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Au Québec, la francisation peut nuire à la santé | 2005-02-05

«La province canadienne, qui fait face à une pénurie préoccupante de personnel médical, a récemment congédié deux infirmières anglophones d'un hôpital de Montréal parce qu'elles avaient échoué à un examen écrit de français.» ()

L'obligation de francisation des entreprises de la province provoque des situations parfois ubuesques.

Les médias anglophones du Québec se sont délectés de l'incident. La province canadienne, qui fait face à une pénurie préoccupante de personnel médical, a récemment congédié deux infirmières anglophones d'un hôpital de Montréal parce qu'elles avaient échoué à un examen écrit de français. L'établissement, dont la clientèle est majoritairement de langue anglaise, a eu beau faire valoir que ses employées n'avaient jamais fait l'objet de plaintes de la part des patients, il a dû mettre fin à leur contrat. «Nous n'avons d'autre choix que de nous conformer à la loi», s'est expliquée la présidente de l'ordre des infirmières du Québec, qui ne peut délivrer des permis de travail qu'à des personnes ayant de la langue française «une connaissance appropriée à l'exercice de leur profession».

Intransigeance. Actuellement, pour ces mêmes raisons, plus d'une vingtaine de personnes, dont un chirurgien et un médecin, se sont vu retirer leur licence, affirme Jacques Labbé, vice-président d'Alliance Québec (un organisme de défense des droits des anglophones) qui fustige l'intransigeance linguistique de la province, jugée une fois de plus préjudiciable aux Québécois. Montréal, rappelle-t-il, était voilà trente ans «la ville canadienne qui comptait le plus grand nombre de sièges sociaux d'entreprises». Elle est aujourd'hui dépassée par Toronto et Calgary. «On en a fait trop, trop vite, trop fort», déplore-t-il. Tout en soulignant que la cause principale de cet exode ­ l'insécurité politique suscitée par l'arrivée au pouvoir des souverainistes ­ est révolue, Anne le Bel, vice-présidente du Conseil du patronat du Québec, estime que la langue française est encore un facteur qui «peut faire en sorte que des entreprises décident d'aller plutôt en Ontario».

Chaque année, les sociétés installées au Québec dépensent 125 millions d'euros en mesures de francisation (services de traduction, cours de français aux employés...), soit environ 0,5 % de leur chiffre d'affaires. «C'est un coût parmi d'autres», relativise Louise Arbique, directrice du marketing en charge de la francisation chez Mountain Equipment Coop (MEC), une coopérative d'articles de plein air fondée au Canada anglophone en 1972 et présente au Québec depuis 2003. «Plus qu'un coût, c'est un investissement qui rapporte. C'est 7 millions d'acheteurs potentiels au Québec. Et bientôt 250 millions dans le monde», s'enthousiasme-t-elle.

Mauvaise volonté. Dans certains secteurs, comme l'aéronautique, largement tournée vers l'exportation, la francisation est loin d'être une priorité. Le constructeur canadien de simulateurs de vol CAE est souvent incriminé. «Les directives de travail, les schémas d'assemblage, en fait toute la documentation technique est toujours en anglais», déplore Lucie Pratte, la représentante syndicale du comité de francisation de l'entreprise (obligatoire dans toute société de plus de 99 employés). Ce comité vient de déposer plainte auprès de l'Office québécois de la langue française (OQLF) contre CAE. «80 % des employés de production sont francophones. Le travail serait fait beaucoup plus efficacement si on pouvait travailler dans notre langue maternelle», défend Lucie Pratte, qui dénonce la mauvaise volonté de la direction. Cette dernière, qui affirme «poursuivre ses efforts», rappelle que ses «clients et fournisseurs sont anglophones»...

Très réticentes à commenter leur francisation forcée, certaines entreprises évoquent les difficultés d'embauche de travailleurs spécialisés dans un bassin francophone restreint. Au département du développement économique de la ville de Toronto, on rapporte que l'obligation québécoise de scolariser les enfants d'immigrants dans le système français peut aussi parfois jouer en faveur de l'Ontario. Au contraire, pour Gérard Paquette, qui accueille à l'OQLF les investisseurs étrangers désireux de s'établir au Québec, la francisation reste un choix logique pour les entreprises : «La meilleure mondialisation, c'est la localisation optimale, c'est-à-dire l'adaptation aux méthodes de travail et à la mentalité locales. Et ici, pas de doute, ça passe avant tout par le français.»

Par Carole Dufrechou (Liberation)

    Source : http://www.liberation.fr/
    Posté par gb