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Saint-Robert combattant le dragon | 2008-03-18

Réponse à Valérie Pécresse, si peu soucieuse de défendre la place du français en France et ailleurs. ()

Dans Le Figaro du 26 février dernier sont rapportés des propos tenus à Bruxelles par le ministre de l'Enseignement supérieur, Mme Valérie Pécresse, d'après qui la France devrait… cesser de prétendre bannir l'usage de l'anglais !

On croyait plutôt que ce sont les usagers de l'anglais qui s'employaient à bannir l'usage du français, dont il convient de rappeler qu'il fut la langue de travail du Marché commun jusqu'à l'arrivée de l'Angleterre.

Encore, à ce moment, le président Pompidou pensa-t-il prendre les précautions nécessaires pour que notre langue ne fût pas occultée, puisqu'il déclarait au Soir, le quotidien de Bruxelles, le 19 mai 1971 : «Je dis que si de­main l'Angleterre étant entrée dans le Marché commun, il arrivait que le français ne reste pas ce qu'il est actuellement, la première langue de travail de l'Europe, alors l'Europe ne sera jamais tout à fait européenne.»

L'affirmation du rôle de notre langue en Europe et dans le monde va bien au-delà de revendications étroitement «souverainistes», très respectables, mais insuffisantes. Ce qui est contre-productif pour nous-mêmes, c'est de céder aux grands marchés internationaux dont l'obsession est d'uniformiser les goûts et les comportements, donc de broyer les cultures et les langues. Le français a en effet un statut particulier dans tous les organismes internationaux et figure même, avec l'anglais, comme seule langue de travail du secrétariat des Nations unies. C'est ainsi que la France a toujours exigé que le secrétaire général ait une maîtrise suffisante du français.

Pour les fonctionnaires francophones qui se battent pour maintenir l'usage du français dans les grands organismes internationaux, les propos de Mme Pécresse sonnent comme une insulte à leur travail et à leurs efforts, alors que toutes les organisations internationales incitent leurs fonctionnaires à parfaire leur connaissance du français.

Mme Pécresse nous annonce qu'elle «ne milite pas pour im poser l'usage déclinant (sic) du français dans les institutions européennes à l'occasion de la prochaine présidence française de l'Union» . Bien que ministre de l'Enseignement supérieur, sans doute ignore-t-elle que le fait que le français a été la langue de la première encyclopédie universelle, montre assez qu'il peut être porteur d'une culture aussi scientifique que littéraire. C'est-à-dire que notre langue a vocation à conserver son caractère d'universalité, si l'on entend par là, non pas la prétention de tenir lieu de toutes les langues, mais la capacité pérenne de donner accès à tous les domaines de la culture scientifique, technique et philosophique.

L'agression dont Mme Pécresse vient de se rendre coupable à l'encontre de la langue française constitue un curieux écho aux propos tenus par le président de la République à Caen, en mars 2007, où il annonçait qu'il se battrait «pour que dans les instances européennes, le français continue d'être employé», ajoutant que ce serait «naturellement une obligation absolue pour tout représentant de la France».

Quant au projet abusif d'imposer aux petits Français un bilinguisme généralisé, il ne ferait que nous précipiter dans le fatal effet de la fameuse loi de Gresham constatée jadis au sujet du bimétallisme, et selon laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne.

On sait de plus qu'il n'est pas recommandé de s'initier à une langue étrangère avant d'avoir une parfaite possession de la sienne propre. Le débat actuel autour du français et de son rôle est à replacer au sein de la crise générale, de la civilisation et des échanges, que nous connaissons. Milan Kundera s'était livré naguère à une analyse de l'agressivité qui se mani­feste, jusqu'en France même, contre notre langue : «Il s'agit, di sait-il, d'un courant de pensée, d'une attitude, de comportements qui consistent à critiquer et à fustiger la constitution d'une communauté francophone internationale et surtout à tourner en dérision la volonté des francophones de se doter de législation linguistique et de défendre leur identité culturelle dans le libre-échange des marchandises.»

De Paul Valéry à Fernand Braudel, les philosophes et les historiens les plus objectifs, les moins marqués par les idéologies partisanes, ont reconnu que ce qui définit et illustre sans doute le mieux cette fameuse identité de la France, dont on nous avait sans doute annoncé un peu hâtivement la renaissance, est en fin de compte la langue française.

C'est le sentiment d'une réalité. Ce sentiment et cette réalité courent dans notre histoire depuis Malherbe et Richelieu un poète et un ministre jusqu'à Francis Ponge ou René Étiemble appelant à légiférer, et jusqu'à Georges Pompidou l'entreprenant en renouant ainsi avec François Ier.

Par Philippe de Saint-Robert , ancien commissaire général de la langue française.

    Source : http://www.lefigaro.fr/
    Posté par gb