BIGLER, verbe.
B.− Emploi trans.
Pop., arg. Regarder quelqu'un ou quelque chose avec curiosité, avec insistance, ou avec envie. Bigler une femme dans la rue, bigler une belle voiture, les moindres détails d'une scène :
2. Ils recommençaient à nous bigler... Ils posaient leurs loupes pour mieux voir... si on n'était pas des bandits... des escarpes en rupture de tôle!... Céline, Mort à crédit, 1936, p. 185.
Absol. :
3. Quand je remontais les boulevards, je le croisais, je l'apercevais de très loin... Il [Antoine] marchait pas comme les autres... Il s'intéressait à la foule... Il biglait dans tous les sens... Céline, Mort à crédit, 1936, p. 196.
− P. ext. V. synon. zieuter :
4. ... Le jeune girafeau, cité première strophe, Grimpé sur cette planche entreprend un péquin Lequel, proclame-t-il, voulait sa catastrophe, Pour sortir du pétrin bigle une place assise Et s'y met. Queneau, Exercices de style, 1947, p. 102.
ÉTYMOL. ET HIST. − xvie s. biscler intrans. « loucher » (P. Belon d'apr. DG) ; 1611 bisclant part. prés. (Cotgr.) ; 1642 (A. Oudin, Seconde part. des recherches ital. et fr., Paris) ; 1848 trans. (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4) ; d'où 1800 arg. bicler « regarder, voir » (Les Brigands Chauffeurs dans Sain. Sources Arg. t. 2, p. 90). Empr. à un lat. pop. *bisŏcŭlare « loucher » (bis « deux fois, de travers » et *oculare « regarder » < oculus, oeil*) ; forme bigler d'apr. bigle*. Dans l'hyp., moins vraisemblable, où bigle1* serait préexistant à bigler (EWFS2, v. bigle1), celui-ci en serait dérivé. (tlfi:bigler)
- À l'origine : loucher (XVIe, biscler; p.-ê. du lat. pop. bisoculare, de bis « deux fois », et oculare « regarder », de oculus « oeil » ; refait d'après bigle (→ Bigle) ; pour Guiraud, la forme est plutôt bigiculare, du rad. big- ; cf. les régionaux bigue, biguer). (GR)