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Dodo la Saumure fait son autobiographie | 2013-05-22

Publication de l'autobiographie d'un ancien bordelier du Nord, avec de vrais morceaux d'argot. Pour se remettre du « wesh-wesh ». ()

dodo-la-saumure-photo-christophe-lefebvre.jpg: 589x367, 41k (2013-05-23 00:03) moi-dodo-la-saumure-2013.jpg: 326x500, 23k (2013-05-23 00:02)

Dodo la Saumure en 176 pages

L’homme sort sa biographie demain. Il la dédicacera samedi à la librairie Decalonne.

TOURNAI. Moi, Dodo la Saumure. Dominique Alderweireld se raconte sans fausse pudeur dans cette biographie qui sortira dès demain dans les librairies.
Contacté voici quelques mois par les Éditions Denoël, qui font partie du groupe français Gallimard, l’homme n’a pas hésité longtemps avant d’accepter d’écrire son histoire en collaboration avec le journaliste français Jean-Pierre Saccani, rédacteur en chef de La Parisienne.
“En lisant sa biographie, on se demande comment un seul homme a pu vivre tout ça ”, sourit Alain Bonnet, de la librairie Decalonne, qui a déjà lu les 176 pages du bouquin. “Il a toujours eu une vie très remplie, il a su rebondir sur toutes les opportunités et saisir sa chance quand elle se présentait. Son écriture fait un peu penser aux dialogues d’Audiard, style Les Tontons flingueurs et regorge de mots en argot. D’ailleurs, à la fin, on retrouve un lexique de cinq pages intitulé Le Dodo pour les naves.”
Au-delà de l’affaire DSK, qui l’a rendu célèbre, l’auteur revient sur près de 40 années de vie professionnelle. De Lille à Tournai, il lève le voile sur son parcours atypique et sur ses relations aux sobriquets dignes du sien : Judas, l’Assassin, etc.
Samedi après-midi de 15 h à 17 h, Dominique Alderweireld sera présent à la librairie Decalonne, sur la Grand-Place de Tournai, pour présenter son livre dans le cadre d’une rencontre-dédicace. “Il est un de nos fidèles clients et je peux vous dire qu’il ne lit pas n’importe quoi : il est féru d’histoire, de philosophie et de littérature ”, poursuit Alain Bonnet. “Après une présentation du livre un échange avec le public présent, il se prêtera au jeu des dédicaces. Nous proposons ce type d’événement à tous les auteurs tournaisiens et nous garderons la même formule pour M. Alderweireld.”
L’ambiance devrait pourtant être légèrement différente : une équipe de Canal + fera notamment le déplacement pour assister à cette séance de dédicaces…

Sibylle Dekeyser. © La Dernière Heure 2013


Dodo la Saumure, confessions d'un tonton flingueur

Et maintenant, il écrit. Dominique Alderweireld, alias Dodo la Saumure à la frontière belge, a commencé à rédiger ses mémoires au plus fort de l'affaire du Carlton de Lille et d'une notoriété mondiale inespérée, rentabilisée aussi soigneusement qu'un bar à hôtesses. On ne lit pas ce très complaisant « Moi, Dodo la Saumure » par amour de la littérature ou de la vérité. Mais on peut lui reconnaître une honnête et nostalgique truculence à la Audiard.

- En rédigeant vos mémoires, n'essayez-vous pas de gagner une certaine respectabilité, peu courante dans votre milieu ?

« Je ne pense pas qu'il s'agisse des mémoires d'un bourgeois ! Dans mon monde, qui est un peu à part, le respect ne s'acquiert pas par l'édition d'un livre. Je n'aime pas la violence, mais tout le monde sait la limite à ne pas dépasser au-delà de laquelle on rencontre le plomb ! »

- Pourquoi raconter votre vie maintenant ? N'est-ce pas plus un plaidoyer - on reconnaît des pans entiers prononcés par vos avocats dans les tribunaux belges (1) - qu'une autobiographie ?

« L'idée du livre ne vient pas de moi, mais de personnes de mon entourage - la tenancière d'un de mes établissements, un flic... Mais je n'ai pas écrit un récit qui peut me faire aimer, j'ai voulu donner une image la plus authentique possible. J'avais des choses à raconter, même si je n'ai jamais accompli d'exploits dans le mitan, à la périphérie duquel j'ai toujours été. C'est vrai aussi que je veux démystifier l'affaire DSK, avec laquelle on s'est moqué du monde. Il y avait autre chose à faire, vu l'état de la France, que de s'acharner sur cet homme. On n'a pas attendu cette affaire pour connaître son addiction au sexe. Et puis franchement, à part De Gaulle et Baudouin... »

- Vous êtes toujours soupçonné d'avoir fourni des prostituées à des clients d'hôtels lillois, dont le Carlton...

