LARBIN, subst. masc.
A. − Pop. Domestique de grande maison. Larbin galonné, de première classe. Dans le temps, vers le soir, dans l'avenue, sur trois voitures il y en avait au moins une avec des armoiries partout (...) sur les portières, sur les harnais (...) sur les boutons des larbins (Gyp, Profess. lover, 1894, p. 26). Il ne pardonne à personne de s'être vu forcé, pour vivre, de devenir domestique. Car un garde, c'est un larbin comme un autre ! n'est-ce pas ? ma parole ! (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 51) :
1. Il pressa un timbre posé sur le bureau. Un larbin en livrée entra. « Du porto », dit Quesnel. Et puis ce fut un grand silence, jusqu'à ce que le larbin eût versé à Edmond le vin sombre de ses mains gantées de coton blanc. Aragon, Beaux quart., 1936, p. 485.
B. − Pop. et péj. Personnage servile ayant une mentalité de laquais. Air, mine de larbin; fieffé larbin ; vieux larbin ; faire le larbin ; jouer au larbin. Il ne prend que des gens dont il fera des larbins ou des ministres (Vallès, J. Vingtras, Insurgé, 1885, p. 47). Il suffit qu'une camarilla gouverne pour que les places soient distribuées à une clientèle, et le souci du bien public disparaît (...). Bonne manière de fabriquer en série des larbins du pouvoir (L'OEuvre, 27 févr. 1941) :
2. Le numéro 1 comprend tous les fonctionnaires, tous les larbins officiels de la piété luthérienne en Danemark, le ministre de l'intérieur étant leur pape infaillible. Bloy, Journal, 1899, p. 302.
C. − Arg. et pop. La carte représentant le valet. Le roi sur neuf n'osa plus enjamber, le larbin reparut (Larch. 1872, p. 163).
Prononc. et Orth. : [laʀbε ̃]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1827 « mendiant » (Grandval, Vice, p. 105), sens isolé ; 2. 1829 « domestique » (Mém. d'un forban philosophe p. 177 [ici, fém.]) ; 3. 1872 « homme servile » (Goncourt, Journal, p. 905). Orig. obsc. (FEW t. 23, fasc. 119, p. 59b). Peut-être altération, avec agglutination de l'art. déf., de l'arg. habin « chien » (ca 1460, Greban, Mystère des actes des apôtres, éd. 1537, 1540 ou 1541, l. 8, fo104 vods Sain. Sources arg. t. 2, p. 372 ; ca 1566, Rasse des Noeuds, Jargon ds Romania t. 83, p. 310, s.v. sabre ; v. aussi Sain. op. cit. t. 2, p. 383), lui-même var. de hapin « id. » (1725, Vice puni ds Sain. op. cit. t. 1, p. 333) dér. de happer « attraper par la gueule » (FEW t. 4, p. 382a et t. 22, fasc. 138, p. 6b ; Esn.). À rapprocher, pour l'évol. sém., de hubineux « catégorie de gueux qui prétendaient avoir été mordus par des bêtes enragées et faire un pèlerinage à Saint-Hubert » (1561 Rasse des Noeuds, Abbuz ds Romania t. 83, p. 304), hubins « id. » (1628 Jargon de l'argot réformé ds Sain. op. cit. t. 1, p. 225), hubin « chien » (1728, Jargon..., ibid. t. 1, p. 196, note 3), lubin « domestique » (1821, Ansiaume ds Esn.). Fréq. abs. littér. : 93. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 10. - Quem. DDL t. 7 (s.v. larbinisme). - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 228, 270, 285, 293, 311. - Spitzer (L.). Deux notes arg. Fr. R. 1944, t. 18, pp. 17-19. (tlfi:larbin)
- Orig. obscure ; p.-ê. de habin « chien », avec agglutination de l'article défini, de happer. P. Guiraud évoque une forme labrin, avec métathèse du r, forme de labrit ; l'évolution sémantique de « chien » à valet « est normale » (→ Canaille). (GR)