LOUSTIC, subst. masc. et adj.
I. Subst. masc.
A. HIST. Bouffon attaché à un régiment suisse au service de la France avant la Révolution:
1. ... il m'appelle loustic [it. ds le texte] (...) ce mot est étranger (...). Les puissances étrangères disent loustig, non loustic [it. ds le texte], et je crois même qu'il ignore ce que c'est que le loustig dans un régiment teutsche. C'est le plaisant, le jovial qui amuse tout le monde, et fait rire le régiment.
COURIER, Pamphlets pol., Lettres partic., 2, 1820, p. 67.
P. anal., vieilli. Amuseur attitré d'une assemblée, d'un groupe. Le loustic du régiment; le loustic de sa classe; loustic d'atelier. Le père Guerbet, le percepteur de Soulanges, était l'homme d'esprit, c'est-à-dire le loustic de la petite ville et l'un des héros du salon de madame Soudry (BALZAC, Paysans, 1844, p. 132). Je vois Tirette le loustic de l'escouade ! qui fait des yeux ronds parmi les nuages des cigares (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 328).
B. P. ext. Individu facétieux. Synon. farceur, joyeux drille, plaisantin. Bande de loustics, faire le loustic. Suivaient (...) ces messieurs de la Sorbonne en robes jaunes. « Tiens, les cocus... » s'écria en les voyant, un loustic (MORAND, 1900, 1931, p. 15). V. éditer ex. de Ambrière:
2. ... cette faille transversale ou ravine était devenue un lieu de rendez-vous pour tous les ivrognes du secteur, un repaire de joyeux loustics, un tripot, une cave où les soiffeurs se rendaient directement...
CENDRARS, Homme foudr., 1945, p. 17.
Péj., pop. [S'emploie pour désigner un homme ayant un comportement bizarre] Je me mets nez à nez avec un loustic (...). Figurez-vous un peu un vieux type (...) mal embraillé, des oreilles en paravent (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 67). Un loustic entretient Pierre longuement, tâchant d'obtenir de lui « zéro cinquante » pour s'acheter une bougie (...) ; il est ivre (GIDE, Journal, 1938, p. 1298).
II. Adj. Plaisantin, farceur. Un Gaulois présent, et qui, comme tous les Gaulois et les zouaves de tous les temps, est un peu loustic et ne voit partout que prétexte à la gaudriole, se met à plaisanter en langage de son pays (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1862, p. 48). Il profitait d'ailleurs des événements pour glisser sous sa veste un numéro de Toto-Bonne-Bille, journal pour enfants énormément prisé par les plus loustics représentants de cette catégorie sociale (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 99).
Prononc. et Orth. : [lustik]. Emprunt oral à l'all. lustig [lustik], avec en fr. un simple déplacement de l'accent. Orth. ad hoc. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. I. Subst. 1. a) 1759 loustig « bouffon attaché aux régiments suisses » (VOLTAIRE, Lettre du 11 juillet d'apr. FEW t. 16, p. 492b) ; 1764 loustic « id. » (ID., Lettres inédites à son imprimeur G. Cramer, éd. B. Gagnebin, mars, p. 136) ; b) 1834 « bouffon de caserne » (BOISTE); 2. 1764 « celui qui a pour rôle d'amuser une société, une assemblée par des plaisanteries » (VOLTAIRE, Dict. phil. Sottise des deux parts ds LITTRÉ) ; 3. 1832 « individu facétieux » (BALZAC, L. Lambert, p. 56). II. Adj. 1862 « farceur, plaisantin » (GONCOURT, Journal, p. 1034). I empr. à l'all. lustig « gai, joyeux, amusant », introduit en France par les régiments suisses de l'ancienne monarchie française, où le loustic désignait le bouffon du régiment chargé de distraire et d'égayer les soldats menacés du mal du pays. II nouvel empr. à l'all. par les régions frontalières de l'Allemagne et des Pays-Bas. Fréq. abs. littér.: 48. Bbg. BEHRENS D. 1923, p. 45. COLOMBANI (G.). Les Mots d'orig. all. dans la lang. fr. mod. Aix-Marseille, 1953, p. 120 ; pp. 399-400. DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 303. (tlfi:loustic)
- From the German lustig, merry soldier. (MAR)
- All. lustig « gai ». (GR)
- Ce nom de loustic vient de l'infanterie franco-suisse. Lorsque les rois de France avaient à leur solde des Suisses mercenaires formés en régiment, et qui furent longtemps les meilleures troupes de nos armées, les officiers qui commandaient ces étrangers prenaient tous les moyens en leur pouvoir pour les retenir sous les drapeaux et empêcher la désertion. Dans ce but, on entretenait un bouffon par compagnie et on le nommait loustic, du mot allemand lustig, qui s'est perpétué depuis cette époque dans les troupes françaises. Aujourd'hui l'emploi de loustic est habituellement tenu, dans les régiments, par quelques joyeux enfants de Paris ou des bords de la Garonne. Il y a de ces soldats dont la verve est intarissable et qui parviennent, par leurs chansons, par leurs plaisanteries et leurs histoires, à ranimer les forces des camarades pendant de longues routes, à faire paraître les étapes moins pénibles, à faire oublier les misères petites ou grandes du noble métier des armes. (1868. Le soldat peint par son langage)
- Du suisse Lustig (MERL1886) ; de l'allemand Lustig. (MERLIN1888)