BOCHE, subst. et adj.
Arg., péj.
A.− Emploi subst. Allemand. Synon. chleuh, doryphore, fridolin, frisé, fritz. C'était Frida qui dansait, tu sais, la grande boche blonde (Vercel, Capitaine Conan, 1934, p. 99):
1. − C'est-il les Français qui ont mis le feu ? demanda-t-elle. − Vous êtes pas cinglée, la petite mère ? dit Lubéron. C'est les frisous, oui. Un vieux hochait la tête, incrédule : − Les frisous ? − Eh oui, les frisous : les boches, quoi ! Sartre, La Mort dans l'âme, 1949, p. 144.
B.− Emploi adj. Artillerie, sentinelle, tranchée boche :
2. − Mais, ajoute-t-il, c'est surtout après l'officier boche que j'en ai. (...). − Ah! mon vieux, dit Tirloir, on parle de la sale race boche. Les hommes de troupe, j'sais pas si c'est vrai ou si on nous monte le coup là-dessus aussi, et si, au fond, ce ne sont pas des hommes à peu près comme nous. Barbusse, Le Feu, 1916, p. 38.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [bɔ ʃ]. 2. Forme graph. − Au fém. une boche; on rencontre une bochesse (cf. G. Esnault, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956).
Étymol. ET HIST. − 1862 têtes de boches (pop., Metz d'apr. Esn.) ; 1874 id. arg. des typographes (E. Boutmy, La Lang. verte typographique, cité par Sain. Lang. par., p. 532) ; 1881 id. (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., p. 46 : Tête de boche) ; 1886, juin arg. milit., boche synon. d'Allemand (Huret, Courrier français dans Esn. Poilu, p. 87). Boche dans tête de boche est peut-être issu de caboche « tête » par aphérèse (et prob. pas empr. à l'ital. boccia « boule de jeu », Dauzat, Les Argots, Paris, 1929, p. 109, note 1) ; le sens de « allemand » est soit une spécialisation du même mot (EWFS2) soit issu par aphérèse de alboche « allemand » (av. 1870, témoignage de M. Armand Schuller, ancien secrétaire du Temps d'apr. Dauzat, op. cit., p. 109), altération de allemand ou bien d'apr. (tête de) boche, ou bien d'apr. -boche devenu une espèce de suff. arg. en raison de son emploi dans des mots comme rigolboche (1860, Bl.-W.5), cf. aussi postérieurement attestés fantaboche, italboche. (tlfi:boche)
- boche n.m. arg. , péjor. N. PEUPLE "Allemand" - DHR (têtes de boches), 1862 ; TLF, GR[85], 1886, Huret ; Mat., 1887, Verlaine [repris in GLLF].
- 1879 - « [...] les boches bassinnent de plus en plus ces braves Messins [...]. » Le Père Duchêne illustré, n° 8, 6 pluviôse 87, 4 - P.E. (bhvf:boche)
première audition en campagne, de Parisiens du 69e inf., prononcé bheuche, 23/09/14 ; le mot ne s'est vulgarisé au 81e t. que l'hiver suivant. Dès 15 l'Intendance distribue au front « l'Anti-Boche », papier à cigarette. Boche se trouve dans la citation de Jacquet, assassiné à Lille, parue au JO peu avant le 29/5/16. Une note de la VIIIe armée l'interdit en style officiel, parce que « la correction du style honore celui qui en est l'auteur », mais une autre, datée G.Q.G., 5/6/17 et signée Pétain l'emploie deux fois. L'anglais, dès 14, l'a emprunté : bosh ; Boche, Allemand, est dans Noter, Bruant et Ross. À dire qu'aucun témoignage n'a pu le relater avant 1900 (Dauzat), il y a erreur : il est en toutes lettres dans de Bercy (Lettres argotiques, Lanterne de Bruant, 1896, n°65, p. 5), dans Delesalle, dans Virmaître, dans Verlaine dès 1889 ; Bal des Boches est le nom d'un bastringue, boulevard de la Gare, Paris, 1886 ; on affirme l'avoir entendu en 1870 (Int. des Ch. LXXI, 29). Tête de boche, qui n'est pas attesté plus anciennement ne dit rien d'autre que tête d'Allemand ; naturellement boche servait pour tout ce qui parle germanique, d'où Boche, nom pour concierge alsacien (Zola, Assommoir, 1877) et sobriquet pour ouvrier luxembourgeois. C'est l'apocope d'alboche. (Esnault1919)