« Ce que j'ai toujours nié ! Selon les juges lillois, j'aurais donné mon accord tacite pour que des filles participent à des parties fines au Carlton, mais aussi à Washington et ailleurs avec DSK ! Ces juges ont commencé une procédure d'assises, traîné dans la boue des personnes qui n'avaient rien à voir avec tout ça, alors allons jusqu'au bout voir ce que cela donnera devant un jury populaire (2) ! L'affaire du Carlton, c'est un procès de plus qui ne m'inquiète pas. Pas plus que toutes les procédures d'appel en cours que j'ai en Belgique. »

- Aucune révélation sur l'affaire Strauss-Kahn ou du Carlton, ou sur le milieu lillois... Avez-vous été censuré ?

« J'avais tout écrit à ma façon et, malheureusement, les avocats ont préféré une forme plus classique. Je n'ai pas été vraiment censuré, en tout cas pas sur le fond, mais plutôt sur le vocabulaire et certains noms... L'esprit est respecté, même si c'est moins croustillant. Que voulez-vous, on est dans une société aseptisée. Aujourd'hui, Saint-Simon (XVIIIe siècle) n'aurait pu écrire ses mémoires tel qu'il l'a fait. »

- À vous lire, ce n'est pas tant le goût du lucre que le sens des affaires qui vous guide... et qui fait de vous un vrai tombeur !

« Mais c'est vrai que j'ai le sens des affaires ! Même si ce qui me motive, ce n'est pas l'argent, mais la liberté. J'ai été employé de banque... dix jours ! Je n'ai jamais été chercher la gamelle, même si je "travaillais" beaucoup. Je me suis toujours amusé. Du coup, avec les femmes, c'est plus facile dans mon cas, malgré un physique pas extraordinaire, parce que je peux faire rêver la bourgeoise et causer philosophie à la prostituée ! »

- Vous avez été modeste cambrioleur, promoteur immobilier, dirigeant d'un réseau de machines à sous, liquidateur judiciaire, conseiller immobilier d'Houphouët-Boigny en Côte d'Ivoire, patron de maisons closes en Belgique. Une période préférée ?

« Si tout était à refaire, je le referais ! Pour mon ego, j'ai aimé la Côte d'Ivoire, où j'avais un chauffeur pour ma Mercedes, où on me donnait du "Monsieur le conseiller". Mais mes meilleurs souvenirs, c'est mon arrivée en Belgique, il y a vingt ans : j'avais deux très belles maîtresses... Je me suis toujours beaucoup amusé et n'ai jamais fait beaucoup de prison - dix-huit mois en tout je crois. »

- Vous faites du « name dropping » : si vous n'avez jamais vu DSK, vous avez croisé quelques célébrités...

« J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Étant né à Annoeullin, ce n'était pas évident de rencontrer De Varga (suspecté d'être le commanditaire du meurtre du prince De Broglie), des figures du milieu avec qui on causait l'argot du métier et qu'Audiard lui-même ne comprendrait pas. C'est une question de hasards. Comme lorsque j'ai croisé la famille Partouche, Charles Aznavour ou Jean-Michel Baylet (président du Parti radical). »

- Audiard, Napoléon et Al Capone figurent à votre panthéon...

« Napoléon, je voulais l'imiter jusqu'à mes dix ans, jusqu'à ce que je comprenne que c'était un assassin - il a fait 800 000 morts ! Al Capone, c'est un bandit social qui organisait la soupe populaire. Bon, avec les croissants du dimanche que j'apporte aux filles, j'en suis loin, et mes motivations ne sont pas toujours purement altruistes, mais je suis toujours présent si on tape à ma porte. »

- Ce livre sera-t-il perçu différemment en France et en Belgique ?

« Il n'y a pas de grande différence entre les gens de Baisieux et ceux de Tournai ! Mais en Belgique, on est plus ouvert. Le mariage pour tous y a été adopté dès 2002... »

- En France, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, envisage de rendre la prostitution illégale...

« Comme si la France, et la gauche, avaient besoin de ça en ce moment ! C'est un retour non pas à la morale, mais au moralisme. L'interdire reviendrait à la rendre totalement clandestine et à fabriquer de grosses mafias. Je ne dis pas que c'est bien la prostitution mais, comme saint Augustin, que c'est un mal nécessaire... Je ne suis pas vraiment expert, mais ce sont des sujets que je connais et je ne parle pas avec des idées reçues, contrairement à certains. »

- Où en sont vos divers projets ?

