TROGNE, subst. fém.
I. Fam. Visage grotesque ou comique ; en partic., visage plein et rubicond qui révèle l'amour de la bonne chère et du vin. Trogne plaisante ; trogne enluminée, rouge, violacée ; avoir une drôle de trogne. Les trognes des vieux paysans gaillardement rougies par le vin (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 289). Un gros homme, encore vert, une bonne trogne lorraine bien nourrie, ayant dans tous ses gestes la décision de l'homme bien posé (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 42).
Trogne de + subst. Trogne d'assassin, de concierge. L'homme débonnaire et mastoc, une trogne de charpentier bon enfant et soûl (HUYSMANS, Soeurs Vatard, 1879, p. 301).
Faire fière trogne. Les tueurs de mon père, les dévastateurs de la maison, Qu'ils étaient braves sur leur trône et qu'ils y faisaient fière trogne ! (CLAUDEL, Choéphores, 1920, p. 942).
Prononc. et Orth. : []. Homon. et homogr. trogne2. Att. ds Ac. dep. 1694.
Étymol. et Hist. 1. 1403 trognes plur. « choses sans valeur » (CHRISTINE DE PISAN, Le Livre de la Mutacion de Fortune, éd. S. Solente, 6093) ; 2. ca 1485 trongne « visage » (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 43667) ; 3. 1624 « visage de ceux qui aiment trop le vin » (Le P. GARASSE, Doctr. cur., p. 769 ds LIVET Molière). Du gaul. *trugna, supposé d'apr. le gall. truyn « nez » (DOTTIN, p. 294 ; FEW t. 13, 2, p. 332a). Bbg. BAR (F.). Tête armée, trogne armée. Fr. mod. 1962, t. 30, pp. 287-289. RENSON 1962, pp. 475-479. (tlfi:trogne)
- D'après un mot gaulois signifiant museau, groin (*trugna), trogne (XIVe) désigne le nez rouge de l'ivrogne. (MCC)
- P.-ê. du gaulois *trugna « groin, museau » ; selon Guiraud, dérivation régressive de estrogner (→ Trognon), p.-ê. d'un roman *extortionare, de tortionare, de torquere. (GR)
- Du gaul. *trugna, supposé d'apr. le gall. truyn « nez » (DOTTIN, p. 294; FEW t. 13, 2, p. 332a). (TLFi)
- Bourguig. trongne ; patois des Fourgs, trougne. Quelques-uns le tirent du celtique : cornique, trein ; gallois, trwyn, forme récente tron, museau, nez. Diez préfère le vieux scandinave triona, museau de cochon, danois tryna, qui d'ailleurs est voisin des formes celtiques. Toutefois en même temps il se demande s'il ne faudrait pas songer au latin truo, truonis, cormoran, mot qui a été employé figurément pour signifier un homme à grand nez ; mais ici, comme il le remarque, tous les intermédiaires manquent. Lacurne cite les Gesta comitum barcinonensium, cap. XIII, p. 544 du Marca hispanica, où il est parlé d'un Guillaume de Besauduns, qui cognominatur trunnum, eo quod nasum fictitium haberet. Ce texte paraît tout à fait parler en faveur de l'étymologie celtique ou germanique. (Littré)