de Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées-Atlantiques, on suit symboliquement la course du soleil qui se lève a l'ouest et se couche a l'est, dans le champ des étoiles, étymologie supposée de « Compostella », campus stellae. La Voie Lactée s'appelle d'ailleurs populairement le Chemin de Saint-Jacques. On lit, dans la Table d'émeraude, que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas : les voies de terre ont leur équivalent dans le ciel, les nourritures terrestres n'auraient aucune saveur sans les nourritures spirituelles.

Le viatique est dans la religion catholique «  l'eucharistie administré aux malades en danger de mort, afin de les disposer à passer de cette vie à l'autre »(Littré). De fait la mort est fortement associée au thème du voyage. Il n'est pas anodin qu'un poète comme Baudelaire ait terminé son recueil des Fleurs du Mal avec un un poème intitulé "Le Voyage", qui vient clore une section qui s'appelle « La Mort ». Dans cette pièce en vers, la métaphore de la navigation est récurrente. Y aurait-il un lien avec le fait que dans l’antiquité grecque, le viatique était « l'obole que l'on mettait dans la bouche des morts pour payer a Charon le passage du Styx »(CNRTL)?

Après la mort symbolique, il y a le retour chez soi, le retour sur soi : avec des yeux neufs, nous observons ce paysage qui a changé, ces maisons repeintes, ces trottoirs refaits, ces rues rebaptisées ; nous somme de plein pied dans « l’étonnement du retour »dont parle Stendhal. Une fois cet étonnement dépassé, c'est le heure de l'introspection, du bilan, du latin bilanx, « deux plateaux », qui a donne balance. On mesure le chemin parcouru, le trajet réalisé. L’équilibre perdu au départ est enfin retrouvé.

Yacine Zerkoun