« J'attends mon acquittement à Tournai pour lancer mon syndicat des patrons de maisons closes. Je cherche aussi à monter une entreprise de démontage de voitures pour des jeunes en insertion. Je voudrais aussi ouvrir une grande boîte de nuit sado-maso et des bordels d'un nouveau genre, "des paniers fleuris" : très kitsch, avec bidets, papiers peints à fleurs, Berthe Sylva en fond sonore ! En quelques années, les bordels frontaliers avec la France se sont multipliés par cinq, il faut se différencier. Mais peut-être que je vais me planter parce que je veux désacraliser le sexe... Je suis en croisade ! »

- Tournai accueillerait désormais une autre célébrité : craignez-vous que Gérard Depardieu vous fasse de l'ombre ?

« J'aime bien l'acteur mais pas le personnage, ça ne m'intéresse pas spécialement de le rencontrer. Je le trouve un peu fasciste, avec ses amitiés douteuses, et sa décrépitude me met mal à l'aise. »

Propos recueillis par Claire Lefebvre.

1. Il est poursuivi régulièrement par le parquet de Tournai, et plus récemment par celui de Courtrai, pour organisation criminelle spécialisée dans la prostitution.
2. Depuis le 13 mars, l'instruction est close mais on ignore encore devant quel tribunal (correctionnel ou cour d'assises), DSK et les autres protagonistes (patrons d'hôtels, policiers, entrepreneurs, avocat) seront renvoyés.

SON SURNOM

« La saumure… Cette solution saline servait autrefois à conserver anchois, barbeaux, harengs et maquereaux, une espèce à laquelle j’appartiens, dois-je avouer, même si je me considère plutôt comme un taulier, un souteneur, un glissement sémantique qui a son importance à mes yeux… (…) Ce surnom, trouvé par un vieux copain de la profession, peut prêter à sourire, mais je le prends aussi comme une marque de respect. Il souligne un bon état de conservation. Loin d’être périmé le père Dodo, malgré les avanies endurées au fil d’un bon demi-siècle. »

SA PREMIÈRE CONDAMNATION

« Je passe devant un juge d’instruction pour la première fois. Deleuze – je me souviens de son nom comme si c’était hier – me sermonne, me lance que je suis une graine de voyou. Je ne peux pas prétendre le contraire, aussi je le laisse faire son discours sans moufter. Il m’inflige dix-huit jours de prison, entre les murs de la centrale de Loos. Pas une sinécure cette taule : une douche tous les huit jours (…), côté gamelle du pot-au-feu sans viande ou du riz au gras – mes tables gastro avec le banquier Vernes sont bien loin –, niveau loisirs une radio diffuse trente minutes d’informations, (…) et le nec plus ultra se situe dans les coursives avec des matons, souvent d’anciens mineurs, accros aux litrons trois étoiles de l’époque. Je me rends compte qu’ils sont complètement illettrés, certains comptent même avec des grains de riz ! »

ARGENT, POLICE, PHILOSOPHIE : SES CREDO

« Mon moteur n’est pas l’argent, j’ai une vraie mentalité de voyou, il me faut juste une liasse de talbins dans la fouille. Si je peux dégager cinq mille euros pour rembourser mes crédits immobiliers et que j’en ai autant pour vivre, tout roule. » « (…) depuis que je connais les voyous, j’apprécie les flics. » « Pour connaître la liberté, il faut avoir connu la prison. (…) J’ai coutume de dire que je suis stoïcien. Il vaut mieux changer ses idées que le monde… »

PETIT LEXIQUE

  • Nave : un cave chez Audiard, un « non affranchi », qui n’appartient pas au milieu.
  • Mitan : le milieu, la pègre. Condé : policier qui protège contre des renseignements ou autre (argent, sexe…).
  • Talbions et roteuses : billets et bouteilles de champagne.
  • Enchrister : emprisonner.
  • Michetonner : se prostituer.
  • Le grand métier : c’est aussi le plus vieux du monde...