- "je ferai connaître envers et contre toutes les académies et tous les glossaires autorisés, que Boche vient de Rigolboche. La filiation étymologique est toute naturelle. L'enfant de Bobigny [Rigolboche], répondait à son prénom de Marguerite et au surnom de Huguenote. Un soir, à souper, trouvant drôle la tête d'un type présent, au lieu de dire de lui : « Il est rigolo », elle prononça : « Il est rigolboche. » Cette terminaison Boche parut de sonorité amusante, comme Bamboche par exemple, et par là fit fortune. On l'appliqua à des centaines de noms de personnes et même de peuples, en changeant les dernières syllabes, ainsi : Allemand devint Alboche. En résumé, le diminutif Boche a une origine tout à fait inoffensive pour les Teutons.
- Abbreviation of caboche, hobnail, having a hard, rough and square head. Before 1870, Germans were called têtes carrées, on account of their obstinacy and lack of quickness in comprehension. (MAR)
- Mot du langage parisien qui n'a, étymologiquement, rien d'ethnique et dont l'application aux Allemands est tardive et postérieure à la guerre de 1870. Le mot était tout d'abord limité au monde de la galanterie où il qualifiait le mauvais sujet, en opposition à muche, jeune homme poli, doux, aimable, réservé (Delvau, 1866). De là il passa chez les imprimeurs parisiens, qui, les premiers, désignèrent (vers 1874) par boches les ouvriers typographes d'origine allemande ou flamande. L'appellation fut ensuite étendue à tous les Allemands. L'acception initiale de « grosse-tête » ou de « tête dure », c'est-à-dire de caboche (dont boche est l'abréviation parisienne), fut ainsi successivement appliquée aux jeunes gens peu maniables, à la main-d'oeuvre de langue allemande et finalement aux Allemands, aux Luxembourgeois, aux Alsaciens, c'est-à-dire à tous ceux qu'on a appelés plus tard Alboches, ou Allemands-Boches (pléonasme analogue à tête de Boche, synonyme de tête carrée d'Allemand). Sur l'origine du mot Boche, on a émis dans les périodiques, depuis le début de la Guerre, des hypothèses innombrables (v. l'Intermédiaire de 1914, 2e semestre, et de 1915) : ce sont là de vagues présomptions, qui ne tiennent aucun compte de la chronologie et surtout de l'évolution du mot dans les différents milieux qu'il a traversés: filles (vers 1860), imprimeurs (après 1870), ouvriers en général (vers 1880), avant que la Guerre actuelle ait donné à ce sobriquet, naguère plutôt ironique, un caractère d'abomination. (SAIN-TRANCH)
- Avant la guerre on disait souvent « tête de boche » pour « sale tête », « tête dure », etc. (BAU1920)
- Aphérèse d'Alboche, avec infl. de tête de boche « tête dure », dér. de caboche en argot des typographes, 1862 (GR)
- Avant la guerre, les Allemands étaient depuis longtemps désignés en France sous le nom d'Alboches, bien que ce mot ne fût pas d'un usage courant. Le vocable : Boche ne naquit qu'en 1914, mais en réalité il constitua un emprunt plutôt qu'une création. En Suisse, il était déjà d'un usage presque courant ! Trois ou quatre ans avant la guerre les étudiants de l'école polytechnique de Zurich qui avaient à se plaindre du clan allemand organisaient un vaste monome et se répandaient dans les rues en criant : –Conspuez les Biches !... A bas les Boches ! (VITER1920)
