VOYOU, subst. masc. et adj. masc.
I. − Subst. masc.
A. − Homme généralement jeune au comportement grossier et provocant, de moeurs douteuses et sans moralité. Synon. apache (vx), arsouille, frappe, gouape (pop.). Accent des voyous de Paris ; voyou notoire ; voyous en casquette. Le vin coulait en ruisseaux, mouillait les pieds, les voyous buvaient dans des culs de bouteille, et vociféraient en titubant (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 114). Par-dessus la cloison vitrée, un voyou accoudé au comptoir l'observait curieusement, d'un regard tout luisant d'une naïveté poignante, insondable (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 976).
− En partic.
Gamin des rues mal élevé, malpropre ; p. ext., enfant, adolescent qui se conduit mal. Synon. chenapan, vaurien.Penses-tu que je ne devine pas le genre de tes conversations avec tous ces petits voyous de l'école ? (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 504).
Voyou femelle. Jeune femme dévergondée, de moralité douteuse. Synon. voyouse, voyoute (infra rem.).La femme Voblat (...) traversa les tables, bousculée et ahurie par tous les voyous femelles qui se pendaient à son caraco (Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p. 11).
− Gén. en apostrophe
[Avec une connotation injurieuse] Espèce de voyou. Vous êtes un voyou et un sacripant, indigne de porter l'uniforme ! (Aymé, Cléramb., 1950, IV, 7, p. 227).
[Avec une connotation fam. ou affectueuse] Petit voyou. Le drôle de petit voyou [Hélène] ! la drôle de petite fille, déconcertante de monstruosité naïve et de candide perversité! (Courteline, Linottes, 1912, VIII, p. 126).
B. − P. anal. Homme sans scrupules ni moralité. Synon. canaille, crapule, fripouille. Politique de voyous ; gouaillerie, physique, vocabulaire de voyou. Albiot (...) prend le parti − après s'être retranché derrière un bureau − de me renier complètement. Cet incontestable voyou parle même de la Charité chrétienne (!!!) qui m'interdit les injures (Bloy, Journal, 1894, p. 110). « Le surréalisme en 1929 » (...) est moins que jamais du goût de quelques voyous de presse, pour qui la dignité de l'homme est tout au plus matière à ricanements (Breton, Manif. Surréal., 2e Manif., 1930, p. 102).
II. − Adj. masc.
A. − Qui est de moralité, de mœurs douteuses. Dans les bars, il connaît des jockeys considérables, de célèbres entraîneurs et des baronnets ventrus, des ducs filous et voyous qui sont la crème de ce fumier et la fleur de ce crottin (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 336). Dites-moi, cher Bernard, est-ce qu'il n'est pas trop enfoncé [mon chapeau] ? J'ai peur de paraître un peu voyou (Aymé, Vaurien, 1931, p. 180).
− En partic. [En parlant d'un gamin des rues et, p. ext., d'un enfant qui se conduit mal] Qui a de mauvaises manières. Clemenceau eut un geste d'enfant voyou, se retournant, lançant à son collègue : − Alors, nous voilà deux ! (Barrès, Leurs fig., 1901, p. 270).
En apostrophe. [Avec une connotation fam. ou affectueuse] Ah ! le petit bandit voyou !... qu'elle s'écrie... oh ! le sale crapaud répugnant ! Viens vite ici que je te nettoie (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 224).
B. − [P. méton.] Qui est propre à une personne de ce genre, à son comportement. Air, face, figure, regard, ton voyou ; refrain voyou. Une fille aux yeux brillants, rieurs (...), qui poussait une bicyclette avec un dandinement de hanches si dégingandé, en employant des termes d'argot si voyous (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 793). Son accent voyou qui plaisait à Léon, parce qu'il y sentait le peuple (Montherl., Célibataires, 1934, p. 790).
REM.
Voyouse, voyoute, subst. fém. et adj. fém.,rare. a) Subst. fém. Femme de moeurs douteuses ; gamine délurée, dévergondée. Après avoir eu, leur vie durant, les restants des voyous, c'était leurs femmes [des hobereaux] qui possédaient maintenant les restes des voyoutes (Huysmans, À rebours, 1884, p. 285). b) Adj. fém. Qui est propre, qui appartient au monde des voyous. Expression voyoute. Quant au Coppée, il est extraordinaire comme verve voyoute, et c'est un feu d'artifice, pendant toute la soirée de drôleries à la fois canailles, à la fois délicates et fines (Goncourt, Journal, 1892, p. 177). Demain je saliverai (...) aux amours voyouses dessous des baldaquins de lilas (H. Pichette, Les Épiphanies, 1948 ds Rheims 1969).