CLIENTÈLE

« Aujourd’hui encore, je songe à Gilberte et à son mec qui venait la chercher à vélo à la fin de son "service" (au Gypsie, son premier bar montant ouvert à Lille en 1970). Je me souviens aussi de ce curé qui débarquait en soutane (…). Ou de ces deux Maghrébines arrivées en jupe plissée et manteau bleu marine, l’air bien sage. Au bout de six mois, elles auraient pu dresser l’inventaire des particularités physiques de la moitié de la population mâle de la ville ! »

« MONSIEUR LE CONSEILLER » D’HOUPHOUËT-BOIGNY

« Je découvre l’ivresse du pouvoir, même un tout petit comme le mien en Côte d’Ivoire… Franchement, c’est meilleur que tout le pognon du monde. Depuis, je comprends mieux les politiques. »

IMMIGRÉ EN BELGIQUE

« Bref, ce pays, je l’ai à la bonne. D’autant que je suis reconnu par les condés et l’administration communale qui a bien calculé mes trois quartiers d’origine flamande, alors que je ne jacte pas cette langue pourrie. J’accorde aussi une mention particulière à certains poulets, de véritables serial killers qui exécutent leurs victimes à coups de Jupiler, la bière locale. Je dois reconnaître qu’à 1,50 euro la pinte, c’est un appel au crime… »

FANTASMES

« J’avoue néanmoins que mon attitude énerve les magistrats. Je parle avec tout le monde et j’en use. Ma profession suscite de la curiosité, voire des fantasmes. Je suis en quelque sorte victime d’une distorsion cognitive. Les gens qui ne me connaissent pas me prennent pour un analphabète, les autres savent. Alors quand je me retrouve face à des psychorigides (suivez mon regard), ils me haïssent car je ne représente pas l’archétype du souteneur. Ces bloqués du ciboulot ont oublié que la femme de Périclès tenait un bordel, tout comme le cardinal Dubois, Premier ministre du régent Philippe. »

L’AFFAIRE DSK

« L’une des grandes questions de l’affaire du Carlton est de savoir si DSK était au courant que les filles étaient des putes. C’est certain, il n’emploie pas le même langage qu’elles, de là à affirmer qu’il sait. Je me mets à sa place, son poste l’accapare totalement, j’ai du mal à l’imaginer dire à Obama : “Écoute, on verra le problème de la dette plus tard, pour l’instant, j’organise une partouze !” En fait, à mon avis, DSK se retrouve en plein lobbying. Les amateurs de vin reçoivent des caisses de pinard, ceux qui préfèrent les filles… des filles. »

LES ÉCOUTES DANS L’AFFAIRE DU CARLTON

« À cet instant, nous ne savons pas encore que nous sommes placés sur écoute, à la demande du parquet de Lille. Plus que d’autres, les magistrats lillois ne supportent pas ma personnalité. Ils ont donc rouvert une enquête me concernant, après le parquet de Tournai qui leur a dit n’avoir rien trouvé sur moi en dix ans, ils se tournent donc vers la magistrature couchée de Courtrai. Quelle aubaine, cette écoute, Dodo la Saumure mouillé avec DSK ! La suite est du même acabit. Je manie souvent le deuxième degré, voire le troisième. Mais les écoutes sont prises au premier. » Proxénétisme et prostitution

ZOOM

Affaire du Carlton de Lille : où en est-on ? Que risquent Dominique Strauss-Kahn et les autres protagonistes (patrons d’hôtels, policiers, chefs d’entreprise, un avocat, Dodo la Saumure) mis en examen dans ce dossier de proxénétisme aggravé en bande organisée ? Celui-ci étant considéré comme un crime, ils pourraient être renvoyés devant une cour d’assises ou, si les poursuites sont allégées, un tribunal correctionnel. Mais ils pourraient aussi être relaxés… C’est au procureur de Lille, auquel les juges ont remis la volumineuse instruction (42 tomes) qu’ils ont close le 13 mars, de rendre son avis. Il a jusqu’au 13 juin. Mais on peut s’attendre à des rebondissements : les avocats pourront alors réclamer de nouvelles confrontations et ce sont les juges qui auront le dernier mot.
Un débat en cours… L’affaire du Carlton de Lille a éclaté fin 2011, alors que le débat sur la prostitution revenait à l’Assemblée, des députés de droite et de gauche se prononçant pour une résolution réaffirmant « la position abolitionniste » de la France. Depuis, la ministre des Droits des femmes (et porte-parole du gouvernement), Najat Vallaud-Belkacem, a déclaré vouloir « voir la prostitution disparaître ». Actuellement, en France, solliciter les services d’une prostituée n’est pas puni par la loi, tandis que la Suède et la Norvège, abolitionnistes, considèrent le client comme un criminel. Les Pays-Bas accordent carrément une reconnaissance juridique aux prostituées.

C. L.

    Source : http://www.dhnet.be ; http://www.nordeclair.fr
    Posté par gb