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Crédits culturels est mort | 2009-01-23

À qui profite le crime ? ()

La présence culturelle française à l'étranger étranglée par la baisse des crédits

La France a-t-elle renoncé à sa politique culturelle à l'étranger ? Devant l'ampleur des contraintes budgétaires, a-t-elle tiré un trait sur ce moyen d'influence ? Le vote, en décembre 2008, de la loi de finances 2009 avait alarmé les diplomates et directeurs de centres culturels ou instituts français. Ils sont à présent fixés : derrière une baisse moyenne affichée de près de 20 %, les postes culturels enregistrent des chutes qui peuvent atteindre les 30 %.

Les crédits culturels, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay sont séparés en deux lignes budgétaires. L'une censée assurer le "rayonnement" de la France dans les pays membres de l'OCDE : elle diminue de 13 %. L'autre destinée à la "solidarité" avec les pays pauvres ou en voie de développement : elle perd 20 %. Au total, les deux programmes passent de 360 à 297 millions d'euros.

"Dans un contexte de contrainte budgétaire forte, nous avons dégagé des priorités", indique Victoire Bidegain di Rosa, conseillère chargée du dossier au cabinet de Bernard Kouchner. L'enveloppe de 100 millions d'euros destinée aux 18 000 étudiants étrangers boursiers a été intégralement maintenue. Tout comme celle destinée aux alliances françaises (enseignement linguistique) et à l'agence CultureFrance (promotion des artistes français à l'étranger). Les programmes de fouilles archéologiques sont aussi préservés.

Mais d'autres domaines souffrent. Les programmes de séjour d'artistes français à l'étranger sont arrêtés, comme les invitations d'artistes étrangers en France. Les aides aux salles ou festivals spécialisés - Francophonies du Limousin, Tarmac de La Villette... - s'étiolent.

Surtout les 148 centres et instituts, disséminés à travers le monde, écopent. Les "pays en crise" (Irak, l'Afghanistan, Palestine) ont été épargnés. Un nouveau centre ouvrira même à Erbil, au Kurdistan, à la demande de Bernard Kouchner. Ailleurs, on pleure. Moins 12 % à - 14 % au Maghreb, "une zone pourtant protégée", soupire un membre du réseau ; - 15 % en Chine, en Allemagne ou en Ukraine ; - 23 % au Chili, en Ethiopie, aux Philippines ou au Kenya ; - 30 % à Cuba ou dans plusieurs républiques d'Asie centrale.

2009 s'annonce terrible

Le tableau peut encore être assombri. Car ces baisses concernent l'ensemble du budget des centres. "En Inde, nous affichons - 15 %, admet-on au ministère. Mais les loyers explosent et les salaires des employés locaux augmentent. La baisse réelle pour les programmes culturels est de 30 %."

Fermeture d'établissements, réduction de personnel, annulation de programmes : 2009 s'annonce terrible. Le centre culturel d'Izmir n'a pas renoncé à son projet de resserrer les liens distendus entre l'ancienne Phocée et Marseille. La réplique d'un navire de guerre de 600 av. J.-C. prendra la mer afin de relier les deux villes. Mais elle sera seule : la coupe de 25 % dans l'enveloppe turque a eu raison du navire de commerce censé l'accompagner.

Pour faire face à ce trou d'air, les centres et instituts sont invités à trouver de l'argent sur place. Ce qu'ils faisaient du reste déjà. Les quelque 100 millions de subventions venues de Paris - "l'équivalent de l'enveloppe de l'Opéra de Paris", rappelle un diplomate - sont plus que triplées par des ressources propres (cours de français, expertise) ou du cofinancement (aide aux programmes culturels).

"Les centres culturels ont multiplié les cofinancements, rappelle Anne Gazeau-Secret, directrice générale de la coopération et du développement au Quai d'Orsay. Mais la crise ne touche pas que la France. Localement aussi les ressources se tarissent." Situation d'autant plus difficile à vivre que les autres pays européens s'agitent. Le British Council affiche une augmentation de 5,5 %. Le Goethe Institut allemand, qui avait réduit la voilure entre 2005 et 2007, a relancé son budget de 12,4 % en 2008 et prévoit + 7,5 % en 2009. Quant aux Espagnols, ils pratiquent une politique volontariste : depuis 2004, les budgets des centres Cervantes ont cru de 66 %.

Arme douce de la diplomatie

Face à cette situation, le ministère a confié une mission d'expertise à Bernard Faivre d'Arcier. L'ancien directeur du Festival d'Avignon doit faire des propositions pour réaménager le paysage. D'ores et déjà, le Quai expérimente dans dix pays une nouvelle organisation des centres et instituts, afin de mutualiser les ressources. Doit-on aller plus loin, transformer la structure juridique des établissements et créer une agence indépendante qui coiffera l'ensemble ? Mais comment dès lors garder la main sur la culture, cette arme douce de la diplomatie française ? M. Kouchner hésite.

A son cabinet, Mme Bidegain di Rosa est plus prosaïque : "Dans l'avenir, le vrai défi va être de préserver les budgets et de nous réorganiser afin d'être plus visibles. En France, tout le monde est convaincu que la culture c'est très important, que ça sert la politique, que ça sert nos entreprises, ou même "la culture pour la culture", comme dit le président de la République. Mais quand il s'agit de monter au créneau pour défendre les budgets, il n'y a plus personne."

Nathaniel Herzberg et Marie-Aude Roux, Le Monde, 23.01.09

    Source : http://www.lemonde.fr/
    Posté par gb