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Le Petit Décodeur de l'administration | 2005-02-18

« Le Petit Décodeur, ouvrage qui “traduit en langage clair” les 3000 mots et expressions les plus employés par les administrations. » ()

Un «petit décodeur» pour traduire le jargon administratif

Simplification «Testament mystique», «recours gracieux»... 3 000 mots au peigne fin

Au XVIe siècle, François Ier assurait déjà qu'il fallait simplifier les mots lorsque l'on s'adressait aux administrés. «Cela fait donc près de cinq cents ans qu'on dit la même chose», a relevé hier le secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat, Eric Woerth, en présentant Le Petit Décodeur, ouvrage qui «traduit en langage clair» les 3000 mots et expressions les plus employés par les administrations.
C'est en 2001 que le problème de compréhension est soulevé. Une étude de l'Observatoire de la pauvreté révélait alors que 15% des aides sociales n'étaient pas réclamées à cause de la complexité des formulaires ! Quelques mois plus tard, le Comité d'orientation pour la simplification du langage administratif (Cosla) – composé de linguistes et d'experts de la langue française, de représentants de l'administration, d'associations et d'«amoureux de la langue française» – était créé. «Quand les médecins parlent entre eux, ils n'ont pas le même langage que lorsqu'ils s'adressent à leur patient. Ils savent s'adapter», a résumé Yves Duteil, impliqué depuis plusieurs mois déjà dans le travail de simplification. L'administration doit faire la même chose. «Car il y a un réel décalage entre les mots de l'administration et ceux de l'usager», poursuit le chanteur, également élu local. Il faut «remettre tout le monde sur un pied d'égalité», insiste-t-il, évoquant même la nécessité d'un «nouvel état d'esprit». En d'autres termes, les Français pourraient bien se passer de ce qu'Eric Woerth reconnaît être du «jargon administratif», souvent «angoissant» pour de nombreux usagers. Dans Le Petit Décodeur, figurent les termes les plus drôles, les plus absurdes, les plus déroutants. Qu'est-ce qu'un «testament mystique» ? Que signifie «habiter bourgeoisement» un logement ? Que faire lorsque l'administration vous demande de «prendre l'attache» d'un service ? Que signifient les adjectifs dirimant, discrétionnaire ou encore irréfragable... Autant d'expressions incompréhensibles, ou qui peuvent prêter à confusion. «Si l'on vous demande d'aller au guichet B avec votre grosse, surtout ne vous vexez pas !» s'est amusé Bernard Pivot, membre du Cosla. Et de lire la définition administrative de «la grosse» : copie d'un acte ou d'un jugement. L'idée est désormais d'éditer tous les ans une nouvelle édition, complétée de nouveaux termes. «Hier encore, raconte Yves Duteil, on m'a fait signer en ma qualité d'élu un certificat d'hérédité. On y demandait trois signatures : celle du maire, celle du demandeur et celle du «porte-fort». Je ne sais toujours pas quelle est la caractéristique de cette personne mais vous pouvez être sûr d'avoir la réponse dans la prochaine édition», a-t-il conclu.

«Le Petit Décodeur. Les mots de l'administration en clair», éditions Le Robert, 5,95 euros en librairie.

Marie Visot.


Duneton : «Une fausse bonne idée»

Claude Duneton, romancier, historien de la langue française, et chroniqueur au Figaro littéraire, émet des doutes sur l'efficacité de ce dictionnaire, tel qu'il est conçu.

LE FIGARO ÉCONOMIE. – Les termes ici décodés relèvent-ils du jargon ou bien d'une terminologie technique inévitable ?

Claude DUNETON. – Ce dictionnaire, qui va d'«abattement» à «zonage», est une sorte de fourre-tout. Il comprend quelques mots jargonnant mais en réalité assez peu. Par exemple, «modération» et «tempérament», utilisés par l'administration dans le sens de «réduction», «diminution» : «Les impositions ont fait l'objet d'une large modération». Ou encore, «Synallagmatique» qui signifie, apprend-on, «accord, contrat avec obligation réciproque entre les parties». S'agit-il d'un adjectif ou d'un substantif ? Cela n'est pas précisé. Voilà un mot monstrueux, compliqué à plaisir, qui a pourtant un équivalent en français courant.

Comment cette langue administrative parallèle s'est-elle constituée ?

C'est une dérive issue d'un désir de précision technique hérité des sciences humaines où l'on utilise des mots compliqués pour dire des choses simples. Cela résulte aussi d'une volonté légaliste héritée du droit, qui a sa terminologie propre depuis les XIIIe- XIVe siècles. Mais il y a incontestablement un excès qui cache un abus de pouvoir. Pourquoi diable dire «modération» pour «diminution» ! Beaucoup des termes définis dans cet ouvrage sont simplement du vocabulaire juridique que l'administration est bien obligée d'utiliser – ainsi de déshérence, saisine, dilatoire, moratoire, usucapion, garde à vue, etc. Mais à côté de cela, il y a une majorité de mots qui appartient à la langue courante. Au hasard, je cite : modique, hebdomadaire, hiérarchique, détenir, déceler, en deçà, sédentaire etc. Si je puis me permettre, c'est un peu n'importe quoi ! Les mots réellement propres à l'administration sont noyés. Au bout du compte, je vois mal la différence avec un dictionnaire ordinaire. J'imagine que cette brochure s'adresse à des populations non francophones mais je me demande s'il est utilisable. Quelqu'un qui ne connaît pas le français sera-t-il en mesure de comprendre les définitions ?

Une bonne idée mal réalisée ?

Je dirais même une fausse bonne idée même si l'intention était juste... Il vaudrait mieux attaquer le mal à la racine en faisant cesser l'obscurité des phrases administratives qui, d'ailleurs, ne tient pas seulement au vocabulaire mais à l'accumulation inutile de mots abstraits et à une syntaxe compliquée qui a pour résultat qu'on ne comprend pas ce qui veut être dit.

Que faudrait-il faire pour résoudre efficacement cette fracture linguistique entre l'administration et ses usagers ?

Ce livre est l'équivalent d'une potion, en l'occurrence inadaptée, qu'on administrerait pour soigner une infection nosocomiale. Il vaudrait mieux nettoyer les hôpitaux et la langue administrative ! Voilà un bel exemple d'outil inutilisable, de remède de charlatan. Apprenons plutôt aux fonctionnaires à écrire.

Propos recueillis par Astrid de Larminat.

    Source : http://www.lefigaro.fr/ ; http://www.lefigaro.fr/
    Posté par gb