- Apocope de Alboche (George, FM48)
- « Le mot boche a eu une extension rapide et l'arrière lui a fait une merveilleuse fortune parce qu'il lui a donné un sens méprisant qu'il ne possédait pas à l'origine dans les corps où il était usuel : là, en effet, il était simplement l'abréviation de Alboche qui est à Allemand ce que Italboche est à Italien ; il n'avait d'ailleurs rien de commun avec l'expression parisienne, celle-là, de 'tête de boche' qui va avec 'tête de pioche' » (Gauthiot1916)
- Il semble bien difficile d'établir la véritable origine du mot boche ; mais nous penchons à croire qu'il vient, par anagramme, de schwob, terme de mépris, que les Alsaciens appliquent aux Allemands. (...) Le mot boche existait avant la guerre, en même temps qu'alboche, dans le sens d'allemand. (Dech1918)
- Tête de boche signifiait : personne obstinée, têtue ; les Allemands ont le réputation d'être obstinés, têtus : « Allemand fut altéré bientôt en Allemoche, création qui n'a vécu que dans l'Est, et plus communément en Alleboche, Alboche, sous l'influence de 'tête de boche' et de 'caboche'. Alboche est attesté en 1889. Quelque temps après, il s'abrégeait lui-même en Boche, terme courant pour désigner les Allemands, dès avant la guerre, dans tous les milieux populaires des grandes villes du Midi comme du Nord. [...] il ne désigne pas une nationalité, mais un peuple, une race, avec la nuance péjorative sous laquelle la foule voit l'étranger, ennemi ou non. Il n'est pas seulement le similaire de l'italien tedesco ou du hollandais moffe, il est aussi la réplique parfaite, qui nous manquait, du Welsche, par lequel les Allemands désignent dédaigneusement les gens de race latine. La guerre actuelle est la lutte des Welsches contre les Boches. » (Dauzat1917MdF)
- « [les Boches] Pourquoi ce surnom aux Allemands ? Bien peu de mes camarades le connaissaient avant le mois d'août. J'avais appris son existence à la fin de 1913, au retour de Saverne, où je venais de voir opérer Forstner et de comprendre combien la guerre se faisait inévitable et prochaine. Passant à Nancy, j'échangeais avec de jeunes amis des impressions, quand l'un d'eux me dit vivement : –En somme, les Boches sont indécrottables. –Les... quoi ? fis-je. –Les Alboches... / Je suis bien sûr que ce sont fourvoyés tous ceux qui ont cherché une étymologie ingénieuse à ce mot nouveau. On a d'abord dit Alboche pour Allemand et c'est resté, parce que cela rimait avec caboche, moche, bidoche, une foule de vilains mots. Le radical est tombé ensuite, par la faute des gens pressés, et le suffixe à consonnance injurieuse a subsisté seul. » (Redier1916, p. 171)
- inconnu il y a quatre ans à peine, à la majorité de nos concitoyens ; terme qui a conquis une renommée mondiale. Abréviation de Alboche en Boche, terme courant pour désigner les Allemands, dès avant la guerre, dans tous les milieux populaires des grandes villes du Midi comme du N. Je ne crois pas que Boche, Allemands, soit antérieur aux dernières années du XIXe siècle. Aucun témoignage n'a pu le relater avant. Willy l'a cité en 1905, on le trouve dans les oeuvres posthumes de Verlaine ; par l'usure, a perdu sa valeur péj. originaire ; mot de l'arrière ; abréviation d'al(le)boche (Dauzat1918)
- Argot parisien courant d'avant-guerre (Dauzat1918voc)
- Le mot Boche, écrit Bosh, a passé en anglais depuis 1916 et déjà formé des dérivés (Dauzat1918add)
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