Prononc. et Orth. : [vwaju]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. a) 1832 subst. (Ch. Nodier, let. à Alex Duval ds Quem. DDL t. 18 : Je ne sais si vous savez ce que c'est qu'un voyou, car l'académie ne l'a pas dit. C'est ce que nous appellerions plus élégamment à Paris un gamin de bas étage) ; b) 1866 subst. fém. (Delvau : Voyoute. Petite drôlesse qui s'accouple avec le voyou avant l'âge de la nubilité) ; 2. 1872 (Larch. : Par extension, voyou se dit de l'homme qui a tous les vices du peuple sans en avoir les qualités) ; 3. 1875 adj. (Goncourt, Journal, p. 1080 : frottements de main voyous). Dér. de voie*, littéral. (cf. sens originel 1 a supra) « celui qui court les rues, enfant des rues », avec finale peut-être d'apr. filou* (v. FEW t. 14, p. 373 et p. 380, note 13). Fréq. abs. littér. : 379. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4, b) 658 ; xxes. : a) 855, b) 740. (tlfi:voyou)
- voyou n.m. CRIMES - FEW (14, 373b), R, E, BW6, Lex.[75], ND4, PR[77], 1830, Barbier ; GLLF, 1832, Barbier ; L, DG (néol.), cit. Barbier. Compl.TLF (mêmes réf., ø texte)
- 1832 - «Nos émeutes se sont réduites à un concert de chaudrons, donné par quelques voyous à un député du juste milieu [...] Je ne sais si vous savez ce que c'est qu'un voyou, car l'académie ne l'a pas dit. C'est ce que nous appellerions plus élégamment à Paris un gamin de bas étage.» Ch. Nodier, let. à Alex Duval (Coll. Jules Marsan, numéro 134 du catalogue de vente, Paris, 17 juin 1976) - J.Hé. (bhvf:voyou)
- Très différent du gavroche, titi, gamin de Paris qui est gouailleur, spirituel, flâneur, dévoué : le voyou est une crapule vicieuse qui a un langage à part, n'aime rien et convoite tout. (VIR)
- Les voyous, ça comprenait évidemment les vauriens, mais pas seulement eux et même bien davantage : tout un peuple au milieu duquel les voyous dûment repérés et reconnaissables ou probables n'étaient qu'une minorité. Ça comprenait surtout des gens dont le seul et unique objectif n'était pas, comme celui des vauriens, de faire un mauvais coup, mais de se débrouiller, au mieux des possibilités du quartier. (Chevalier, Histoires de la nuit parisienne)
- Le gamin reste gamin jusqu'à l'âge de douze ans, passé cet âge il devient voyou. Voyez passer sur le boulevard deux enfants de dix à seize ans : le premier est encore petit pour son âge, mais il est déjà fort, leste, hardi ; son visage respire la franchise, ses yeux sont ouverts, il regarde en face, avec une nuance de crânerie, les hommes et les choses ; sa tenue est convenable, bien qu'elle sente l'atelier ; son linge blanc annonce les soins protecteurs d'une femme. Accompagnez d'un sourire ce bambin qui trottine en chantonnant un air nouveau, car cet enfant, c'est un gamin de Paris. Regardez maintenant le second : il frôle les boutiques comme s'il cherchait un carreau cassé pour les dévaliser ; examinez ce teint impossible à décrire et détournez-vous avec dégoût : cet enfant perdu avant l'âge, c'est le voyou de Paris. Le gamin de Paris fait des mots. Le voyou de Paris fait la bourse, la montre et le mouchoir ; le gamin de Paris est accessible à tous les bons sentiments, il est capable d'accomplir les plus belles actions. Le voyou de Paris possède tous les vices et il est toujours prêt à commettre les plus grandes lâchetés. [etc]. (VIR-PAROUB)
- Mot connu dans les collèges avant Les Mystères de Paris, d'E. Sue. (D'Albanès, 1845)
- Voir aussi 1968. Les barjots, éd. 10/18 p. 123 : les voyous sont dans des bandes, pas les casseurs (apprentis-gangsters).