CAGNA, subst. fém.
Arg. des casernes. Abri de tranchée généralement souterrain :
1. ... percé jusque dans ses manies les plus secrètes par la promiscuité constante du poste et de la cagna, il [le sous-officier] n'est obéi que selon ce qu'il a mérité d'estime...
AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 274.
P. ext., pop. Abri, cabane :
2. ... une famille de récolteurs, timide, vient se figer sur le seuil de sa porte. (...). Ils pénétrèrent dans la cagna cuisante au fond de laquelle tempêtait notre homme au « corocoro ».
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 172.
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1. 1896 cái-nha « sorte de maison rudimentaire du Tonkin » (CERA, Tonkinoiseries ds G. ESNAULT, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956) ; 1915 cagna « id. » (Le Journal, 17 juill. ds SAIN. Tranchées : Les cagnas de Tuyen-Quan) ; 2. 1914 « abri dans les tranchées » (81e t. Artois et XXXXe inf., Lorraine d'apr. ESN. Poilu, p. 123). Empr. à l'annamite cai-nha (composé de cai numéral des choses inanimées et nha « habitation, maison, demeure », cf. DAO VAN TAP, Dict. fr.-vietnamien élémentaire, impr. Vinho-Bao, Saïgon, 1951), comme l'indiquent les témoignages cités par ESN. Poilu, loc. cit. et A. DAUZAT, L'Arg. de la guerre, 1918, p. 124 ; l'hyp. d'un empr. au prov. canha, v. cagnard1 (FEW t. 2, p. 185a et p. 188a, note 10) est à considérer comme caduque. Fréq. abs. littér. : 41. Bbg. POHL (J.). La Maison ds les fr. marginaux. Vie Lang. 1969, p. 147. (tlfi:cagna)
Très usuel et dès 1915 très général ; Lorraine dès oct. 1914 ; infiniment plus usuel que gourbi et guitoune ; annamite cai-nhà, maison en paillotte ou bambou tressé (Léra, Tonkinoiseries, 1896) ; d'où cagna, chambre (de caserne) usuel dès longtemps aux coloniaux dans leurs dépôts en France. Au sens de maison, chez-soi, usuel à Brest, 1901. L'étymologie proposée de cagna par cagnard (abri sur le pont d'un navire, abri sous les ponts de Paris) n'est condamnable ni en sémantique, ni parce que cagnard est désuet, ni phonétiquement mais, outre les témoignages des coloniaux, la morphologie s'y oppose : on dit un cagnard et une cagna. (Esnault1919)
- Mot importé des colonies, désignant la petite hutte tonkinoise ou annamite, faite en bambou, dans laquelle habitent les coolies et les femmes. (SAIN-TRANCH)
- Mot annamite importé du Tonkin par les troupes coloniales. (Déchelette, 1918)
- Exotique. (AYN)
- Annamite cai-nha (1896) « la maison ».
- Vieux mot d'argot militaire. (Gauthiot1916)
- Importé de l'Indo-Chine, viendrait de l'annamite caghna qui signifie maison. (Garver1917)
- Mot des coloniaux. (Laut1916)
- Semble d'origine annamite (il reste un petit doute car on a signalé un ancien mot parisien cagnar – famille de acagnarder – qui désignait jadis des abris le long du petit bras de la Seine sous l'ancien Hôtel-Dieu) et date de l'expédition du Tonkin. (Dauzat1917MdF)
- Mot des colonies ou origine plus parisienne : on appelait autrefois cagnars des abris qui s'ouvraient sur les petits bras de la Seine, dans les fondations de l'Hôtel-Dieu. (REPPS1916)
- Erreur de Sainéan qui le croit nouveau ; ancien mot de caserne (Dauzat1918, d'après Gauthiot) désignait en Annam la paillotte indigène et s'est appliqué à l'abri de campagne dès l'expédition du Tonkin. On a signalé un ancien mot parisien cagnar (de la famille acagnarder) qui désignait jadis des abris le long du petit bras de la Seine sous l'ancien Hôtel-Dieu et A. Daudet a aussi parlé d'un cagnard entre deux roches mais il n'y a là qu'une quasi-homonymie de hasard. Cagna est parfois masculin. (Dauzat1918)